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La formation par l’apprentissage, les centres de soins pour personnes atteintes d’Alzheimer, la lutte contre le décrochage scolaire… La vie des pêcheurs bretons, des ouvriers de Sochaux, des agriculteurs, des jeunes vivant en banlieue des métropoles… La solidarité envers les migrants et le temps suspendu des vacances… Toutes ces thématiques traversent le livre La France VUE D'ICI (éditions La Martinière, sorti le 16 mars 2017), montrant le visage d’une France diverse, engagée, volontaire et même enthousiaste malgré une crise financière devenue sociale qui, dès 2008, a bouleversé la vie de nombreux habitants du pays, malgré une crise européenne qui prit prétexte des souffrances des réfugiés pour rétrécir le champ de l’hospitalité et de la générosité.
Les périodes de déstabilisation sont propices aux interrogations. En retenant le temps, les photographies peuvent percevoir l’humanité dans toutes ses dimensions et apporter quelques réponses. Il faut s’arrêter sur les jeunes “décrocheurs” de Patrice Terraz pour saisir l’énergie qu’ont en eux ceux que l’éducation nationale n’a pas convaincus. Il faut regarder l’attention dont font preuve les apprentis de Géraldine Millot ou de Joseph Gobin pour mesurer leur désir de bien faire pour avoir un bon travail. Il faut mesurer le volontarisme des jeunes – agriculteur, militaire, prêtre… – de Nadège Abadie, pour comprendre ce que l’engagement veut aussi dire. Il faut se laisser porter par les foules saisies par Frédéric Stucin gare Saint-Lazare (et exposées en ce moment dans cette même gare) pour sentir qu’« en marche » n’est pas seulement le mantra d’un candidat président. Il faut méditer les portraits des ouvriers de Peugeot, signés Raphaël Helle, ou ceux d’Alexandra Pouzet dans l’ouest du pays pour sentir que d’où qu’on vienne, on devrait pouvoir être heureux d’être ici, « car l’espace s’embellit avec les personnes que tu aimes ».
Dans un riche dialogue entre Edwy Plenel et Christian Caujolle publié dès les premières pages de ce livre, sur le statut de la photographie aujourd’hui, le fondateur de Mediapart souligne que « les photographies de ce corpus documentaire sont un antidote au pouvoir personnel qui épuise la démocratie française » et se demande si « le vrai défi du photojournalisme ne serait pas aujourd’hui de rendre présent ce que le flot continu d’images malmenées, formatées, abîmées, convenues, etc., ne cesse de rendre absent ». Ce à quoi répond le critique d’art, commissaire d’exposition et fondateur de l’agence VU : « La France vue d’ici vient combler un manque : celui du questionnement de la société française au moment où elle va mal, voire de plus en plus mal. Et fait la preuve que c’est aussi de la diversité des approches visuelles, de la confrontation d’esthétiques d’aujourd’hui que naissent les questions auxquelles il devient urgent d’apporter des réponses. »
Car ce projet, tel que nous l’avons aussi souhaité dès le départ, n’est pas seulement une série de soixante récits. Reportage, approche plus plasticienne parfois, argentique ou numérique, le projet mélange styles et formes sans a priori et s’ouvre à la diversité des regards portés par des photographes souvent jeunes.

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26 photographes ont été retenus sur ces trois ans (sur plus de 1 000 candidatures reçues) à l’occasion des quatre réunions d’une commission dans laquelle se retrouvaient notamment le professeur d’économie Laurent Davezies et le cinéaste Pierre Schoeller (auteurs des postfaces du livre). Les choix furent donc âprement discutés, l’écriture photographique devant appuyer la pertinence du projet et la diversité des territoires.
Tout ce projet a été largement raconté dans cette édition du Club de Mediapart. Mais, parmi les moments les plus enthousiasmants de cette aventure, restera le soutien dont ont fait preuve les quelque 1 000 donateurs qui, entre 2014 et 2016, nous ont permis de boucler les trois collectes de financement participatif sur la plateforme KissKissBankBank. Ils sont tous remerciés nommément dans le livre car grâce à eux, plus de 60 000 euros ont été réunis et ont servi à payer les droits d’auteur aux photographes ; grâce à eux, nous avons cru à ce projet, nous avons pu le développer sur un site internet, nous avons pu l’enrichir.
Aujourd’hui vient donc le temps de la restitution. Du Web, ce projet se couche sur papier. Il se décline aussi en un film (un montage de photos réalisé par Mehdi Ahoudig et Solveig Risacher, porté par la voix de François Morel et qui sera mis en ligne sur Mediapart dès demain), et des expositions. En ce moment à Audincourt et Besançon, ou gare Saint-Lazare à Paris ; dès ce week-end à Dunkerque ; la semaine prochaine (vernissage le 22 mars) à la Maison des Métallos à Paris ; sans oublier la grande restitution à Sète, durant le week-end de l’ascension (du 25 au 28 mai) lors du festival ImageSingulières. D’autres suivront et nous vous en informerons.

Ainsi, de la France du début du XXIe siècle, on se souviendra peut-être du visage de Lorie, ouvrière à la coopérative maritime du Guilvinec, qui fait la couverture de ce livre ; des amours de Melissa et Mehdi, jeunes lycéens de la Somme ; des clients du Zanzibar qui, autour de Zaza la patronne, n’oublient jamais qu’il y a des lieux chaleureux où l’on peut laisser le paraître à l’entrée…
Loin des images d’un pays rance, fossilisé ou déclinant, celles d’un pays vivant.
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La France VUE D’ICI, éditions de la Martinière,
336 pages, 560 photos couleur et noir et blanc. 40 euros.
Préface de Sophie Dufau (Mediapart) et Gilles Favier (ImageSingulières).
Dialogue entre Edwy Plenel et Christian Caujolle.
Postfaces de Laurent Davezies et Pierre Schoeller.
En librairie à partir du 16 mars 2017
ou à commander sur les sites des libraires, de la FNAC ou Amazon.
Vous pouvez commander aussi un livre de tête avec le tirage d'une photographie du projet, signé et numéroté en série limitée à 11 exemplaires, format 21 x 29 cm sur papier hahnemühle. Le livre et la photo vous seront envoyés dans un coffret spécial. Prix du coffret : 180 euros + 10 euros de frais de port (à commander ici).