Billet de blog 14 octobre 2025

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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"Lola" de Bigas Luna

Lola s’éloigne de Mario, son amant alcoolique et violent à son égard. Cinq ans plus tard, elle est mariée avec Robert, un chef d’entreprise français, et vit dans son confort bourgeois avec leur fille Ana. C’est à ce moment que Mario retrouve Lola.

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Illustration 1
Lola de Bigas Luna © Artus Films

Sortie de l’édition vidéo du film Lola de Bigas Luna au sein du coffret combo Blu-ray + DVD intitulé Bigas Luna - Pulsions. Obsessions. Transgressions

C’est encore sur un autre ton que Bigas Luna s’empare de la trame de Lola, passant de films horrifiques avec une mécanique du quotidien dans Bilbao (1978) et Caniche (1979) qui pourrait évoquer l’art de la mise en scène de Chantal Akerman dans Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles (1975) à la chronique sociale autour de la violence conjugale et au harcèlement d’un ancien amant dans une dynamique manipulatrice. Dès lors apparaît avec d’autant d’évidence dans Lola une thématique s’affirmant au sujet des précédents films : des hommes toxiques harcelant des femmes en raison de l’indépendance sexuelle de celles-ci. L’érotisme est encore questionné ici dans les relations entre les personnages, encore associé avec la nourriture avec en outre l’enjeu de la distinction sociale, le tout sur fond d’entrée de l’Espagne dans la communauté économique européenne. De ce point de vue, le couple franco-espagnol est ainsi interrogé, alors que le passé violent de l’Espagne refait surface dans la vie du couple, prêt à retirer leur enfant chéri.

Moins offensif à première vue que ces premiers longs métrages, Lola est encore travaillé par les obsessions de son réalisateur avec un scénario qui ne se plie jamais complètement à ce qui est attendu, passant d’une scène à l’autre en se concentrant sur les non-dits, notamment autour de l’inceste, évoqué par la plaisanterie de Robert considérant que son épouse et son fils forment un couple tandis que le même homme lance des regards suggestifs libidineux à sa fille notamment lorsqu’elle devient adolescente. Comme chez Buñuel, le vernis bourgeois cache des tensions incestueuses prêtes à prendre le dessus à tout moment et apparaît notamment dans la perception de la nourriture tout autant que la manière masculine d’exprimer son désir dans l’acte sexuel qui passe par un grognement singeant un cri animal repris de la même manière d’ailleurs par le même homme dans un jeu avec sa fille de 5 ans.

Pour toutes ces raisons, à partir d’une lecture attentive de la mise en scène, une critique apparaît dirigé contre ceux qui ont le pouvoir dans le film, comme ces propos français haineux à l’égard des femmes espagnoles au début du film en guise d’introduction au récit. La tour Eiffel allégorie de la France filmée alors comme un phallus géant est ainsi questionnée par son mépris en donneuse de leçon vis-à-vis de l’Espagne pour entrer dans la communauté européenne.

Notons la première apparition au cinéma d'Ariadna Gil dans une courte mais significative séquence. 

Illustration 2

Lola
de Bigas Luna
Avec : Ángela Molina (Lola), Patrick Bauchau (Robert), Féodor Atkine (Mario), Assumpta Serna (Silvia), Carme Sansa (Jeanine), Pepa López (Isabel), Constantino Romero (Alberto), Ángela Gutiérrez (Ana), Marta Almirall (la professeure), Marta Bori (l’infirmière), Artur Costa (l’avocat), Mariano de la Cruz (le juge), Rosa Gavin (la collègue de l’usine), Ariadna Gil (Ana, adolescente), Joaquín Gómez (l’inspecteur), María González (Carmen), Patrick Honoré (un ami de Robert), Gisela Krenn (Marta), Teresa Manresa (la secrétaire de Robert), Boris Masramon (Pierre), Pere Molina (le professeur de natation), Rosa Novell (l’infirmière en chef), Marina Oroza (Marga), Pep Ballester, Montserrat Calvo, Vicente Gil, Pep Martínez, Alexandra Palau, Joan Lloveras, Cristina Macía, Ana Maria Piberat, Marian Rodes, Andrés Salmón, Josefa Tubau, Eduardo Vinale, Toni Moline, Alfonso García Zambrano, Lloll Bertran, Eduard Viñals
Espagne – 1986.
Durée : 86 min
Sortie en salles (France) : inédit
Sortie France du combo Blu-ray + DVD : 7 octobre 2025
Format : 1,85 – Couleur
Langues originales : espagnol, français - Sous-titres : français.
Éditeur : Artus Films

Bonus :
« La Mujer Lola » : Présentation du film par Eric Peretti (2025, 18’06”)
Santiago Fouz-Hernandez à propos de « Lola » (2025, 13’22”, VOST)
Diaporama d’affiches et photos (1’18”)

Coffret comprenant trois films réalisés par Bigas Luna :

1978 : Bilbao

1979 : Caniche

1986 : Lola

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