Le 18 octobre 2023
Ovale, Café Le Bourgogne, Saint-Valéren (89), 19 h 30. Collation avant la lecture.
Lecture : Sandrine Malika CharlemagneOud et chant : Issam LemriniParticipation libre destinée aux artistes - Collecte pour l'association ELMA (L'eau)
Agrandissement : Illustration 1
« Je ne le nie pas
l'écriture est un luxe
mais c'est le seul luxe
où l'homme n'exploite
que lui-même. »
La poésie
Abdellatif Laabi est le poète de toutes les poésies. Ses recueils jalonnent tous les moments de sa vie et en atteste, que ce soit ses engagements ou aujourd’hui la maladie, ils trouvent les mots pour dire ce qu’il pense, ce qu’il ressent sans complaisance personnelle mais pour l’usage de tous.
...
Incompréhension
« Par grappes entières
les oiseaux ont occupé les arbres
et donnent leur concert
Ils savent que je les écoute
Je sais qu'ils veulent me dire
De temps en temps
je crois saisir un mot
À son articulation
on dirait un vocable
de ma langue maternelle
prononcé avec l'accent du Sud
Je note à tout hasard :
Oui, non
reste, pars
la porte
dit-il
regarde
rien
derrière toi
Il a suffi que je prenne ces notes
pour que le concert s'arrête
Quel mot ai-je mal compris
La prison
Né à Fez en 1942. Il n’a pas 20 ans quand Hassan II monte sur le trône. En 1965, un mouvement de jeunes contre une réforme scolaire est brutalement réprimé « « Cris de Mars portés par le vent de haine des insurgés, écoliers mitraillés en plein soleil des fausses indépendances … ». C’est peu après qu’il fait paraître la revue Souffles et qu’il s’engage directement dans le combat politique « Les mots de ma rébellion ne pouvaient pas être gratuits. Je devais me prendre, les prendre au mot. ». Ceci lui vaudra d’être condamné à 10 ans de prison dont il fera huit ans et demi. Ses écrits de prison ont gardé toute leur force et leur actualité et sont à la mesure d’autre écrits inoubliables d’autres emprisonné.e, tel.les Rosa Luxemburg. Après cinq ans de liberté sans liberté, il devra partir en 1985 : "Que disaient les maîtres, nos ancêtres ? "Le pays qui t'humilie, quitte-le".
...
Ce soir
impossible de lire, écrire
exécuter les petites besognes qui s'imposent
ou que s'invente le prisonnier méticuleux
Je suis figé dans la position de l'absence
Mon corps se fragmente
soleil intérieur surgi de mes passions
idiome du vent
dans la voile de l'espace migrateur
Je marche dans les caravanes constellées
avec toutes les diasporas de l'humiliation
Être femme
Les droits des femmes, l’égalité absolue s’expriment de manière évidente dans nombre de ses poèmes
...
Tu te rappelles combien de fois
j'ai appelé à la créativité de la femme
et ma conviction ferme
de ce que la femme
libérée de son double esclavage
nous révèlera
hommes et femmes
sur nous-même
sur le monde
quels rêves inouïs
inhibés
raillés
assassinés
depuis le temps immémorial
où naquirent les classes
les inégalités
...
C'est alors que la femme
disparaîtra de nos fantasmes
et des sources de notre honte
comme le pôle séparé
de la différence
comme un des paliers terrifiants
de notre exil
Le corps, la vie, la maladie, la mort …
Le corps en prison, le corps malade, l'approche des derniers jours. Abdellatif Laâbi nous dit les mots et nous aide à maîtriser ce que nous vivons, vivrons ...
L'adieu c'est déjà une cérémonie du retour.
...
Habiter son corps
n'est pas aisé
c'est une maison hantée
un champ de mines
il faudrait pouvoir le louer
juste pour des vacances
...
Inséparables
Pauvre corps
étriqué et mal foutu
Je te remercie de ton hospitalité
Tu pousses la tolérance jusqu'au vice
J'en profite sans vergogne
Je t'use
et tu m'uses
Inséparables nous sommes mais pas dupes
Ailleurs, c'est ici ...
Du combat contre le franquisme à la Palestine, l'ailleurs est ici pour Abdellatif Laâbi. Premier traducteur du grand poète palestinien Mahmmoud Darwish, il consacre tout au long de sa vie poèmes et traductions à la Palestine, son dernier recueil sur la poésie palestinienne de la poésie palestinienne date de 2022
...
Espagne
Grenade
comment t'imaginer
occupée par les reîtres insolents
destructeurs de Guemica
alors que tes chevilles
sont plus fines que celles
de la plus leste gazelle
alors que tu es
quintessence de l'art
alors que tu as le nom
le plus beau
qu'une ville ait jamais porté
...
Palestine
...
Une maison là-bas
Une maison là-bas
avec sa porte ouverte et ses deux tourterelles
récitant inlassablement le nom de l'absent
Une maison là-bas
avec son puits profond
et sa terrasse aussi blanche que le ciel des constellations
Une maison là bas
pour que l'errant se dise
j'ai lieu d'errer
tant qu'il y aura
une maison là-bas
Sandrine Malika Charlemagne
https://blogs.mediapart.fr/villaeys-poirre/blog/110423/la-petite-ouvriere-metisse-sandrine-malika-charlemagne
https://blogs.mediapart.fr/villaeys-poirre/blog/290423/une-asso-un-cafe-une-lecture-la-petite-ouvriere-metisse-sm-charlemagne
Issam lemrini