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Billet de blog 29 juin 2022

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Euclide et Jésus : comment l'Église a réformé les mathématiques et sa propre doctrine

Euclide est célébré comme le père de la géométrie et l'auteur des « Éléments », un ouvrage autrefois vénéré comme la Bible mais diffusé aujourd'hui comme un simple manuel scolaire. Curieusement, les manuscrits grecs ne mentionnent pas Euclide, évoquant sous anonymat « l'auteur des Éléments ». Euclide a-t-il existé ? Le véritable auteur des Éléments était-il une femme, Hypatie ? Était-elle noire ?

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C. K. Raju, Euclide et Jésus : comment et pourquoi l'Église a réformé les mathématiques et le christianisme pour dominer le Monde. À paraître chez Hic Sunt Dracones, 2024. Trad. B. Bel

Source : C. K. Raju, Euclid and Jesus: How and why the church changed mathematics and Christianity across two religious wars. Penang: Multiversity & Citizens International, 2012.

Voir l'article de l'auteur : Racism in the math classroom: “Pythagorean theorem” and the two myths of “Euclid”


Euclide est célébré comme le père de la géométrie et l'auteur des Éléments, un ouvrage autrefois vénéré comme la Bible mais diffusé aujourd'hui comme un simple manuel scolaire.

Illustration 1
Couverture de l'original © C. K. Raju

Curieusement, les manuscrits grecs ne mentionnent pas Euclide, évoquant sous anonymat « l'auteur des Éléments ». Euclide a-t-il existé ? Le véritable auteur des Éléments était-il une femme, Hypatie ? Était-elle noire ?

La géométrie des mystères de l'Égypte noire visait à éveiller l'âme et promouvoir l'équité, comme dans l'histoire de Socrate et du jeune esclave de Ménon. Les premiers chrétiens avaient des croyances similaires sur l'âme, mais l'Église a modifié la doctrine chrétienne, au 4e siècle, pour permettre à ses prêtres d'imposer leur loi. Lorsque les « païens » ont résisté, l'Église a réagi violemment : elle a détruit leurs temples, brûlé leurs bibliothèques, condamné les premières croyances sur l'âme et interdit la philosophie.

Cet asservissement a plongé la chrétienté dans son âge sombre tout en catalysant l'âge d'or islamique : les écoles de philosophie de Jundishapur, puis de Bagdad, ont entretenu un formidable creuset de connaissances issues de l'Égypte, de la Perse et de l'Inde.

L'inégalité économique attise la jalousie.

Illustration 2

Les hommes d'Église ont exhorté une foule de fanatiques à s'emparer des richesses musulmanes sous le prétexte de propager la foi chrétienne – mais les croisades ont été des échecs militaires, au-delà de la conquête de l'Espagne. Pour convertir les musulmans qui reconnaissaient la primauté de la raison, l'Église s'est investie dans les mathématiques, les associant à la doctrine chrétienne et modifiant les deux à cet effet.

Tout cela a conduit à un subtil parti pris religieux dans la formalisation des mathématiques, dont l'histoire n'a cessé de perpétuer un sentiment de supériorité raciale de l'Occident. Reformulé par l'approche axiomatique de Russel et Hilbert, le mythe d'Euclide est entretenu aujourd'hui avec ferveur pour masquer le contenu théologique des mathématiques formelles.

Ce livre s'adresse aux profanes préoccupés par le fait que ces préjugés sont encore inculqués aux écoliers aujourd'hui, notamment dans le système éducatif des pays anciennement colonisés.


Illustration 3
Portrait de C. K. Raju © C. K. Raju

C. K. Raju est mathématicien et physicien. Auteur de plusieurs ouvrages, dont deux autres sont à paraître aux éditions Hic sunt dracones, il propose un enseignement « décolonialisé » des mathématiques, de la physique, de l’histoire et de la philosophie des sciences.


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