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Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

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Billet de blog 18 septembre 2025

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La franc-maçonnerie et le mouvement national indonésien : une histoire méconnue

L’histoire de l’indépendance indonésienne cache un pan méconnu : l’influence de la franc-maçonnerie sur certains leaders nationalistes. De Raden Saleh à Sutan Sjahrir, ces affiliations ont ouvert des réseaux intellectuels et sociaux, parfois explorés par Soekarno et Hatta, sans pour autant détourner leur engagement pour l’indépendance.

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La franc-maçonnerie et le mouvement national indonésien : une histoire méconnue

L’histoire de l’indépendance indonésienne est souvent racontée à travers les luttes héroïques des nationalistes et les mobilisations populaires. Pourtant, derrière cette narration, se cache une dimension moins connue mais intrigante : l’implication de certains leaders indonésiens dans la franc-maçonnerie, héritage de l’époque coloniale néerlandaise.

Un héritage colonial discret

Introduite au XVIIIᵉ siècle par les colons néerlandais, la franc-maçonnerie s’est rapidement implantée dans les grandes villes coloniales, comme Batavia (aujourd’hui Jakarta), Surabaya et Bandung. Initialement réservée aux Européens, elle a progressivement ouvert ses loges à une élite indigène éduquée, offrant un espace de réflexion intellectuelle et d’apprentissage des idéaux modernes.

Les figures emblématiques et leur parcours

Parmi ceux qui ont fréquenté ces loges, Raden Saleh se distingue. Ce peintre javanais, premier membre indigène d’une loge aux Pays-Bas en 1836, incarne le passage d’une société traditionnelle à une élite intellectuelle tournée vers l’international.

Des décennies plus tard, d’autres figures importantes de la lutte pour l’indépendance, telles qu’Abdul Muis, HOS Tjokroaminoto, Sutan Sjahrir et plusieurs personnalités du mouvement Budi Utomo, seraient indiquées comme ayant eu des liens avec la franc-maçonnerie.

Certaines sources indiquent également que les proclamateurs de l’indépendance, Soekarno et Hatta, ont été tentés de rejoindre la franc-maçonnerie à un moment de leur jeunesse, mais ils ont choisi de suivre des voies plus directement liées au nationalisme et à la mobilisation populaire. Cette information souligne l’attractivité de la franc-maçonnerie pour les intellectuels indonésiens, même si elle n’a pas été adoptée par tous.

Entre modernité et ambiguïté

Cependant, la franc-maçonnerie n’était pas seulement un tremplin intellectuel. Elle représentait également une ambiguïté : certains la percevaient comme un instrument du pouvoir colonial pour intégrer les élites indigènes dans son système, tandis que d’autres en exploitaient les ressources pour promouvoir l’émancipation et la justice sociale.

Une histoire occultée

Les archives montrent que ces liens ont été soigneusement occultés dans les récits officiels post-indépendance. Dans une Indonésie qui cherchait à construire un récit national uni, l’appartenance à une fraternité occidentale était un sujet délicat. Pourtant, reconnaître ce pan méconnu de l’histoire permet de mieux comprendre la complexité des trajectoires individuelles et collectives qui ont conduit à la naissance de la nation.

Repenser l’histoire nationale

Aujourd’hui, réexaminer ces figures à la lumière de leur implication maçonnique ne vise pas à glorifier la franc-maçonnerie, mais à rendre justice à l’histoire. Cela montre comment des idées venues de l’extérieur ont été transformées en instruments de modernisation et de résistance, contribuant à l’éveil intellectuel et politique de l’Indonésie.

En fin de compte, la franc-maçonnerie en Indonésie apparaît comme un terrain ambigu, à la fois héritage colonial et levier pour l’émancipation nationale. Rendre cette histoire visible permet d’éclairer les multiples chemins qui ont mené à l’indépendance et de mieux apprécier la diversité des influences ayant façonné la nation.

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