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Billet de blog 1 juillet 2024

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Qu'est-ce que les droits culturels ?

Contrairement aux droits politiques ou sociaux, les droits culturels sont parfois mal identifiés. Ils sont pourtant sollicités chaque jour dans une société démocratique.

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Définition et origine des droits culturels

Selon la Déclaration universelle sur la diversité culturelle adoptée par l’Unesco en 2001 « Toute personne doit ainsi pouvoir s’exprimer, créer et diffuser ses œuvres dans la langue de son choix et en particulier dans sa langue maternelle ; toute personne a le droit à une éducation et une formation de qualité qui respectent pleinement son identité culturelle ; toute personne doit pouvoir participer à la vie culturelle de son choix et exercer ses propres pratiques culturelles, dans les limites qu’impose le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Les droits ainsi énumérés sont les fruits de conquêtes progressives.

L’Europe a subi des guerres de religions qui ont opposé les protestants et les catholiques du XVIe au XVIIIe siècle. Une tolérance religieuse générale a fini par s’instaurer dans la plupart des pays du continent. Selon le philosophe allemand, Jürgen Habermas « l’extension de la tolérance religieuse a servi de stimulant et de modèle pour l’introduction d’autres droits culturels » (De la tolérance religieuse aux droits culturels, Jürgen Habermas in revue « Cités » 2003/1 n° 13). Le libre exercice des cultes peut effectivement être considéré comme un droit culturel qui a inspiré d’autres droits tels que la liberté d’expression politique ou artistique. En France, la laïcité instaurée sous la III° République va plus loin que la simple tolérance. Comme l’a démontré Catherine Kintzler (Tolérance et laïcité, Editions Pleins feux, 1998), la tolérance suppose une relation du fort au faible. Les droits sont accordés. Alors que la laïcité garantit la liberté de conscience de tous. Les croyants comme les incroyants peuvent librement exprimer leur identité culturelle dans le cadre des lois laïques et républicaines.

La culture dans son acception la plus large

Depuis plus d’un siècle, des débats sur la question des droits culturels se déroulent entre experts, juristes ou philosophes, et au sein des instances internationales. Généralement peu médiatisés, ils peuvent toutefois passer de la controverse parlementaire à l’arène médiatique. Les grands textes internationaux gardent la trace de ces débats. Dans son article 22, la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 pose que « Toute personne (…) est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l'effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l'organisation et des ressources de chaque pays ». Les droits culturels étaient alors compris comme la simple liberté d’accès à la culture et à l’éducation.

C’est la reconnaissance progressive des droits des minorités qui a fait évoluer la définition des droits culturels après la deuxième guerre mondiale. Il existait deux positions. Pour certains seuls les individus ont des droits. Pour d’autres, il existe des droits sociaux et culturels à caractère collectif (tels que la liberté syndicale ou le droit de parler sa langue). De nombreuses minorités culturelles souhaitaient voir leurs droits garantis. La sociologue Catherine Vihtol de Wenden (Immigration et droits culturels. Reconnaissance politique et acceptation culturelle  in « Le patrimoine culturel » Revue Museum international n° 233-234, UNESCO, 2007)  souligne que « la reconnaissance de la part de l’immigration dans l’histoire nationale tend, à travers les progrès de la notion de droits culturels, à faire accepter à une partie de la population qu’une autre partie y est aussi désormais incluse ». En 1966, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques trouve un équilibre entre individuel et collectif en affirmant que les individus appartenant à des minorités ethniques, linguistiques ou religieuses « ne peuvent être privés du droit d'avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d'employer leur propre langue ».

Par la suite la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant de 1989 affirme dans son article 13 « L’enfant a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l’enfant ». Elle précise dans son article 14 « Les Etats parties respectent le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Les Etats parties respectent le droit et le devoir des parents ou, le cas échéant, des représentants légaux de l’enfant, de guider celui-ci dans l’exercice du droit susmentionné d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités ».

Il est désormais admis que les droits culturels ne sont pas un « luxe » dont il faudrait s’occuper une fois que les autres droits seraient effectifs. Ils impliquent une reconnaissance juridique, politique, voire philosophique. La notion de droits culturels implique de considérer la culture dans son acception la plus large. Ils ne sont pas restreints au champ des arts et à l’accès aux ressources culturelles. Ils relèvent de l’anthropologie : c’est la personne et ses liens sociaux qui en sont les possesseurs et les acteurs. Ils sont la condition nécessaire pour que chacun ait les capacités de son propre développement personnel et sociétal.

Notre dossier sur les droits culturels: 

Qu'est-ce que les droits culturels ? 

Les droits culturels dans les textes internationaux

Alexandra Xanthaki, rapporteuse de l'ONU pour les droits culturels

Quoi de neuf ? Les droits culturels ! 

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