L’hebdo du Club de cette semaine aurait pu ressembler à la chronique de la fin du monde. Le racisme, la vulgarité, le repli sur soi ont été couronnés aux États-Unis ; le régime turc devient de plus en plus autoritaire ; les soutiens des réfugiés sont poursuivis en justice ; nos imaginaires et la création artistique ne cessent d'être asservis aux pouvoirs financiers… Oui, nous en sommes là ! Et devant ce gouffre dans lequel le monde semble se précipiter, certains résistent en décryptant, en dénonçant, en se dressant face à la barbarie. Retour sur quelques billets (mais n’hésitez pas à compléter) qu’il ne fallait surtout pas louper, si vous pensez que seule la mobilisation et l’engagement de chacun pourront créer un monde plus vivable demain.
Pour combattre le populisme déchaîné, prendre le parti des abstentionnistes
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L’élection de Donald Trump a suscité une avalanche de billets, vous pouvez en retrouver un certain nombre dans ce dossier (ici) : décryptage du vote, réaction de Yanis Varoufakis, portfolio sur les manifestations à New York, analyse de l’impact sur la justice climatique… Les contributeurs du Club ont été éminemment réactifs et pertinents. Merci à eux. Parmi les billets publiés, il y en a un qui a suscité un engouement particulier, celui du sociologue Éric Fassin qui, en s'appuyant sur une importante documentation, explique ce que les sondages sorties des unes révèlent : sur le vote des Blancs (58 % pour Trump), des catholiques, des non diplômés, sans oublier le paradoxe du vote des femmes et des hispaniques ! Et ce qu'ils n'expliquent pas : le choix des abstentionnistes (42 % des citoyens en âge de participer). « Voilà pourquoi Hillary Clinton a finalement perdu. En effet, si le candidat républicain recule de plus d’un million de voix par rapport à 2012, sa rivale démocrate en perd près de six millions : les électeurs qui ne se sont pas déplacés sont ceux qui ont fait défaut à celle-ci, plus encore qu’à son adversaire. »
Outre la pertinence de l’analyse, l’intérêt de ce billet se trouve dans les leçons que tire le sociologue de l’élection de Donald Trump : « C’est la dérive néolibérale du parti démocrate qui explique son échec dans les urnes », et donc, aux États-Unis comme en France, la gauche a tout à perdre en rivalisant avec la droite sur le terrain identitaire, d’autant plus que « les minorités visées par les discours d’identité nationale sont surreprésentées dans ces mêmes classes populaires». Enfin, conclut-il, la gauche a mieux à faire que d’essayer de séduire « les brebis égarées qui pourraient bien être des loups », elle doit refonder une politique de gauche pour faire revenir aux urnes les progressistes. Le débat qui a suivi ce billet (304 commentaires !) a porté sur la pertinence de « l’abandon » des brebis égarées au Front national, et surtout, comme beaucoup de fil de commentaires en ce moment, sur la bataille entre pro et anti-Mélenchon…
Au secours des réfugiés, notre espérance
« J’ai 45 ans et 2 enfants. Je suis fonctionnaire de l’Education Nationale, Ingénieur d'Etude dans un laboratoire de recherche du CNRS / Université Nice Sophia Antipolis et enseignant à la Faculté des Sciences. Je n'étais pas jusqu’à présent militant politique ou associatif. » Dans un billet intitulé « Pourquoi j’ai secouru des réfugiés », qui fait toute la fierté du Club, Pierre-Alain Mannoni raconte, avec force et simplicité, les raisons de son engagement « La première fois j’avais hésité, je n’avais pas eu le courage, mais cette fois-ci il y avait ma fille et j’ai pu lui montrer l’exemple. » Il est aujourd’hui poursuivi en justice pour avoir secouru des réfugiés ; son procès se tiendra au Palais de justice de Nice, le mercredi 23 novembre à 13h30.
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Au début de l’année, l’écrivaine Marie Cosnay a tenu dans le Club la chronique en 7 épisodes de l’accueil à Baigorri, un village du Pays basque, de 50 personnes qui avaient quitté Calais après avoir fui l’Irak, l’Iran, l’Afghanistan, le Soudan et l’Érythrée. J’ai eu le plaisir de rencontrer Marie Cosnay la semaine dernière, à l’occasion de l’ouverture du Festival de la Cimade (que j'animais !), à la Maison des Métallos. J’ai alors appris qu’elle venait d’éditer ces chroniques, Jours de répit à Baigorri, chez Creaphis Editions, 8 euros. N’hésitez pas à le faire savoir, aux abstentionnistes (!) et à ceux qui pensent que l’on ne peut rien faire…
Libérons Asli Erdogan !
Depuis le 16 août dernier, la romancière Asli Erdogan est incarcérée, avec huit autres membres de la rédaction du journal prokurde Ozgür Gündem. Ils sont accusés d’appartenance à « une organisation terroriste armée », d’« atteinte à l’unité de l’État et à l’intégrité territoriale du pays » et de « propagande en faveur d’une organisation terroriste ».
Le 10 novembre, le parquet d’Istanbul a requis la réclusion à perpétuité.
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Même si elle est une grande voix de la littérature turque (La Ville dont la cape est rouge (2003), Le Mandarin miraculeux (2006), Les Oiseaux de bois (2009), Le Bâtiment de pierre (2013), tous publiés chez Actes Sud), vous ne la connaissez pas forcément. Elle mérite pourtant d'être connue ! Depuis cet été, de nombreux billets ont été publiés dans le Club pour dénoncer cette détention. Hier, Morvan56, a relayé la lettre qu'elle a écrite depuis la prison. Dans ce billet, il relaie aussi l'appel #stoperdogan initié par les écrivains français Tieri Briet et Ricardo Montserrat, qui consiste à rassembler ses textes et à les lire dans les théâtres, les librairies, les festivals, les médiathèques. « Lisons partout les textes d'Asli Erdogan à voix haute, partageons leur beauté face à un État devenu assassin. Jusqu'à la libération d'Aslı Erdoğan ! »
La mobilisation pour Asli Erdogan va bien au-delà de la seule liberté d’expression d’une romancière, car comme elle le dit si justement : « Je suis convaincue que le régime totalitaire en Turquie s’étendra inévitablement, également sur toute l’Europe. »
Mobilisons-nous !