Si le code pénal réprime l’atteinte à la mémoire des morts, il n’existe aucun acte législatif interdisant les hommages aux défunts. Tout un chacun est libre de leur offrir un compliment sincère.
Au demeurant, Gisèle Halimi ne s’appartenait plus depuis longtemps : son rôle dans la vie sociale et politique du pays appartient à l’histoire et aucun honneur individuel ne se hissera plus à sa hauteur.
Mediapart lui a bien sûr rendu justice, en confiant cette tâche , peut-être d’autant plus délicate que figure imposée, à une de ses plumes les plus alertes. Antoine Perraud, a ainsi ciselé un hommage rendant compte de l’estime unanime qui entourait cette figure majeure1, non sans cet infime dégoisement avachi2 sans lequel il n’est ni éloge sincère, ni vraie littérature.
De cet article, je dirais simplement qu’il est peut-être regrettable de l’avoir inscrit à la rubrique « culture » ; certes, madame Halimi appartient désormais à notre patrimoine commun, mais un lecteur distrait pourrait imaginer ainsi que son combat pour la dignité appartient au passé. Nous savons tous qu’il n’en est rien. ( voir ici ou là par exemple).
Le titre de mon billet et son interrogation peuvent paraître incongrus, tant les engagements de la défunte relèvent et de la justice, et du combat social.
D’évidence, Madame Halimi était une combattante. On peine, aujourd’hui , à imaginer le courage, d’abord physique , qu’il y a eu à plaider comme jeune avocate, dans l’Alger des « événements ».
Et dans la France de Cyrile Hannouna, il est presque impossible de saisir le scandale qu’il y avait à se prétendre une des « 343 salopes », en s’exposant par ailleurs à des poursuites judiciaires.
Il me semble que Madame Halimi a ainsi , tout au long de son existence publique, choisi de se mettre en avant et de s’exposer à la vindicte, non pour sa gloire personnelle, mais pour la défense et la dignité de tous.
J’ai , à titre personnel, l’impression que de nombreux combattants d’aujourd’hui , ont pris au contraire l’habitude un peu fâcheuse d’exposer les autres en se mettant eux-mêmes en valeur.
En ce sens, Madame Halimi n’était pas une Social Justice Warrior.
Merci Madame Halimi.
MAJ du 02-08-2020 à 11h51:
Prenant en compte les commentaires de Vingtras et Joëlmartin, je donne des liens vers des définitions des SJW , car celle-ci n'était pas explicite dans la première version de ce billet. Il s'agit d'un concept qui fait actuellement débat outre-atlantique, dont le caractère initialement mélioratif tend à s'estomper.
On peut consulter :
a- Wikipedia en français à l'adresse suivante: https://fr.wikipedia.org/wiki/Social_justice_warrior
b- l'excellent "aeromagazine" et notamment le billet suivant, en anglais: https://areomagazine.com/2019/06/19/beware-of-the-trojan-horse-a-critique-of-social-justice/
c- Bien sûr l' Urban Dictionnary, toujours utile pour expliciter les idiomatismes US: https://www.urbandictionary.com/define.php?term=SJW
NB : on pourra écouter ou réécouter la série que France Culture a consacré à Gisèle Halimi :
https://www.franceculture.fr/emissions/a-voix-nue/gisele-halimi-la-cause-des-femmes
- C’est d’autant plus méritoire, qu’en ces temps ou le féminisme est au prise avec les reliquats du patriarcat, il est certainement sollicité par les investigations journalistiques en cours sur l’affaire Girard-Matzneff. Une relecture – ou une simple lecture – des œuvres de Matzneff reliées pleine peau, à la recherche de quelque nouvel indice ou d’une quelconque forgerie est certainement une des tâches les plus rebutantes qu’on puisse imaginer.
- Gisèle Halimi (1927-2020), nonobstant ses tiédeurs lors du premier septennat de François Mitterrand …