On dirait la musique destinée à des enfants. Je présente mon commentaire sur Simple Songs à Sylvain Luc, dans un café parisien. Réaction instantanée : « On ne peut pas davantage me faire plaisir que donner cet avis-là». Le guitariste se déclare enchanté. L’artiste qui, d’habitude, séduit d’emblée par sa virtuosité ; lui à l’égard de qui le génie manouche Bireli Lagrène me confiait récemment une immense admiration (« Sylvain m’épate à chaque fois»), eh bien, cette fois, le musicien nous émeut par la douceur, le désir de simplicité… et l’invention à flux continu! Le charme fonctionne. Qu’il s’agisse de pop, de jazz ou de chanson, l’improvisation se déclenche au cœur des premières notes de l’énoncé.
Sylvain Luc ne paraphrase pas : le discours reconstruit chaque titre, tout en gardant le thème à vue. Qu’on en juge à l’écoute du premier morceau (Children’s Song), un bijou. Ici, le Basque choisit une facette peu connue de l’œuvre de Chick Corea. Le dépouillement de la composition de ce dernier impressionne. Néanmoins, le jeu du guitariste nous transporte plus loin. Avec très peu de notes, le propos - ramené à l’essentiel - nous éclaire comme un visage heureux. Luc ravit l’auditeur.
Les morceaux s’enchaînent. Tous en douceur. Suivent Change the World (Clapton) - Over the Rainbow (quelle mélodie!) - Nik Baditut Bortuetan (fervent hommage à son Pays natal, dont les paroles de l'original expriment la richesse) - Indifférence (composé par la figure populaire Tony Murena). Sylvain Luc insiste sur un point : Murena et Marcel Azzola ont imprimé sa culture musicale autant que John Coltrane. « Avec des harmonies complexes, les accordéonistes de musette ont inventé la forme des valses jazz ». Un signe : André Minvielle, Bernard Lubat, chacun, reprennent Indifférence.
Second Step et Simple Song offrent des improvisations totales en studio. La surprise du chef.
Le titre suivant (Waltz for Debbie, de Bill Evans) nous inonde de pureté. Le soliste retrouve le bénéfice de ses recherches sur le son de la guitare acoustique depuis des dizaines d’années. On retrouve la quête du son sur le boléro Flor de Luna, de Carlos Santana. Julia (John Lennon) déborde d’émotion.
What are you doing the Rest of your Life? Une pensée pour l’auteur, Michel Legrand, admirateur du travail du guitariste, très protecteur à son endroit. Ils préparaient des concerts. Un vide énorme.
Sylvain Luc puise dans les événements de sa vie (« Tu trimballes ta vie dans chaque note »). Il éprouve depuis les débuts une admiration pour Keith Jarrett. Luc gomme beaucoup, accentue le trait, aboutit à l’épure sur My Song (ECM, 1978).
Peu de jazzmen piochent dans le répertoire de Pierre Perret. Le résultat obtenu sur Lily - d’une splendeur à couper le souffle - révèle le manque dans les track lists. Carole King lui prête You’ve got a Friend. Luc retourne la faveur.
Révélation finale : les deux derniers titres signés George Harrison (My Sweet Lord, 1970), et John McLaughlin (Guardian Angel, 1978).
My Sweet Lord. Sylvain Luc, émerveillé : « la beauté absolue - l’offrande à celui qui écoute - ce que l’on cherche tous à accomplir. Une spiritualité contenue dans quelques minutes. ».
Guardian Angel. Sylvain Luc : «pour la perfection de l’arpège initial, qui héberge le thème. Je le concevais ainsi : John l’a fait ».
Comme le mage dans les contes, Sylvain Luc transforme tout ce que ses doigts touchent. L'une de ses réussites ? La ferveur insufflée aux interprétations du disque et la simplicité souvent enfantine du traitement des thèmes rompent les clivages entre jazz, pop, blues, chanson, etc.
Un très bon tour (de magie) joué à la musique.
Bruno Pfeiffer
CD : Simple Song (Space Time Records/Socadisc, 2023)
CONCERT Sylvain Luc : Les Nuits de Fourvière (Lyon), le 9 juin, en duo avec Bireli Lagrène.
- En solo le 15 juin au Duc des Lombards (Paris 1er)
CONCERTS 2023
John Fogerty, le mercredi 31 mai 2023, à Paris (La Seine Musicale, Boulogne-Billancourt/ 20h). Le fondateur de Creedence Clearwater Revival célèbrera l'histoire de la formation légendaire. Un monument de l'histoire du rock. Le super-groupe sort son premier album en 1968, prenant la relève des Beatles dans les cœurs des amateurs, multipliant les tubes (The Beatles se séparent en 69). Comment oublier Bad Moon Rising, Proud Mary, Fortunate Son, ou la sublime ballade Have You Ever Seen The Rain ? Le groupe se séparera en 1972. Six de leurs sept disques sont certifiés platine. Autant de chefs-d'œuvre! Par la suite, John Fogerty réalise - en solo - une dizaine d’excellents albums studios, dans les styles country, swamp pop, rock sudiste. Pendant longtemps, Fogerty rechigne à présenter en public les classiques des années Creedence. Là, retournement complet : son Celebration Tour prévoit dans les prochaines semaines plusieurs concerts en Europe sur ce répertoire. Félicité totale. Le moment d'y foncer...
Youn Sun Nah le 25 mai 2023 au Rocher de Palmer à Cenon-Bordeaux (Gironde). L'époustouflante chanteuse coréenne présente son disque Waking World, le onzième, dont cette fois elle signe paroles et musique. Une grande première pour cette interprète d'exception. Une première concluante. En concert, Youn Sun Nah est entourée de Thomas Naïm (guitares), Tony Paeleman (claviers), Brad Christopher Jones (basse, contrebasse). La tournée de Youn, comme l'appellent ses amis (le public), l'emmènera de mars à mai 2023 à Cébazat, Chalon-sur-Saône, Châlons-en-Champagne, Chenôve, Annecy, Issy-les-Moulineaux, Amiens, Vélizy-Villacoublay, Saint-Gilles les Bains (La Réunion), Queven, enfin à Chartres.
Baptiste Herbin & Nicolas Gardel quartet le 25 mai au Studio de l'Ermitage (Paris, 19e). Leur carré parfait, avec Laurent Coulondre (piano) et Yoann Serra (batterie), jouera son opus Symmetric (Matrisse productions/ L’Autre distribution), lequel sort en mars 2023. Le saxophoniste Baptiste Herbin et le trompettiste Nicolas Gardel croiseront leurs univers : le jazz du premier - la musique d'aujourd'hui du second. Une alliance de styles, entre tradition libérée, modernité maîtrisée, invention incessante. Deux improvisateurs de surcroît lyriques en diable.
Francis Laffon le vendredi 26 mai, à 20h30 à Mulhouse (Haut-Rhin) au théâtre Poche-Ruelle. Le chanteur-compositeur-interprète aux mots qui jouent, sera accompagné par Olivia Ralaimiaramanana au piano, et Amos Mâh au violoncelle. Francis Laffon, on dirait Brassens, Vian, Brel, Gainsbourg et Ferré dans une winstub, parlant de la vie, autour d'un verre. Laffon, c'est aussi bon que çà! Naturellement, l’Institut des Arts et Traditions Populaires d’Alsace vient de lui décerner le Bretzel d'or. Voilà notre héros immortalisé, au titre de "Musique, chant / Musik un Gsang". Pour réserver, écrire à theatrepocheruelle@orange.fr
Laurent de Wilde Trio le 6 juin au New Morning (Paris 10e). Avec Donald Kontomanou (batterie) et Jérôme Regard (contrebassiste), le pianiste, préposé aux disques notables, présentera Life is Movie (label Gazebo). Sortie fin avril 2023. Le disque ne dépare pas (et de loin!) le reste de la production de l'artiste...
Jazz en Pic St Loup du 7 au 10 juin au Triadou (Hérault). La 22e édition accueille Sixun - Daniel Zimmermann (feat. Erik Truffaz) - Remi Panossian - Laura Prince - Ablaye Cissoko - Cyrille Brotto - et autres. Un rendez-vous qui renforce le jazz entre les territoires héraultais et gardois, dans le cadre champêtre du Triadou, au pied du Pic St Loup.
Jazz at Lincoln Center Orchestra et Wynton Marsalis le samedi 10 juin 2023 (20h00) à La Philharmonie (Paris 20e). Le trompettiste américain et les quinze solistes du big band new-yorkais sont empreints de modernité et animés par le sens du swing. Un mélange explosif. Ils empruntent le sillage des grands orchestres de légende (Duke Ellington, Louis Armstrong, Dizzy Gillespie). Ils sont déjà venus. La Grande salle avait tremblé.
Christian Brenner Quintet le 14 juin à 21h30 au Sunside (60, rue des Lombards 75001 PARIS - Tél. : 01 40 26 46 60, M° Châtelet - Les Halles), pour la sortie fin avril du quatrième album que signe le pianiste en leader, Avant l’Eté (Amalgammes/Inouïe Distribution). Avec deux saxophonistes impliqués (Vincent Mascart et Stéphane Mercier); un contrebassiste au jeu solide et créatif (Bruno Schorp), entendu avec bonheur dans le trio de Christophe Panzani (remarquable le 11 janvier au Sunside); un batteur enfin très présent, subtil, à la palette richissime (Frédéric Delestré).
Sylvain Luc le 15 juin au Duc des Lombards (Paris 1er) pour la sortie fin avril de l'album du guitariste - en solo - Simple Song (Space Time records/Socadisc). Virtuose et féerique.
Ricardo Izquierdo le 29 juin à 20h30 au Studio de l'Ermitage (Paris 20e) pour son emballant album Kikun Pelu Mi Wa (sortie le 26 mai - Label MiRR/L'Autre Distribution). Le Cubain, installé à Paris depuis une vingtaine d'années - réputé pour la fluidité et la couleur du jeu de saxophone ténor - fait le bonheur des clubs. Il collabore avec de nombreuses formations. Sur le disque, l'accompagnent : Sergio Gruz : piano/Gildas Boclé : contrebasse/Juan Sebastien Jimenez : contrebasse/Fabrice Moreau : batterie/Javier Campos Martinez : percussions.
Festival International de Jazz de Montréal du 29 juin au 8 juillet prochain (43e édition). L'affiche la mieux pourvue de la planète. Les pointures du blues et du jazz répondent présent à nouveau : Buddy Guy, Diana Krall, Robert Plant & Alison Krauss, Brad Mehldau, Melody Gardot, Snarky Puppy, Herbie Hancock, George Benson, etc. Les vedettes montantes du jazz viendront aussi, parfois sur un même plateau. On relève une présence accrue du jazz sur les scènes principales du Festival, que cela soit en salle ou en extérieur.
Jacky Terrasson en trio, du 6 au 8 juillet au Sunset (Paris 1er), première tête d'affiche connue du festival Pianissimo. Parmi les pointures de cet événement de l'été à Paris - cela pour la dix-huitième fois - on annonce déjà Larry Goldings (avec Peter Bernstein); Pierre de Bethmann (avec David El Malek); Yonathan Avishai; Xavier Thollard; Tony Paeleman (avec Christophe Panzani); Jeb Patton (avec Dmitry Baevsky) et Laurent Marode (avec David Sauzay). Côté jeunes talents, on suivra les révélations Julia Perminova, Ilan Elbaz, Adrien Brandeis (avec Arnaud Dolmen), et Léo Labarrière. là encore, d'autres annonces à venir. Le festival s'étendra sur les 2 mois de juillet et août 2023.
Jazz à Junas (Gard), du 18 au 22 juillet 2023, dont - pour la 30ème édition - la programmation reprendra l'histoire du festival. Une histoire haute en sons actuels, en couleurs, en plaisirs à venir. Beaucoup d'événements retentiront entre les roches des carrières de Junas. Relevons les concerts suivants : le projet S.h.a.m.a.n.e.s de l'épatante percussionniste Anne Paceo/le quartet de l'inventif batteur Daniel Humair, une stature/l'émouvant trompettiste sarde Paolo Fresu/le quartet du briscard Lars Danielson, le contrebassiste suédois/la sidérante vocaliste Sandra Nkaké/le trio du lumineux accordéoniste Vincent Peirani/l'ébouriffant orchestre Le Sacre du Tympan, dirigé par Fred Pallem/l'attendu Kutu, du violoniste Théo Ceccaldi avec son groupe franco-éthiopien/le projet KHMER, chef d'œuvre du trompettiste norvégien Nils Peter Molvaer (ECM, 1997). Et d'autres affiches de haut-vol...
Sylvain Luc Trio le dimanche 23 Juillet aux Nuits de la Guitare de Patrimonio (Haute-Corse), pour la 32ème édition du festival : du 18 au 25 juillet 2023. Le guitariste basque jouera en première partie de Marcus Miller. Parmi les autres bretteurs de la six-cordes attendus sur l'île : Fred Chapellier le 20 - Juan Carmona le 22 - Stochelo Rosenberg & Josho Stephan le 19 - Yamandu Costa et Armandinho le 18 - Luca Imbiriba le 25.
Jazz au Phare (des Baleines, au nord de l'île de Ré) - 14e édition - du 30 juillet au 3 août 2023. Avec Biréli Lagrène (qu'accompagnera un orchestre symphonique) Lavilliers, Murray Head, Roberto Fonseca & La Gran Diversión. Ainsi qu'une trentaine de formations, dont les quartets explosifs de Jean-Michel Proust et de Jean-Pierre Bertrand. Une séduisante affiche, dans un cadre surnaturel.
Triumviret le samedi 23 septembre 2023 (12h), dans l'Eglise Notre-Dame de Portbail (Manche) dans le cadre du festival Les Arches en Jazz. Triumviret, un jeu de mots réussi pour le trio du contrebassiste Jean-Philippe Viret et de ses deux enfants : Adèle (violoncelle) et Oscar (trompette). Comme dans beaucoup de familles, on compose et on improvise. Ici, c'est en musique (jazz), en public, et à un très haut niveau.