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"Au lieu de se surveiller, l'éducateur surveille les enfants et c'est leurs fautes qu'il enregistre et non les siennes." (J. Korczak)

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Billet de blog 28 novembre 2025

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Les enfants-soldats de Macron

L’école comme support privilégié d’une éducation patriotique et militaire ? Derrière la mise en scène éhontée de Macron passant en revue des enfants grimés en soldats, les annonces sur le service militaire ont des implications directes sur l’école.

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Des enfants grimés en militaires, au garde-à-vous devant le chef de l’état les passant en revue : ce n’est pas seulement dans la Russie de Poutine ou dans quelque dictature exotique, c’est aussi en France, à Varces (27/11/2025), dans le cadre de l’extravagante mise en scène que s’est offerte Macron au terme d’une prise de paroles déballant sans complexe tous les poncifs d’usage sur le service militaire.

Si les images ont un sens, celle-ci n’en manque assurément pas, quoique peu relevé par les observateurs (et par les enseignants, pour la plupart tellement discrets sur la question…), faisant de l’école le support privilégié d’une éducation patriotique et militaire qui ne se cache même plus. Outre la création d’un service militaire volontaire ouvert aux jeunes de 18-19 ans, Macron a annoncé que le gouvernement allait inciter les lycéen.nes  à faire leur stage de seconde au sein des armées mais également que tous les jeunes devraient participer chaque année au moins à une cérémonie commémorative. Si l’on ne sait pas encore quelle forme prendra l’« incitation » à l’engagement militaire, on peut faire confiance à l’Education nationale pour relayer, sans trop forcer sa nature, ce nouveau caprice du chef, comme elle l’a déjà fait avec le SNU.

Quant à l’obligation commémorative, elle consistera à étendre et généraliser ce qui se pratique à l’école primaire notamment le 11 novembre avec ses rangées d’élèves au garde-à-vous dans les cimetières, entonnant la Marseillaise, encadrés par les Anciens d’Algérie dont la présence donne tout son sens à la commémoration. Car loin d’être un support à la connaissance de l’histoire, à la construction d’un esprit critique, les commémorations officielles sont d’abord la représentation d’une mémoire patriotique et militaire dont l’objectif est, précisément, de laisser à l’écart tout questionnement sur la patrie et sur la guerre. Une mémoire tronquée, frauduleuse, qui en s’exaltant de ses enfants « morts pour la France », rend aveugle sur les causes des guerres et sur leur déroulement : en règle générale, on ne meurt pas « pour la France » mais à cause de la France ou, plus exactement à cause de l’incapacité à dépasser le cadre d’une collectivité définie comme nationale. Dans le cadre des commémorations officielles, ce n’est pas un hommage aux morts qu’on rend mais la prochaine guerre qu’on prépare sans poser plus de questions sur les idéaux qui y conduisent, pas davantage que sur la responsabilité des gouvernants : pour le dire plus simplement, la patrie, c’est tout ce qui reste quand on ne sait pas faire société.

Dans ces conditions, cette annonce de Macron ne vient pas de nulle part, s’inscrivant délibérément dans un processus de militarisation d’une éducation civique scolaire gangrenée par une morale identitaire, renforcée par l’éducation à la défense et ses multiples passerelles armée-école, par le culte des symboles patriotiques à l’école (affichage de la Marseillaise et du drapeau dans les salles de classe), étayée également, surtout à l’école primaire, par un enseignement de l’histoire toujours imprégné par le roman national.

Illustration 2

La suppression du SNU pour des motifs budgétaires ne signe pas la fin des fantasmes patriotiques et militaires qui ciblent l’école : « reculer pour mieux sauter ? » La question que je posais dans une précédente note de blog trouve un début de réponse avec les dernières annonces présidentielles. Je reprends la même conclusion : « dans son principe voulu comme un instrument de mise au pas de la jeunesse intégrée dans une mystique identitaire, le SNU pourrait bien réapparaître sous une autre forme : totalement intégré à la scolarité obligatoire, gratuit pour le contribuable… Une hypothèse rendue plausible par un contexte politique particulièrement délétère gangrené par une symbolique identitaire et autoritaire qui a déjà fait de l’école son terrain d’expérimentation. »

En l’absence d’opposition résolue des milieux éducatifs, on ne voit pas ce qui pourrait empêcher ce gouvernement et les suivants de poursuivre dans cette voie.

Pour prolonger sur ce blog : 

Macron et le JDC : quelle défense pour quelle citoyenneté ?

Faut-il "perdre ses enfants" pour l'Ukraine ? 

Fin du SNU : reculer pour mieux sauter

Armée - école : les liaisons dangereuses

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