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Billet de blog 19 juin 2020

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489 soignants morts du covid-19 en Russie

Le vrai chiffre, donné dans un élan de transparence involontaire par Alla Samoïlova, directrice de l'agence fédérale russe de la santé.

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Je n'ai pas eu l'occasion de parler de chaine télévision russe Dojd. L'opportunité s'en présente, cette chaîne a repris comme d'autres médias une information sur le nombre de médecins et de personnels soignants morts du covid-19, et a interviewé sur le sujet Anastassia Vassilieva, dirigeante du syndicat russe Alliance des médecins, à laquelle j'avais consacré un précédent billet

Le chiffre de 489 personnels soignants morts en Russie depuis le début de l’épidémie a été révélé par la directrice générale de Roszdravnadzor Alla Samoïlova. Roszdravnadzor est l’agence fédérale en charge des questions de suivi des médicaments et du fonctionnement des établissements de santé. Elle est distincte de Rospotrednadzor, en charge des questions de prévention et du suivi épidémiologique. 

La seule statistique donnée jusqu’à présent par le ministère de la santé, fin mai, était de 101 décès. Le ministre de la santé du Daguestan avait auparavant reconnu 40 décès dans cette République du Caucase, à un moment où les statistiques officielles n’y affichaient, au total, que 29 décès. La liste de mémoire, le site dont j’ai parlé dans ce billet, comporte aujourd’hui 459 noms. Le 28 mai, le porte-parole de la présidence de la Fédération, Dmitri Peskov, avait nié qu’il y eusse une forte mortalité des soignants en Russie. 

Le chiffre donné par Alla Samoïlova est probablement exact, du moins est-ce sans doute celui connu des autorités russes, et qu’elles n’ont pas voulu rendre public jusqu'à présent. La directrice de Roszdravnadzor, fraichement nommée, a fait sans doute un pas de clerc. Son agence a publié depuis un communiqué pour indiquer qu’il ne s’agissait pas de « données officielles », mais d’éléments « recueillis sur internet ».  Dont acte. 

L'information sur les 489 décès de soignants des suites du covid-19 est abondamment commenté. Ils représentent 6,9 % de l’ensemble des décès imputés au covid-19, ce qui est énorme, et en tout cas très supérieur à ce qui est constaté dans d’autres pays. Et la seule ligne de défense qu’aurait le ministère de la santé russe d’expliquer et de réduire cet écart serait de reconnaitre que le nombre des décès du covid-19 a été artificiellement sous-estimé, probablement d’un facteur 2. 

Dans l’interview qu’elle donne à Dodj, Anastassia Vassilieva donne trois explications de cette surmortalité des soignants en Russie :

- le manque criant de masques et de matériels de protection dans les établissements de soins au démarrage de l'épidémie ;

- le fait qu’une partie des hôpitaux a été réorganisée pour traiter les malades du covid-19, mais que la pandémie a également touchés d’autres établissements, qui n’y étaient absolument pas préparés. 

- la méconnaissance de la maladie par les soignants, qui, parce que les informations nécessaires ne leur avaient pas été fournies, ont d’abord cru que le covid-19 était une infection respiratoire banale. 

La polémique n’est pas close, certains mensonges s’oublient moins facilement que d’autres, et les autorités ne peuvent que continuer à s’y enferrer. Le syndicat Alliance des médecins a ainsi saisi le comité d’enquête du parquet général de Russie pour qu’il ouvre une procédure à l’encontre d’Anna Popova, directrice de Rospotrebnadzor. L’incrimination retenue est  d’avoir diffusé publiquement et sciemment des informations fausses sur l’épidémie de covid-19 en Russie, en soutenant les déclarations du ministère de la santé et de la présidence de la Fédération.

L’Alliance des médecins, proche politiquement de l’opposant Alekseï Navalny, demande également, compte tenu des risques de contagion, la non-tenue du vote sur les amendements à la constitution prévu pour le 1er juillet. 

Pour en venir, comme promis, à Dodj (la pluie en russe) : c’est une chaine indépendante russe créée en avril 2010 par Natalia Sindeïeva. Reposant sur un modèle économique alors nouveau en Russie, l'abonnement, elle avait pour but de briser les stéréotypes habituellement attachés à la télévision en diffusant des contenus intelligents. Elle s’est engagée politiquement, notamment avec la couverture des manifestations de 2011/2012 contre les conditions dans lesquelles s’étaient tenue les élections législatives. Ciblée par les procédures judiciaires ou par des provocations, elle parvient cependant à continuer de fonctionner. Son site est là : https://tvrain.ru/ 

RIA Novosti (28 mai) - Dodj (18 juin 2020) - Meduza (18 juin 2020) - Sibr.real (19 juin 2020)

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