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Quelles sont les dernières nouvelles concernant le dépaysement de la
procédure en référé, suite à la saisie pénale effectuée sur le compte personnel
d’Oscar Temaru ?
Cette saisie pénale totalement injustifiée, a déclenché une réaction très vive ici à
Tahiti, amplifiée par un communiqué adressé à la presse locale par le procureur
Hervé Leroy. Dans ce communiqué, Oscar Temaru est présenté comme une personne
condamnée, alors qu’il a fait appel du jugement du tribunal correctionnel du 10
septembre 2019, dans l’affaire Radio Tefana. Ce jugement en premier instance l’a condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis et à
5 millions de francs CFP (environ 42 000 euros, ndlr) d’amende. À la suite de ce
communiqué de presse, Oscar Temaru a sollicité son fidèle ami Me Claude
Girard, doyen du barreau de Papeete, pour engager une procédure en référé afin de
mettre en évidence cette atteinte intolérable à la présomption d’innocence par le procureur Hervé Leroy, et
demander au juge des référés du tribunal de première instance de Papeete la
publication d’un communiqué de presse rectificatif mettant en évidence cette atteinte
. Lors de l’audience, la
juge des référés a évoqué la question de l’impartialité qui se posait à elle, estimant
ne pas pouvoir rendre justice à l’encontre d’un magistrat du même ressort que le
sien. S’est donc posée la question du dépaysement de ce dossier. L’avocat
du procureur Hervé Leroy a sollicité le dépaysement sur Paris. La
décision est tombée ce mercredi matin : le dossier est renvoyé au tribunal de
Première instance de Nouméa, en Kanaky (Nouvelle-Calédonie, ndlr).
Est-ce une demi-victoire pour vous ?
Oscar Temaru a déclaré, par l’intermédiaire de son avocat Me Claude Girard, qu'il ne
fera pas appel de cette ordonnance de référé lors d’une conférence de presse qui
s’est tenue mercredi 24 juin à la mairie de Faa'à. Il a d'ailleurs annoncé qu'il se
rendra en Nouvelle-Calédonie. En tous les cas pour nous, il n’était pas question
d’aller à Paris. Nouméa nous satisfait. D’abord, Nouméa est à seulement à 5 h 30 d’avion contre 23 h pour Paris, ce qui aurait été très lourd, compte tenu de
l’état de santé d’Oscar Temaru, mais aussi de la Covid-19 qui n’a pas encore été
jugulée en France. Dépayser sur Nouméa nous arrange aussi, vis-à-vis de nos frères
kanaks, avec notamment l’appui de l’Union Calédonienne, formation politique la plus
importante de Kanaky, laquelle a apporté son soutien à Oscar Temaru. D’ailleurs,
lors du procès avec Radio Tefana en juin 2019, le président de l’Union
Calédonienne avait fait le déplacement pour venir témoigner à la barre du tribunal en
faveur d’Oscar Temaru. Il faut savoir que dans la région Pacifique, Oscar est
très connu et soutenu pour son combat depuis plus de 40 ans pour la souveraineté
de notre pays. Il est l’un des derniers leaders, avec Jean-Marie Tjibaou, Rock Pidjot,
Yann Céléné Uregeï, Yeiwéné Yeiwéné et d’autres, ces anciens aujourd’hui partis. C’est le dernier vieux qui reste de cette époque-là. Lorsque nous serons à Nouméa,
il ne fait aucun doute qu'Oscar Temaru aura ce soutien naturel de nos frères kanak
et de notre communauté qui est importante en Kanaky. Nous avons d'ailleurs reçu des appels des tribus
kanak nous disant qu’Oscar était attendu.

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Vous avez dit que cette nouvelle affaire Leroy c/ Temaru, de par l’acharnement
judiciaire du procureur et la profonde injustice attachée à ces
procédures pénales engagées contre Oscar Temaru, vient donner plus de
poids au mouvement indépendantiste. Comment la population réagit-elle ?
C’est mon sentiment personnel qui est également partagé par certaines personnes
du monde judiciaire que je rencontre quotidiennement au palais de justice de
Papeete. Quant à la réaction de la population, son soutien dépasse totalement le
cadre du mouvement indépendantiste, et nous l’avons vu lors de nos sit-in quotidiens
devant les grilles du palais de justice. Vous n’avez pas idée du nombre
de personnes venues apporter leur soutien à Oscar Temaru et qui lui manifestaient
ce sentiment d’une injustice et d’un acharnement criants. Ainsi, nous avons vu des
responsables les plus importants de l’église catholique de Tahiti, mais aussi le
président de l’église protestante māòhi, église membre du PCC, (Pacific Conference
of Churches, ndlr), venir en personne apporter son soutien à Oscar Temaru. Et
pendant cette semaine, un
mouvement citoyen s’est créé contre toutes les injustices avec comme nom « Nunaà
a tià – Peuple lève-toi » et a appelé à une marche pacifique qui a rassemblé
beaucoup de monde de tous horizons. Pour conclure, je pense que cette saisie pénale
entreprise sur ordre du procureur Hervé Leroy et son communiqué de presse ont
été, en quelque sorte, la goutte d’eau d’un vase déjà bien plein.
Que voulez-vous dire ?
Je fais un retour en
arrière. À l’issue du jugement du tribunal correctionnel de Papeete du 10 septembre
2019 qui avait condamné Oscar Temaru, ce après quatre jours de procès en juin
2019, le procureur Hervé Leroy a ouvert immédiatement une enquête préliminaire
pour détournement de fonds publics et recel de détournement de fonds publics,
attachés à la protection fonctionnelle accordée à Oscar Temaru. Je précise que cette
protection fonctionnelle s’est traduite par la prise en charge par la Commune de
Faa'à des honoraires d’avocat, des frais de déplacement et d’hébergement, qui se
sont élevés à 11 500 000 cfc (environ 96 000 euros, ndlr). L’ensemble des conseillers municipaux qui ont
participé à ce conseil municipal ayant accordé et voté cette protection fonctionnelle a
été entendu jusqu’à fin décembre 2019. Parallèlement à cette enquête préliminaire,
le procureur Hervé Leroy avait également ouvert une enquête préliminaire à
l’encontre du parti politique Tavini Huiraàtira et sur ses comptes. Ensuite, il y a eu le
confinement. Dès le déconfinement, nous avons été cinq à avoir été convoqués
devant la section de recherche de la brigade de gendarmerie de Papeete : Robert
Maker, premier-adjoint au maire qui a présidé le conseil municipal du 26 février 2019,
qui avait accordé la protection fonctionnelle à Oscar Temaru, soupçonné de
détournement de fonds publics ; Oscar Temaru, soupçonné de recel de fonds
publics ; Me David Koubbi, avocat au barreau de Paris, et Me Gilles Jourdainne,
avocat au barreau de Papeete, qui forment la défense d’Oscar Temaru, également
soupçonnés de recel de fonds publics. Quant à moi, j’ai été convoqué pour
complicité de détournement de fonds publics et complicité de recel de détournement
de fonds publics. Quand nous avons reçu ces convocations, il y a eu une réaction de
la population, car nous en avons fait état à la presse pour dénoncer cet acharnement
sans précédent. Le peuple māòhi a vu une volonté politique derrière tout cela, une volonté d’éliminer politiquement Oscar Temaru. Il ne fait aucun doute, pour nous les
Māòhi, que le procureur Hervé Leroy, à l’exemple de ses prédécesseurs lors des
essais nucléaires chez nous, est le bras armé de l’État français et que c’est la raison
d’État qui prime dans ce dossier.

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Est-ce qu’il y a une stratégie de la part de l’État français de vous épuiser
juridiquement ?
On cherche à éliminer politiquement Oscar Temaru, c’est évident. Ce sentiment est
partagé par la majorité des Māòhi, même ceux qui ne sont pas indépendantistes.
J’en suis même arrivé à me demander s’il ne fallait pas nommer le procureur Hervé Leroy
membre bienfaiteur du Tavini Huiraàtira, tant son acharnement depuis deux ans
sur Oscar Temaru a provoqué un rassemblement du peuple māòhi. Ce rassemblement
dépasse tous les clivages, autour d'un homme érigé aujourd’hui au rang de
Metua (Père de la Nation, ndlr) aux côtés de Pouvanaa a Oopa. Pour en
revenir au combat pour la souveraineté de notre pays, j’avoue ne pas comprendre
l’attitude du Président Emmanuel Macron, qui s’était permis de dire en Algérie que la
colonisation était « un crime contre l’humanité », lorsqu’il était candidat. Nous n’avons
pas non plus compris l’attitude de l’ancien Président de la République, François
Hollande. Lorsqu’il était premier secrétaire du Parti socialiste (PS, ndlr), le parti
Tavini Huiraàtira avait signé avec le PS une convention qui reconnaissait
le combat des Māòhi pour leur pleine souveraineté. Pourtant, dès qu’il a été élu Président de la
République, et alors que nous avions appelé à voter pour lui, François Hollande a
changé d’attitude et s’est opposé à la procédure de réinscription de notre pays sur la
liste des pays à décoloniser à l’ONU. Mais Oscar fait la part des choses, et dit clairement : « le gouvernement français n’est pas le peuple français. On sait que
le peuple français est avec nous ». Notre travail, ici en Polynésie, est de convaincre de plus en plus de Māòhi, qui vivent de grandes difficultés dans un pays où la presse
est muselée d’une certaine manière, et où le gouvernement autonomiste semble
prisonnier, même si nous savons qu’il est touché par l'acharnement judiciaire que
subit Oscar Temaru.
Qu’en est-il de la saisie pénale plaidée également cette semaine ?
Hervé Leroy, sans attendre que toutes les parties soient entendues dans le cadre de
l’enquête préliminaire, a ordonné que soit effectuée la saisie sur le compte bancaire d'
Oscar Temaru. Les sommes ont été transférées sur le compte de l’AGRASC
à Paris (l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, ndlr).
Il a fait valider cette saisie pénale par le juge des libertés et de la détention (JLD, ndlr), et Me
Claude Girard a fait appel de cette ordonnance. C’est mardi
23 juin qu’a eu lieu l’audience de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Papeete qui
a statué sur cet appel de l’ordonnance du JLD, Oscar Temaru demandant
l’infirmation de cette décision et la restitution des sommes qui ont été saisies. Nous
serons fixés le 7 juillet prochain et Oscar Temaru est serein, lui qui a coutume de dire :
« Personne n’est au-dessus des lois. Je crois en la Justice avec un grand J. »

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