Athéisme, indifférence religieuse et critique des religions
- 21 août 2020
- Par Charles Conte
- Édition : Laïcité
Plusieurs publications récentes nous permettent de préciser les notions d’athéisme (militant ou non), d’indifférence religieuse et de critique des religions.
« Je crois en l’athéisme » Le témoignage d’Emmanuel Pierrat


Emmanuel Pierrat, en pleine cérémonie des masques bobos. Photo inédite.
Indifférence religieuse ou athéisme militant ? Penser l’irréligion aujourd’hui.

Dans la population française, on peut identifier environ 20 % d’athées assumés, 40 % de non religieux (agnostiques, indifférents…) et 40 % de croyants. Point particulier : les scientifiques français sont nombreux à revendiquer leur « identité athée » (50 %). Par ailleurs, les résultats d’une enquête internationale (en France avec Sébastian Roché dans les Bouches-du-Rhône) exposent la corrélation négative entre l’attachement à la religion et l’attachement à la nation. Deux « super identités ». Plus on est croyant, moins on se réfère à la nation. Selon cette enquête, le fait est prouvé chez les jeunes musulmans et leur « patrie céleste » et, à l’inverse, chez les jeunes irréligieux et leur « patrie terrestre ». La position socio-économique pouvant expliquer cette distance. Contrairement à une idée reçue, les milieux catholiques les plus fervents se réfèrent moins à leur « sentiment national » que les milieux catholiques modérés ou les milieux irréligieux.
La Fédération Humaniste Européenne est présentée par Bérangère Massignon comme porteuse d’un athéisme organisé et militant. Fondée en 1952, la FHE rassemble 125 organisations (dont la Ligue de l’enseignement) dans 47 pays d’Europe. Le « marquage à la calotte » contre les diverses menées cléricales au sein des institutions européennes est décrit avec précision. Il s’agit d’un activisme laïque plutôt que athée. Bien sûr on ne réduit pas les nombreuses activités culturelles humanistes des organisations de la FHE à cet aspect. Le recours aux écoles laïques françaises implantées en Tunisie et l’enseignement universitaire de l’athéisme en Allemagne de l’Est jusqu’en 1990 font l’objet de deux contributions.
Dans la conclusion, Philippe Portier, titulaire de la chaire « Histoire et sociologie des laïcités » à l’EPHE, use du terme neutre « areligion » plutôt que « irréligion », plus offensif. Les indifférents et même la plupart des athées n’étant pas engagés dans un combat contre les religions en tant que telles, ni même contre leur influence. Le militantisme athée est périphérique mais le caractère massif de cette areligion est souligné. En conséquence les sociologues ne peuvent plus inventorier et réfléchir en termes d’absence ou d’abandon de pratiques et de croyances. Mais en termes de « contenu » de cette areligion. Celle-ci est croissante dans les jeunes générations. Elle sera majoritaire en Europe autour de 2050 si on prolonge les courbes statistiques. Philippe Portier note son « épaisseur » culturelle. Quoique non formelle, elle mérite d’être reconnue comme une conception du monde, de la nature et de la société à part entière et non comme un manque. L’Humanisme dans toute sa diversité…
« Indifférence religieuse ou athéisme militant ? Penser l’irréligion aujourd’hui » Sous la direction de Pierre Bréchon et Anne-Laure Zwilling. Presses Universitaires de Grenoble. 190 pages 25 €
L'athéisme militant existe bel et bien aux USA. Ronald Prescott Reagan, dit Ron Reagan, fils de l'ancien président, est membre de la Freedom from religion foundation FFRF composée d'athées et d'agnostiques qui appellent à la séparation des Eglises et de l'Etat.
Adogma, revue de réflexions libres-penseuses

Le N° 4 de Adogma propose ainsi un texte de Gilles Poulet « « L’athéisme questionné, l’athéisme questionnant », présenté comme une position personnelle plutôt que comme une doctrine codifiée. Cette tribune libre cohabite avec une autre, de Patrice Decormeille, par ailleurs président du Cercle Condorcet d'Auxerre. Elle est consacrée, si on ose écrire, à un portrait de Paul Bert qui fut en son temps l’incarnation de l’anticléricalisme républicain. Dans le même numéro se trouve un dossier « Sur le front clérical ». On ne saurait être plus clair. Eddy Khaldi, par ailleurs président des DDEN, décrit la politique de l’Eglise catholique visant à instrumentaliser la laïcité. Nicole Favot met en perspective l’Eglise protestante évangélique avec cette même Eglise catholique Avec un article au titre en forme de pronostic « Une gagnante, une perdante…et peut-être une arbitre ». L’arbitre espérée étant la laïcité. La même auteure analyse les conséquences de la scolarisation obligatoire dès trois ans. Deuxième dossier, faisant la Une de la revue : « Libre-penser le corps ». Joli titre qui chapeaute deux réflexions favorables à la PMA pour toutes et un article sur un sujet peu traité, la circoncision comme atteinte à la liberté de conscience. Nouvelles contributions à un combat mené par le mouvement laïque dès avant les lois des années 60 et 70 sur les droits sexuels et reproductifs.
Le N° 5 de Adogma est organisé autour du dossier central « Politique et religion : l’éternel recul ». Gérard Bouchet est président de l’Observatoire de la Laïcité Drôme-Ardèche, auteur de « Laïcité : textes majeurs pour un débat d’actualité » (Armand Colin) et de « La laïcité en question(s) » (Editions L’Harmattan. Collection Débats laïques). Redoutable collecteur et commentateur de textes, il passe au crible les discours d’Emmanuel Macron, d’une part, et les déclarations officielles de l’Eglise catholique, d’autre part. Charles Arambourou, responsable de la commission laïcité de l’UFAL, décrypte le « projet bonapartiste et gallican » d’organisation officielle d’un « islam de France ». Eddy Khaldi planche sur l’ambition émancipatrice de l’école publique. Et Gérard Vignaud repose la question décisive : « Et nous alors ? » en se réclamant des non religieux et des athées de France…

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