« Quand la mer se retire, on voit ceux qui se baignent sans maillot » C’est ce qu’on disait dans les milieux financiers américains au début de la crise des subprimes.
Le 8 Juin, au soir des élections européennes, beaucoup de candidats en position dite éligible se retrouveront à sec, sans rien pour couvrir leur nudité politique. A voir la façon dont la campagne s’engage au PS, les socialistes ne seront pas les moins nombreux dans ce contingent de laissés pour compte.
Première raison d’inquiétude : la délivrance des investitures au prorata du poids des courants, comme on distribuait les prébendes et les sinécures entre les grandes familles de l’Ancien Régime. Le bilan d’un député sortant qui se représente, la connaissance des dossiers européens pour un primo-candidat, voire l’implantation locale de l’un ou de l’autre ont-ils été pris en compte ? Tout porte à croire que non, à commencer par quelques parachutages spectaculaires.
Seconde raison : la communication aux militants de chaque circonscription de la liste des candidats qu’ils vont devoir soutenir aveuglément, c’est le cas de le dire. Combinée avec l’exigence d’un vote sans rature ni murmure pour cette liste, cette pratique n’a guère plus cours que dans les démocraties de parti unique du continent africain. Bien sûr, il ne s’agit pas là d’une vraie élection, mais ce n’est pas le meilleur moyen de motiver les militants ni de les inciter à renouveler leur adhésion.
Troisième raison : le « socle de départ du programme », tel qu’il vient d’être publié.
On y lit en troisième page que les membres du PSE (dont le PS) se sont dotés d’un ambitieux programme pour bâtir une autre Europe :le Manifeste.
Martine Aubry a participé à la proclamation du Manifeste le 1er Décembre à Madrid, et son engagement personnel ne fait aucun doute. Néanmoins le document du PS n’est pas exempt de dissonances. Après un rappel parfois trop concis des propositions du Manifeste (exemple : le chapitre sur la justice sociale, 3 Pages du Manifeste expédiées en 7 lignes), le document du PS ajoute :
Les socialistes français complèteront et préciseront cette Plateforme commune par des propositions qui leur tiennent à cœur et qui sont partagés par de nombreux partis du PSE.
Qu’est-ce à dire ? Les socialistes français n’auraient-ils pas participé à la rédaction du Manifeste ? Et les précisions et compléments qui ne sont pas partagés par tous ne sont-ils pas un danger pour la cohésion du groupe parlementaire du PSE, comme ils peuvent le redevenir pour la cohésion du PS?
La conception du rôle du Parlement Européen n’a guère changé depuis des décennies, au PS comme à l’UMP. Pour la majorité du personnel politique français, les élections européennes ne sont guère plus qu’un galop d’essai ou une voie de garage confortable. C’est pourquoi les députés français n’ont pas bonne réputation chez leurs collègues de Strasbourg et Bruxelles
(a bunch of amateurs, selon les mauvaises langues).
Cependant, le PS s’est donné un secrétaire national à la rénovation. Lequel, bloggueur sur Mediapart, présente ainsi la proposition qu’il a fait avaliser par le Conseil National
une charte que devra signer chaque candidat investi. L’exigence la plus importante sera ainsi un engagement total dans la fonction de député européen: un candidat à cette élection ne pourra pas exercer de fonction exécutive locale. Les élus devront ainsi s’engager à temps plein à Strasbourg et Bruxelles. Un candidat ne pourra pas se servir de son mandat de député européen comme tremplin personnel pour en briguer un autre, national ou local d’importance au cours de son mandat de député européen.
Vœu pieux ou serment d’ivrogne ? Au risque de passer pour un homme de peu de foi, je crains que maint député élu ne fasse de cet charte le même usage hygiénique qu'Arnaud Montebourg a fait de son engagement contre le cumul des mandats.