La n-ième réforme constitutionnelle de la Vème République est passée. Même en cherchant bien, on ne peut y trouver autre chose qu’une sacralisation des pouvoirs du Président, chef de fait du gouvernement quoique irresponsable politiquement et juridiquement pendant toute la durée de son mandat. La possibilité d’une révision fondamentale de la Constitution, fondamentale dans le sens d’un passage à un régime parlementaire comparable à ceux de nos voisins européens est ainsi remise à une hypothétique alternance, en 2012 ou 2017.
On est même en droit de se demander si l’alternance, condition nécessaire d’une révision fondamentale, en serait aussi la condition suffisante. L’opinion publique française est conditionnée depuis des siècles dans le culte d’un pouvoir fort incarné par une personnalité charismatique.(Voir De la Monocratie...)
Le régime parlementaire de la IVéme, à cause de l’impunité de ses majorités changeantes y est décrié comme « régime des partis ». (Voir Pauvre IVéme)Cependant, la Vème République est le régime d’UN parti, celui du Président. C’est donc un régime présidentiel conforme à l’idéal de la monarchie absolue ou du bonapartisme.
Si l’opinion accepte plus on moins consciemment ce régime, c’est qu’elle n’a guère eu le temps d’en connaître d’autre. Plus grave, la classe politique, opposition comprise, s’y est faite peu à peu. Le but premier des partis étant d'accéder au pouvoir, peu leur importe finalement dans quel cadre institutionnel ils comptent l’exercer. C’est ainsi qu’on a pu voir Lionel Jospin reprocher à Jacques Chirac d’avoir « trahi l’héritage du Général de Gaulle ». et des constitutionalistes dits de gauche défendre la primauté de pouvoirs du président sur le gouvernement et de celui-ci sur le parlement.
La Contribution signée le mois dernier par l'actuel Premier secrétaire du PS est instructive à ce propos :
…..Depuis le quinquennat et l’inversion du calendrier, les socialistes tournent autour du pot.
Aux socialistes de faire le clair sur leur propre schéma institutionnel. Nous récusons le régime présidentiel, qui fait du Chef de l’Etat le Chef du gouvernement et réduit le Parlement soit à se soumettre, soit à se rebeller, sans qu’il soit possible de régler le conflit, puisque le droit de dissolution, dans ce régime, n’existe plus. Nous écartons tout autant le régime primo ministériel qui efface le Président de la République,alors même qu’il est élu au suffrage universel direct. On ne convoque pas impunément le peuple français pour élire un Chef de l’Etat dont le pouvoir serait limité à la représentation internationale et aux tâches protocolaires. Soyons sérieux.
Soyons sérieux, en effet. Notons que le problème posé par les deux premières phrases ne trouve pas de solution dans la suite. On récuse le régime présidentiel, mais on écarte le régime parlementaire en l’affublant du néologisme primo-ministériel. L’Angleterre, l’Espagne, l’Allemagne ont-elles des régimes primo-ministèriels ? Pour moi ce sont des régimes parlementaires dotés d’un président ou d’un monarque garant de l’unité nationale et du bon fonctionnement des institutions, mais sans pouvoir de gouvernement.
Notons aussi que le terme « Chef de l’Etat » employé deux fois dans ce texte avec des majuscules n’apparaît nulle part dans la Constitution de la Vème République. Là encore le Premier Secrétaire cède à l’influence des médias courtisans qui martèlent ce terme impropre depuis des décennies.
Enfin, le fait d’être élu au suffrage universel direct confère-t-elle à une personne la qualité de guide de la nation plutôt que celle de garant et d’arbitre ? Au fait, comment traduit-on le mot « guide » en allemand, en italien ou en roumain ?