
Agrandissement : Illustration 1

Tout le monde est tombé d’accord en deux ans. À l’occasion de son passage dans le Lady All Stars de Rhoda Scott début 2022 au Théâtre du Châtelet, Jeanne Michard est repérée par la radio jazz TSF, qui passe sa musique en boucle. L’unanimité, instantanément. Paraît le premier disque, Songes transatlantiques. Irrésistible. Sacrée illico Révélation française de l’année 2022 par les mensuels Jazz Magazine et Jazz News, puis Révélation aux Victoires du jazz 2023, la Parisienne, dont la détermination impressionne, se trouve aujourd’hui capée du statut de figure du jazz français, avec une mention spéciale pour le jazz latino, cela à un niveau unique.
Tous les voyants passent au vert émeraude avec son deuxième disque, Entre Las Flores (Label Quai du Son/SOCADISC/PIAS), un bijou. D’une part parce que le jeu de la styliste progresse chaque jour (je l’ai entendue au Sunset le mois dernier : la prestation de la soliste a cloué la salle sur les sièges). Jeanne me confiera début mai avoir profité du confinement pour multiplier les heures de pratique. Et avoir continué après la reprise ! Seconde raison : elle multiplie les configurations. Ainsi, au Jazz-Club Etoile, en décembre dernier, la chef d’orchestre élargit-elle la formation habituelle du quintet en première partie de soirée. Parmi les renforts, l’on reconnaissait Noé Codja à la trompette ; Neil Saidi au saxophone ténor ; Thomas Gomez au saxophone alto ; François Morin au trombone ; Ellen Birath à la voix. Un nonet uni au service des compositions de Jeanne Michard, autant d'artistes bien décidés à disloquer les frontières du jazz. On reste attentif aux discours passionnés de chaque membre (superbe chorus d’entrée de Noé Codja) sur des rythmes qui se déroulent comme un tapis volant. Jeanne revendique l’héritage : « la musique de Duke Ellington m’a touchée très tôt. J’ai passé son œuvre en revue : les Suites, les concerts, les trios, les pianos solos. Son travail m’inspire pour l’écriture à plusieurs voix. Avec la personnalité des instrumentistes en tête, j’essaie de composer des mélodies qui restent dans l’oreille. Cela m’émerveille de constater combien Duke reste de notre temps. Je reviens de Coutances. Le directeur du festival, Denis Le Bas, a monté avec le programmateur du Lincoln Center de New York un grand orchestre (« Future of Jazz »). Ils m’ont invité dans la Manche pour m'asseoir avec eux. J’ai retrouvé cette patte, la façon unique de jouer les cuivres. Ce lyrisme... Je me suis éclatée ».
Le style de Jeanne Michard ? Un langage vigoureux à la Sonny Rollins (sa référence en saxophone), flamboyant (le voyage à Cuba l’a transformée), serti de mélodies (Duke Ellington, source inépuisable). Sur scène, à chacune des prestations de Jeanne, les ambiances soit se mélangent - soit s’enchaînent. Pas question toutefois de coller aux règles, aux « patterns traditionnels » selon sa formule. Obsessions cardinales : le groove et le placement rythmique. On entrevoit la patte de son directeur artistique Julien Lourau, saxophoniste exceptionnel et pédagogue réputé. Du coup, l’écoute chez soi du disque Entre Las Flores ramène à la concentration que l’auditeur éprouve en salle. Une écoute aspirée par la musique. Expérience pour le moins privilégiée. Le groove? Sans doute parce que Jeanne l’a trouvé dès le début en tombant dans la marmite de Charlie Parker, le saxophoniste alto fondateur du bebop. Elle a relevé tous les morceaux. Et déclare volontiers « je viens de l’alto ». Le placement rythmique ? Nouveau contre-pied : « je reconnais être obsédée par le tango ». Par ailleurs (ou en priorité?), les binômes avec les vocalistes structurent ses représentations. Au Méridien Jazz-Club Etoile, Nelson Palacios, et la sublime chanteuse flamenca Paloma Padal, m’ont sidéré. Les chorégraphies ensorcelantes de Paloma offrent un contrepoint aux solos super-toniques de Jeanne. Les concerts deviennent des spectacles complets. Forcément, les dates importantes à venir du Latin quintet s’alignent cet été (agenda ci-dessous). Citons Juan-Les-Pins/Paris-Jazz-Festival/Vienne/etc. On ne se fait aucun souci sur son succès.
Bruno Pfeiffer
CONCERT
Jeanne Michard & Latin quintet le vendredi 31 mai 2024 - 21h – au Studio de l’Ermitage (Paris)
Line up : Clément Simon (Rhodes) - Natascha Rogers (Percussions) – Pedro Barrios (Percussions) – Maurizio Conju (contrebasse) – Jeanne Michard (saxophone ténor /compositions)
CONCERTS à venir de JEANNE MICHARD 2024/2025
28 juin – Jazz à Garches; 9 juillet – Jammin’ Summer Session, Juan les Pins (06); 10 juillet – Jazz à Vienne, Club de Minuit (38); 28 juillet – Marseille Jazz des Cinq Continents, Istres (13); 29 juillet – Jazz en Tech, Saint Genis des Fontaines (66); 1er août – Jazz Up Sous les Oliviers, Opio (06); 3 août – Gouvy Jazz Festival, Belgique; 4 août – Jazz In Langourla (22); 12 août - Festival Abbaye de Fontdouce ( 85); 25 août – Paris Jazz Festival, Parc Floral (Vincennes); 20 septembre – Jazz à St Rémy de Provence (13) | + Paloma Pradal et Nelson Palacios; 28 septembre - Cheval Blanc à Schiltigheim (67); 29 septembre – L’Adagio, Thionville (57); 6 octobre - Grenoble Alpes Métropole Jazz Festival (38); 16 octobre - Tourcoing Jazz Festival (59); 25 octobre - Festival Jazz Sur Seine, Sunside, Paris 1er; 6 novembre – L’Avant Scène, Le Phénix, Valenciennes (59) => initialement prévue le 3 octobre décalée au 6/11; 15 novembre – Jazz en Ville, Villejuif (94); 6 décembre – Arcachon Jazz Festival (33); 12 décembre – Vésinet Jazz Afterworks, Théâtre du Vésinet (78);
3 février 2025 – Les Lundis du Jazz, Courbevoie (92); 8 février 2025 – Jazz au Confluent, Conflans Sainte Honorine (78)
Cd’s
Entre Las Flores (Label Quai du Son/SOCADISC/PIAS), 2024
Songes Transatlantiques (Parallel Records), 2022
CONCERTS 2024
Camille Maussion le 6 juin à l'Atelier du Plateau (Paris 19e). Quatre improvisateurs épauleront la saxophoniste (soprano + ténor) dans une exploration des complémentarités de leurs instruments : Célia Forestier, voix - Clément Merienne, synthétiseurs, voix - Clément Petit, violoncelle, voix - Maxime Rouayroux, batterie, objets sonores, voix. La compositrice et plasticienne Camille Maussion malaxera en direct le magma de cette orchestration, concédant mille espaces aux improvisations de ses congénères. Assurément jamais vu.
Camille Bertault quintet le 7 juin à 20h sur la péniche Le Son de la Terre (à 100m de Notre-Dame de Paris - M° St-Michel). Le spectacle total de la vocaliste de jazz primée aux Victoires. Elle compose (excellente qualité des titres), et activera ce vendredi un quintet où chacun tire ses marrons du feu. Quintet que voici. Camille Bertault : voix, compositions et textes - Fady Farah : piano, Rhodes, orgue - Christophe Minck : contrebasse, Moog, voix - Minino Garay : percussions, batterie, atmosphère - Julien Alour : trompette, bugle. Une artiste inspirée à la fois par Vian, Monk, Ravel et Portishead, cela dans une fusion qui fonctionne, il faut l'avoir entendue! Au programme "Bonjour mon Amour" (VITA Productions/L'Autre Distribution), son cinquième et nouvel album.
Jazz en Pic-St-Loup présente le 7 juin une triple affiche fournie avec Laurent Bardainne&Tigre d'eau douce (22h30); Sophie Alour quartet à l'Espace de la Plaine (21h). Enfin, le Trio Monokini au Triadou (18h30). Samedi 8 juin, nouvelles émotions : le trio Rémi Panossian (21h) et Thomas de Pourquery quintet. Maintenant, Thomas, auteur-compositeur-leader-saxophoniste, chante de plus en plus dans le nouveau concept Let the Monster Fall. On ne s'en plaindra pas. Et de loin. Je l'ai entendu en mai à Coutances, dans le projet NewGaro. Parfait. Au milieu d'une dizaine de chanteurs, l'un des rares à tenir sa place.
Solaxis le samedi 8 juin à l'Espace Sorano (M° Château de Vincennes), un commando de souffleuses (calibres supérieurs) animé par la saxophoniste alto Lisa Cat-Berro, au service d'une musique originale, teinté, e de rock mais raffinée; tonique mais décalée; sereine et vibrante à la fois. Cerise sur le cadeau : toute du long virtuose. A l'arrivée la claque! L'une des découvertes du festival de Coutances l'an dernier. Line up : Camille Maussion : sax soprano/Géraldine Laurent : sax alto/Lisa Cat-Berro : sax alto et compositions/Sophie Alour : sax ténor/Céline Bonacina : sax baryton/Guillaume Lantonnet : batterie/Timothée Robert : basse électrique.
Malo Mazurié le 15 juin à la Médiathèque de Boulogne-Billancourt avec son groupe Three Blind Mice. La trompette du triple lauréat du Prix,du Jazz classique de l'Académie du jazz étincellera dans un répertoire chéri : les années trente (Bix Beiderbecke, Louis Armstrong, etc.). Ils sont trois à l'origine de Three Blind Mice : Sébastien Girardot (contrebasse), Félix Hunot (guitariste), et lui. Autant prévenir de leur musique irrésistible! Les épaules s'agitent dès les premières phrases des musiciens. Malo a sorti au début de l'année un disque en quartet plus personnel, Takin the Plunge (Label EncoreMusic). Le soliste du phénoménal Duke Orchestra de Laurent Mignard y partage son amour (je ne trouve pas d'autre mot) de Duke Ellington, Jelly Roll Morton, Bix Beiderbecke, et Louis Armstrong. Il signe de surcroît huit compositions. J'avais entendu Malo avec le Duke Orchestra au Bal Blomet (Paris 15e), cet hiver. L'excellence incarnée. On comprend que les mélomanes américains nous jalousent le Duke Orchestra. Les dates à venir du quartet de Malo Mazurié : 22-23 juillet JAZZ IN MARCIAC - Scène bis (32);
26 septembre, ST BENOÎT SWING - St Benoit (86); 28 septembr,e MAROC IN JAZZ - Marrakech le 29(Maroc);
25 octobre, JAZZ POUR TOUS - Angers (49); 28 octobre à Chatelaillon-Plage (17).
Jazz à Vauvert (2024) rend hommage à la Méditerranée du 28 au 30 juin. La 21e édition se tiendra au Parc du Castellas de Vauvert (Gard). Avec Rabih Abou Khalil et Elina Duni (le 28), Paolo Fresu et Richard Galliano (le 29), Fwad Darwich (le 28), Joulik, Inui et The Gumbo Revolution ( tous trois le 29). Entre autres spectacles... Renseignements au : 04 66 80 30 27. Pass 2 soirs : 55 euros.
MARSEILLE JAZZ des Cinq Continents du 30 juin au samedi 13 juillet, avec Léon Phal (2 juillet) - Les Égarés (Peirani; Parisien; Segal; Sossoko, le 6 juillet. Assisté à leur prestation à Coutances (Manche) début juin : pure beauté. La créativité avec!) - Meshell Ndegeocello (le 10 juillet) - José James (le 11 juillet) - Gregory Porter et Grégory Privat (le 12 juillet) - Marion Rampal (une aurore boréale de poésie et de musique comme on en voit trop peu, le 13 juillet). En outre, de nombreuses dates cet été. Seront de passage : Ana Popovic (Le blues électrique et torride vous met-il en orbite? Alors, surtout ne pas louper le 20 juillet). Gardez quelques sous pour le Jeanne Michard Quintet (la sensationnelle épigone de Sonny Rollins), et cochez vite le 28 juillet. Après, vous n'oublierez plus jamais la date)!
ZZTop le 9 juillet au Zénith La Villette (Paris 19e) pour envoyer son blues grungy garni avec des titres ultra-toniques et décoiffants comme "La Grange", "Gimme All Your Lovin", "Sharp Dressed Man", "Legs" (on en passe). Mené par Billy F Gibbons, soutenu par la force rythmique de Frank Beard et, depuis quelques années, Elwood Francis à la basse, le groupe assène une approche sonore du rock inimitable. J'avais vu Billy Gibbons en éclaireur (Olympia, 2023) : on en redemande!
Le jazz allemand du 17 au 20 juillet à l'affiche de Jazz à Junas (Gard), pour la 31e édition du festival. Tel est le choix de l'assemblée des bénévoles et des salariés de l'association : une particularité de ce festival démocratique et libertaire qui défend un humanisme chaleureux dans la diffusion de la créativité. Le programme décline une "aventure de proximité, un espace de découvertes, une résistance à l'uniformité". Un esprit palpable au moindre contact dans les travées du festival (et les rues de la ville). Les organisateurs invitent des artistes reconnus (Youn Sun Nah le 20 juillet, par exemple), toutefois en gardant le regard en permanence vers l'extérieur. En 2024, bienvenue au jazz allemand, dont la singularité détonne sur toute la planète (le tromboniste Albert Mangelsdorff m'expliquait qu'il s'avérait vital pour l'identité du jazz allemand dans les années cinquante, de s'affranchir du langage des jazzmen américains). Du coup, nous voilà impatients de découvrir des formations inhabituelles en France, comme le groupe du trompettiste chevronné Markus Stockhausen invitant le guitariste Nguyen Lê (le 17). Ou comme le même soir les versions jazz de Bach par le trio de Dieter Ilg. On attend beaucoup du lendemain, le 18, où Airelle Besson invite deux musiciens allemands (Sébastien Sternal- piano/Jonas Burgwinckel - batterie). Et du 19, avec le duo Katarina Koch (voix) et Kira Kinn (saxophone baryton). Sans passer à côté de la formation Triosence, bardé de trophées. Aussi pour la formidable Groove Connection du saxophoniste Jakob Manz. Enfin - le 20 - le saxophone à la fois lyrique et percutant de Nora Kamm jouera doublement à domicile (elle vit en France).
Tommy Emmanuel le 21 juillet aux Nuits de la Guitare de Patrimonio (à côté de St-Florent, Haute-Corse; 33e édition du 18 au 25 juillet 2024). À côté du légendaire styliste australien (il adore la France), le gratin des virtuoses manouches (Rocky Gresset - Stochelo Rosenberg - Adrien Moignard - Fanou Torracinta). D'autres félicités encore (Mike Stern le 24). La mer voisine est bleue comme dans les films.
Michel Bonnet le 30 juin à 18h sur la péniche Le Son de la Terre (à 100m de Notre-Dame de Paris), avec son nouveau quartet (Philippe Carment : piano - Laurent Vanhée : contrebasse - Stéphane Roger : batterie - et lui-même à la trompette). Le spectacle "Made in trompettes" embarquera l'auditeur à la découverte des trompettistes préférés du leader. Un parcours amoureux, commenté avec humour, jalonné d'anecdotes pour ceux qui veulent entendre les voix des maîtres de l'époque swing : Louis Armstrong - Coleman Hawkins - Rex Stewart et tous les solistes de Duke Ellington.
Gregory Privat le 8 août au Phare des Baleines (Île de Ré) en trio, dans le cadre du festival Jazz au Phare. Le pianiste antillais, lauréat du prestigieux Prix Django Reinhardt de l'Académie du Jazz 2023, sera entouré de Chris Jennings (contrebasse) et Tilo Bertholo (batterie).
Ramona Horvath le 19 août à Grand Village (Île d'Oléron) pour l'ouverture du festival Un Piano dans la Pinède. La manifestation - elle privilégie le jazz qui swingue - durera trois jours. Un Piano dans la Pinède, organisé par Patrice Robillard, ouvre le haut du panier de jazz classique. Au saxophone ténor dans le quartet de la pianiste franco-roumaine, jouera le légendaire André Villéger. J'ai entendu Ramona au Sunside (Paris 1er), en trio cet hiver. Le jeu rayonne, piquant, original et soutenu. Valeur sûre en concert, c'est une grande admiratrice d'Errol Garner. En outre, de grands interprètes roumains lui ont transmis le flambeau. En France, aujourd'hui, les pianistes de son niveau (un son et un discours d'exception) se comptent sur les doigts de la main. Le jazz et le classique s'entrecroisent dans une pulsation ininterrompue. Dans la sélection finale pour décrocher le Prix Django Reinhardt de l'Académie du Jazz 2023, son nom apparaissait parmi les premiers. Ramona clôture systématiquement les prestations par une composition de Billy Strayhorn. Au Sunside, pas un spectateur ne s'est levé avant la dernière note.
Brad Mehldau les samedi 7 (en trio à 18h) et dimanche 8 septembre (en solo à 16h) à la Cité de la Musique-Philarmonie de Paris (Paris 19e-M° Porte de Pantin) dans le cadre du festival Jazz à La Villette (29 août au 8 septembre). Si j'en juge au phénoménal concert de Coutances le 8 mai 2024 (en trio), le virtuose n'a pas perdu la main. Un enchantement, par celui qui dépasse de la tête et des épaules les pianistes de sa génération.
Exposition "Metal Diabolus in Musica", jusqu'au 29 septembre 2024 à La Philarmonie de Paris (Paris 19e). Instruments de musique, costumes, iconographie, pochettes de vinyles rares, extraits sonores et vidéos, projections ; le visiteur encaisse le lot en pleine figure. La scénographie ahurit du début à la fin (cette apothéose du festival HellFest dans la dernière salle!). Une pédagogie spectaculaire déroule de bout en bout le panorama documenté du mouvement amorcé par les groupes légendaires (Deep Purple, Led Zeppelin, Black Sabbath). Le développement conduit le genre "Métal" aux délires. Réalisé avec le concours de partenaires pour le moins concernés (Le HellFest). Cela pour déclarer que j'ai dégusté la claque du semestre. L'expo que je ne suis pas prêt d'oublier.
B.P.