
La conférence était organisée par le Comité Européen Marseille avec le soutien du Conseil Départemental 13, à la Cité des Associations.
Le public marseillais n’est pas resté insensible au thème traité par Eve Truihlé, le développement de la ville entraînant de plus en plus de désagréments ; on est en droit de penser que l'intérêt des Marseillais pour la politique environnementale de l’UE est appelé à croître.
Avant toutes choses, remettons la conférence dans le contexte marseillais, l'oratrice ayant réalisé en la circonstance un parfait silence radio...
« Ville-monde », disait l’historien Fernand Braudel, la métropole phocéenne compte aujourd’hui nombre d’organisations internationales et d’entreprises de niveau mondial.
Cela ne s’est pas fait en un jour. Le port de Marseille est ouvert au commerce et l’échange depuis l’Antiquité. Une vocation jamais démentie au cours des siècles. « Marseille Porte du Sud » disait Albert Londres qui lui a dédié un livre dans les années 20 : « Il est illustre sur tous les parallèles. À tout instant du jour et de la nuit, des bateaux labourent pour lui au plus loin des mers… Port français, il balaye de sa lumière les cinq parties de la terre. Il s'appelle le port de Marseille… Un marché offert par la France aux vendeurs du vaste monde : cour d’honneur d’un imaginaire palais du commerce universel », écrivait-il.
Marseille est aujourd’hui un port stratégique pour l’Europe et sa navigation maritime dont il constitue l’entrée sud. Premier port français, deuxième port méditerranéen, 5e port européen, cinquante-et-unième port mondial, pour le trafic total de marchandise, c’est aussi le 3e port mondial pour les hydrocarbures. Toute médaille à son revers: la métropole phocéenne cumule de sérieux problèmes en matière d’environnement et de cadre de vie.
Pour situer de manière plus spécifique la problématique dans un contexte environnemental, donnons un exemple. Selon l'ONG Transport et Environnement, « la pollution au soufre généré en 2022 par les 75 bateaux de croisière ayant accosté à Marseille est deux fois plus importante que celle de l'ensemble des voitures immatriculées dans la ville. » Des émissions de particules fines, d'oxyde d'azote et de soufre viennent dégrader la qualité de l'air de la métropole, faisant d' elle le port le plus pollué de France. La cité phocéenne est classée à la 12e place des ports européens les plus pollués par ces navires de loisir.
« Marseille revêt aussi trop souvent l’aspect d’un dépotoir géant à ciel ouvert. Les déchets s’accumulent et, sous le ciel bleu de la Provence, le Mistral les dispersent ; ils finissent sur les plages et dans la mer, comme les millions de mégots que les fumeurs jettent négligemment sur les trottoirs », dénoncent les défenseurs de l'environnement et du cadre de vie.
La presse quotidienne régionale et les réseaux sociaux font souvent écho aux préoccupations des habitants, le combat semble sans fin, mais tout le monde ne se résigne pas. La preuve : Jean-Yves Sayag, Conseiller métropolitain délégué à la Propreté, l’Hygiène et les décharges sauvages, fait de manière inlassable et impitoyable la chasse à ces déchets et encombrants qui pullulent. Sa vidéo sur les épaves et les décharges sauvages a recueilli... plus de 165 000 vues en quelques heures ! Preuve que les Marseillais désirent ardemment le civisme et la propreté dans leur ville. L'association "Clean my Calanque" s'est donné pour mission de nettoyer la ville et de sensibiliser le public dès le plus jeune âge (lien vidéo). De partout, les initiatives se multiplient.
Dans ce combat, l’Union Européenne (lien) peut s’avérer un précieux allié pour les collectivités territoriales (lien) qui ont à cœur de défendre les intérêts légitimes des habitants sans briser la dynamique économique. Afin de mieux informer les maires et élus locaux sur l’action et le fonctionnement de l’Union européenne, la Commission européenne en France a lancé « l’Europe des communes ». Des webinaires offrent la possibilité aux décideurs publics de connaître le rôle de l’Europe et les opportunités offertes ; d’être mieux informés sur les politiques européennes, leur mise en œuvre dans les territoires, et les possibilités de soutien financier et technique pour leurs projets locaux. Un pôle territorial a été créé, des outils d’information s’adressent directement aux collectivités (lien).
Eve Truilhé : « On est passé du presque rien au presque tout »
À la cité des Association Eve Truihlé s’est focalisée exclusivement sur les mesures européennes après en avoir fait l’historique.
Si l’on peut dater le début de la construction européenne à son acte de baptême, la Déclaration Schuman du 9 mai 1950, « les traités de Rome » signés le 25 mars 1957, qui ont valeur de confirmation, « ne font nullement état d’une quelconque préoccupation en matière d’environnement », fait-elle remarquer au public de la Cité des Associations. Si le premier traité de Rome a donné le jour à une Communauté économique européenne (CEE) dotée de quatre libertés, le second a créé la Communauté Européenne de l’Énergie Atomique, le grand sujet du moment ; en matière de protection de l’environnement, « on est parti de rien ». Depuis, l’Europe a chaussé ses bottes de géante. Elle est arrivée au « presque tout » pour reprendre les propos de l’oratrice.
Ajoutons que les années 70 ont donné l’impulsion sous l’influence de la génération des « baby boomers », ouverte à un retour à la nature et prônant des idées nouvelles comme « l’écologie », un mot jusqu’alors inconnu dont la définition était mystérieuse et contestée.
En 1972, s’est tenue à Stockholm la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, la première conférence mondiale a fait de l'environnement une question majeure… « Après ses déclarations sur l'environnement en 1972, l’Union Européenne a adopté sa première directive, elle était en faveur de la protection des oiseaux sauvages, puis l'acte unique européen qui a suivi en 1986 a confirmé son son engagement en faveur de la protection de l’environnement ; Eve Truihlé souligne qu’environ 800 textes existent, dont 300 directives sur les pollutions, la biodiversité ou l'accès à la justice environnementale. À l'horizon 2030, le huitième programme d'action vise, lui, une croissance régénératrice… L’espace normatif est quasi complet. On est passé du presque rien au presque tout ».
L’Union Européenne s’est substitué aux États frileux ; elle s’est avérée pionnière en matière d’environnement. D’abord en faveur des Européens et maintenant dans le monde… ce qui ne plaît pas à tout le monde !
L’Europe, parti de rien, modèle et phare d’un monde nouveau ?
Avec l'adoption du Green deal, ou Pacte vert, en 2019, qui encourage le développement des énergies renouvelables et des batteries électriques, la rénovation des logements, la protection de la biodiversité ou les restrictions d'utilisation des produits chimiques, puis de la loi européenne sur le climat deux ans plus tard afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 (avec le pari d’une réduction énergique des émissions de gaz à effet de serre), l’Union européenne se pose comme modèle pour le monde. Fin de l'exposé d'Eve Truilhé.
On est en droit de s'interroger sur le rôle que l'UE entend jouer dans le concert mondial. Une organisation supranationale qui n’hésite pas à poser ses conditions concernant la protection de l’environnement et la santé des habitants dans les traités de libre-échange… mais sans avoir la capacité de s’ériger en gendarme avec des arguments frappants, à l’exemple des États-Unis. Elle compte sur la bonne volonté de ses États et de ses partenaires. Ses seuls recours étant des contrôles (trop souvent illusoires en raison de l’ampleur mondiale du trafic commercial) et son bon droit. Pour cette raison, beaucoup dans l'Union Européenne ne croient pas en une application loyale et fidèle de l'accord de libre-échange avec le Mercosur qui fait aussi peser « des risques pour le climat et les droits humains » selon Greenpeace (lien CCFD Terre solidaire).

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À tout le moins, depuis 1957 que de chemin parcouru ! Mais la partie n’est pas gagnée pour autant… De plus en plus, on entend des représentants de l’agriculture remettent en cause les avancées de l’Union. Tout le monde n'est pas logé à la même enseigne. Riches et pauvres s'y côtoient. Tout le monde s'est retrouvé à Bruxelles cette année. Les uns criaient famine ; d'autres réclamaient encore plus de sous, le droit de polluer et d'établir leur monopole sur le marché français.
Sous les coups de boutoirs de populistes et de manifestants d’organisations corporatistes, des villes sont trop souvent bloquées par des tracteurs américains où flotte la barrière étoilée, sous le prétexte de défendre « l’intérêt national » et celui des consommateurs. Tout à chacun peut découvrir depuis plusieurs années sur les étals des supermarchés des fruits de saison durs comme des pierres, des légumes cultivés en France hors de prix, l'absence de raisins français ou presque, le raisin provient d'Italie, souvent de Sicile, récoltés par des rescapés des naufrages. À croire que la quasi totalité du vignoble français sert à faire du vin pour l'exportation, comme les fruits délicieux qu'on trouve sur les tables des riches du monde entier. Dans ces conditions, on comprend que la concurrence des produits hors UE... voire UE ! fait peur aux "pauvres paysans", comme disait Fernand Raynaud.

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l’Union européenne fait face à une entreprise de « détricotage » et de déstabilisation. Toujours les mêmes idées « trumpistes », sottes, démagogiques et égoïstes à souhait, du genre « après nous le déluge », qui exigent de l’Europe moins de règlements et toujours plus d’argent, des populistes sans vergogne allant jusqu’à taper dans la caisse.
Le mot de la fin à la présidente du Comité Européen Marseille, Monique Beltrame : « Eve Truilhé a insisté sur la qualité fondamentale de l’UE qui se construit depuis ses origines sur le désir d’unir les peuples à partir du partage des fruits de leurs efforts dans l’intérêt bien compris pour créer une communauté de destin. Ce principe créateur lui donne la capacité de se développer, toujours dans le même esprit, face aux exigences des nouveaux défis. Il en va de même pour la question environnementale à notre époque. Une nouvelle politique est née de la prise conscience planétaire de ce danger qui menace la vie sur la planète.
L’intégration de cette politique par l’UE démontre la capacité de prendre des décisions courageuses, innovatrice et exemplaires qui ont conféré à notre union, un rôle de premier plan dans le monde. Ce fut l’occasion de rappeler aux eurosceptiques quel’Europe est une réalité et une force créatrice ; Son objectif est de fonder la paix par l’interdépendance et la croissance économique dans le respect de tous. »
Lien en rapport avec l'événement :
La joie des petits violonistes marseillais et du public à la conférence d'Eve Truihlé