En guise de préambule, tour d'horizon de ce qui sera présenté sur ce blog, baptisé Route 66, car, oui, c'est la 66e édition du Festival. Présente une semaine à Avignon, j'espère rédiger les comptes-rendus d'une dizaine de pièces et expositions, essentiellement la programmation du In. Boîte noire de tradition: l'accueil par Mediapart me permet d'être accréditée au Festival In, sinon, il s'agit comme tout blog d'un travail bénévole, ce qui ne le dispensera pas d'un minimum de sérieux, ni hélas d'erreur, d'avis tranchés, d'omissions volontaires, et de la subjectivité assumée qui fait le charme de la pratique.
Avignon, c'est nécessairement une guerre passionnée de points de vue, depuis le choix des pièces à leur réception, qui se joue aussi bien dans les fils d'attente et en terrasse, que sur le Web et dans la presse. Route66 ne prétendant à aucune exhaustivité, voici quelques autres pistes à suivre (n'hésitez pas à proposer d'autres choix en commentaires): les autres blogs presse (comme Théâtre et Balagan de Jean-Pierre Thibaudat), les comptes Twitter de critiques, comme Philippe Noisette (@philippenoisett ; auteur de plusieurs ouvrages de référence sur la danse), Joëlle Gayot de France-Culture (@joellegayot), le compte dédié de la rédaction de La Provence (@lpFestival, La Provence propose également une cartographie du Off), les blogueurs au long cours (Le Tadorne, qui propose des rencontres pendant le Festival, les Offinités du Tadorne), mais aussi @laparafe, étudiante et passionnée de théâtre qui écrit ici sur le Off.
Enfin, deux autres abonnés tiennent leur propre édition: Mima (http://blogs.mediapart.fr/blog/mima) et le comédien Laurent Eyraud-Chaume (http://blogs.mediapart.fr/blog/laurent-eyraud-chaume/030712/avignon).
Commençons donc par un avis tranché, ce qui est le fait du hasard. Je n'ai pas aimé Rachel, Monique, installation de Sophie Calle à l'Église des Célestins. J'y allais sans a priori négatif, même si 1/ je connais mal le travail de Sophie Calle 2/ je me méfiais de ma capacité à poser la bonne distance par rapport à cette pièce en hommage maternel, qui très vite, tombe dans la thanatopraxie redoutée: "Je pense à ma mère. Est-ce que ma mère était une bonne mère? Je parle déjà à l'imparfait. Elle a un cancer du sein, trois mois d'après les médecins. Ma mère, encore vivante et déjà absente. Ma mère qui ne peut guérir, la chose est entendue. même à Lourdes. La preuve, sur la liste des soixante-dix-sept guérisons miraculeuses reconnues par l'Église, pas de cancer du sein."
Alors, Rachel, Monique, qui avait été présentée dans les sous-sols du Palais de Tokyo en 2010, prend parfaitement le parti de l'église des Célestins. L'espace est habilement "habité" et parfaitement adapté au tribute doux-amer que Sophie Calle a imaginé, en prenant au pied de la lettre une note - c'est la seule page du Journal intime qui soit exposée - où la mère suspecte sa fille d'intentions quelque peu morbides, et en déployant de mille manières, dont un voile marial, la dernière parole (volonté?) de l'intéressée.

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Mais, et c'est peut-être bien le défaut de cette grande installation in situ, l'hommage semble tomber dans la démesure. Girafe empaillée aux côtés d'une image de Sophie, enfant, parlant à sa version peluche, dispersion des bijoux de famille au Pôle Nord, consultation d'une voyante, film des derniers instants et photo du cercueil (présentés tous deux derrière la mention inutile "Je vous prie de ne pas filmer ni prendre de photos dans cette salle"), ce n'est pas tant que l'hommage serait choquant, mais qu'il semble se noyer dans des intentions qui ne font pas leur choix entre amour, vengeance et lourdes allusions thaumaturges. J'ai trouvé cet univers absolument dénué d'émotion, à deux moments près: le premier, à écouter Sophie Calle en train de lire le Journal de sa mère (ce qu'elle fera chaque jour pendant le Festival), ce qui donnait à réfléchir sur le lien entre la surcharge visuelle de l'ensemble, et la parole crue de ce Journal. Le second, alors qu'à la fin du film des derniers instants de Rachel, Monique, dans son lit de mort, ont résonné quelques notes, quelques mesures, sans leur point d'orgue, du Concerto pour clarinette K622, et que ce choix de laisser la musique en suspens ouvrait soudain l'espace d'un peu de délicatesse, d'une grâce de l'inachèvement.
Rachel, Monique, est présenté à l'Église des Célestins, Place des Corps Saints, Avignon, jusqu'au 28 juillet. Une autre exposition de Sophie Calle, Pour la dernière et la première fois, est présentée au Méjan, Arles, jusqu'au 2 septembre 2012.
A venir: William Kentridge, (Refuse the Hour) et Simon McBurney (Le Maître et Marguerite).