Je développe un peu plus ici une réponse postée sur le blog de Lordon (référencée ci-dessous)
Entre ceux qui ne comprennent rien à l’économie par paresse ou parti pris (l’économie ça parle d’argent et l’argent pour un chrétien ou un marxiste c’est forcément très sale) et ceux qui croient avoir compris en comprenant tout de travers, il ne reste plus grand monde….
Et pourtant, les choses sont ici (http://blog.mondediplo.net/2013-02-18-La-regulation-bancaire-au-pistolet-a-bouchon#forum122863 )expliquées clairement, avec force, verve et méthode...mais ca n’a pas l’air de déranger grand-monde.
Ce que Lordon ne dit peut-etre pas mais aurait pu dire, c’est que la réforme bancaire proposée par la France est un sommet (du ridicule ou d’hypocrisie, j’hésite encore) qui a des conséquences politiques beaucoup plus graves que ce qu’il en dit au niveau de l’échiquier européen : on en arrive à une situation où un pays qui parade volontiers comme le grand redresseur de tors quand il s’agit de généralités ailleurs, se montre totalement myope sur les enjeux véritables chez lui .
Le modèle français – ou plus généralement européen – de banque dite universelle est le mécanisme fondamental de privatisation des profits et de socialisation des pertes et c’est ce que l’Etat français vient de graver dans le marbre et dans l’indifférence générale. Même les US ont été plus loin (Glass-Steagall hier, Dodd-Frank aujourd'hui), même les Anglais vont plus loin (commission Vickers) et même la commission européenne va plus loin avec le projet de réforme Likkanen que la France ne mettra donc pas en pratique, pour ne pas donner un bon exemple j’imagine. Par contre on peut être certain qu’aux prochains soubresauts de la crise, toute la gauche bien pensante entonnera à l’unisson « c’est la faute à l’Europe, c’est la faute aux marchés » en oubliant bien entendu son silence complice et sa propre cécité sur cette loi scélérate. Et en cas de grosse crise bancaire la gauche comme la droite viendront sauver tambour battant le cœur sur la main la Marseillaise à la bouche ces fleurons nationaux que sont nos grosses banques qui font tellement profiter les portefeuilles réels des énarques qui nous gouvernent à coup d’investissements virtuels…
Quand on sait que de l’aveu même de la commission les aides au secteur bancaire représentent annuellement 10 % du PIB européen (cf http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/article/les-aides-au-secteur-bancaire-representent-annuell), on peut se demander où sont passées les couilles du gouvernement. Ce que cette loi permet, c’est que les banques françaises continuent à jouer au casino (produits dérivés) avec l’épargne des Français comme coussin et avec la garantie d’Etat en prime. A comprendre cela, on pourrait se dire que ça ne pourrait pas être pire.
Et bien si ! La justice française l’a fait ! Elle a poussé le vice à condamner très sévèrement des lampistes, J Kerviel (SocGen) et Boris Picano-Nacci (Caisse d’Epargne, cf http://blogs.mediapart.fr/blog/boris-picano-nacci/130213/caisses-d-epargne-pourquoi-je-fais-appel ) comme si un individu isolé pouvait à lui seul faire évaporer des centaines de millions si pas des milliards d’€ sans qu’il n’ait de comptes à rendre à personne et sans que ça se remarque. Il ne faut pas un bac +7 pour comprendre ça mais apparemment c’est au-dessus des capacités de la justice française et c'est acté par un jugement.
Il est notoirement évident que si la hiérarchie n’est pas capable de mettre en place les moyens de contrôle nécessaire, la seule conséquence responsable – en fait la seule admissible - devrait être de faire perdre à la banque sa licence bancaire . Dans ce sens, la lâcheté des juges a été fidèle à la lâcheté du gouvernement et l’unicité de la Nation est ainsi garantie, pour le pire.