Dans mon précédent billet , j’ai évoqué la lettre ouverte adressée au Président de la fédération de Russie par des associations et fondations russes impliquées dans la prise en charge et la défense des droits des personnes souffrant d’un handicap psychique ou d’une déficience intellectuelle. Elles demandent l’abandon d’un projet de loi qui déshumaniserait encore les internats psycho-neurologiques dans lesquelles une partie d’entre elles sont hébergés.
Le décès de 7 résidents de l’internat psycho-neurologique n°10 de Saint-Pétersbourg est une illustration tragique de ce à quoi peut conduire la logique de fermeture à l’extérieur et de pleins pouvoirs sur leurs pupilles donnés – sans moyens suffisants – aux responsables de ces établissements dans laquelle il s’inscrit.
La mort de ces jeunes adultes polyhandicapés – ils étaient âgés de 19 à 27 ans – nous est connue pour avoir été dénoncée dans une vidéo postée sur youtube par Niouta Federmesser. Directrice du centre de soins palliatifs et à l’origine du fonds caritatif Veran, sinon dans les arcanes du pouvoir, en tout cas membre du Front populaire panrusse, le mouvement créé en 2011 par Vladimir pour faire le lien entre Russie unie et les organisations non gouvernementales, elle critique depuis des années les conditions de fonctionnement des internats psycho-neurologiques.
Je ne suis pas en mesure de donner ici des éléments précis sur les circonstances de ces décès. Le Comité d’enquête (un démembrement du Parquet russe, placé sous l’autorité du Président de la Fédération) a ouvert une procédure pour homicide par négligence, qui n’a pas à ma connaissance abouti. Le Comité de la politique sociale de la ville de Saint-Pétersbourg (les services qui y sont en charge de l’action sociale) a procédé à 16 enquêtes administratives qui selon son vice-président, n’ont pas permis de relever des irrégularités.
Niouta Federmesser estime que c’est la direction de l’internat qui est responsable des décès des résidents. Les problèmes de l’internat étaient connus depuis plus d’un an et demi : il était en sous-effectif, les pupilles manquaient de soins et souffraient de carences alimentaires ; elles auraient pu être sauvées.
Il est probable que la vérité ne sera pas établie. Ce qui est sûr, en revanche, c’est ce qui fait suite dans la dénonciation de Niouta Federmesser : « il y avait à Saint-Pétersbourg des volontaires, qui auraient pu temporairement prendre soin des résidents, mais on ne leur a pas permis d’entrer dans l’internat ».
« Ouvrir les portes » des internats psycho-neurologiques ». C’était le principal enjeu il y a 20 ans, pour des institutions fonctionnant dans la relégation et le secret, et donc exposées à tous les abus. Cela l’était encore il y a quatre ans, quand j'écrivais ce billet, à un moment où on pouvait croire à une humanisation et une modernisation. Ils se ferment maintenant, tout se ferme, la Russie s’enferme dans son passé, et des morts en sont le prix.
Takie dela (19 juillet 2023) - Meduza (13 juillet 2023) - Meduza (19 avril 2023)