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Tusi Alexis TIOUKA :
Awala 17.07.1959 - lundi 04.12.2023 Montpellier
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Dans un contexte de permanence historique et d’actualité de la Conquête française de l’Amérique, c’est à l’occasion du premier rassemblement des Amérindiens de Guyane du 9 décembre 1984 à Awala que naissent par éclats simultanés, le fondement politique de la contestation autochtone exprimée par son frère Félix dans un discours fondateur de la résistance pluri-générationnelle amérindienne, et la vocation de Tusi Alexis Tiouka à prendre toute la dimension éducationnelle, juridique et sacrificielle du Combat.
Ainsi ses premiers articles engagés étaient très attendus, notamment ceux qu’il rédigeait à la fin des années 80 dans le journal politique d’inspiration ouvrière Rot-Kozé, l’organe de presse du Mouvement de Décolonisation et d’Émancipation Sociale (MDES) de la Guyane.
La lecture et la nature de son positionnement juridique face à la prise de possession historiquement impudique de l’état, vous faisait toujours l’effet d’un boost de dignité augmenté d’une aura fédératrice qui retentissait sur toutes les âmes conscientes des communautés de bases de la Guyane : amérindiennes, bushinenguées et « créoles ».
Au cours de cette première décennies Tusi Alexis Tiouka participe à la création de la Fédération des Organisations Amérindiennes de Guyane (FOAG), et travaille à la ratification par le gouvernement français de la convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), relative aux peuples indigènes et tribaux de 1989*. Sa voix comptera également en 1997 au sein du groupe de travail que constitue la délégation de la Fédération des Organisations Autochtones de Guyane qui se rendra aux Nations Unies pour négocier les termes de la Déclaration officielle de l’ONU sur le Droit des Peuples Autochtones qui sera adoptée dix ans plus tard en septembre 2007.
Lors de l’historique mobilisation populaire de mars-avril 2017 contre le néocolonialisme et l’exploitation en Guyane, émerge la discrète mais non moins efficace vocation politique de Tusi Alexis qui contribue activement aux négociations avec les autorités publiques afin de réaffirmer les revendications autochtones.
Il est élu conseiller municipal à Awala-Yalimapo sous la mandature de Jean-Paul Fereira et candidat sur la liste Europe Écologie les Verts de Yannick Jadot aux élections européennes de 2019. Plus récemment, Il a exercé des fonctions stratégiques au sein des communes comme à Papaïchton en tant que Directeur de l'aménagement du territoire, à Sinnamary en tant que responsable service urbanisme et chargé de mission aménagement du territoire à Camopi*.
Il co-écrit « Petit guerrier pour la paix », paru aux éditions Ibis Rouge en 2017. Il y a retrace 40 années de parcours de la première génération de leaders du mouvement autochtone guyanais, passée par les « Homes indiens » et l'école française, du grand rassemblement des Amérindiens de Guyane en 1984, aux revendications pour la terre de 2017 puis aux négociations internationales*. Las, il ironise par la confidence dans ce livre qui marquera les esprits : « Parfois, j’ai envie de dire qu’être Autochtone, c’est errer dans les couloirs de l’Organisation des Nations Unies depuis des dizaines d’années à la recherche de droits dont on ne voit jamais la couleur…»
Chroniqueur des temps coloniaux qui s’étirent jusqu’en notre jour sous le ciel « français » de Guyane, Tusi Alexis me faisait l’immense et amical honneur de me confier La Lettre d’Information des Peuples Autochtones de Guyane depuis février 2018 ici-même dans l’Édition de Mediapart, ou encore les deux opus qu’il élabore en analyse du problème que la république française s´essouffle à résoudre comme le disait Aimé Césaire, intitulés « Séparatisme et Colonisation. L’exemple des outre-mers français I », ici. Et "Les séparatismes : Source de la colonisation francaise II", là.
Sa dernière Lettre d’information datant du mois d’août.
Notre MAKAN féraille encore dur, ne désarmant jamais, et livre sa dernière tribune éditoriale intitulée Défense des droits des peuples autochtones « Le soutien que pourrait apporter le président Macron est important et attendu » qui paraît dans le journal Le Monde le 18 septembre dernier.
74 heures plus tard Les peuples autochtones de Guyane tirent l’oreille du président Macron, est publié ici contextualisé par mes soins.
Enfin Tusi Alexis s’est souvent prêté au jeu d’acteur dans plusieurs productions cinéma notamment dans la série « Guyane » diffusée sur Canal + ou encore « Meurtre à Cayenne » sur FranceTv.*
Il demeurera emblématique du militantisme autochtone, certes, tout autant que nous partagions fraternellement la nécessité impérieuse d’une autonomie gouvernementale pour les descendants de la terre de nos Yopoto, de nos Gaan Sama, et de nos Gangan.
Notre MAKAN Ultime nous a tracé la route de l’Unité dans ce combat, car c’est bien la Coutume qui est matrice de notre droit collectif à l’autodétermination, autrement dit à la nation future.
Tusi Alexis est passé lundi matin sur l’autre rive à l’âge de 64 ans des suites d’une longue maladie.*
Tusi Alexis !
Ils veulent nous noyer !…
Mais notre Unité est sous-marine !
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Tu as vu tes frère et sœurs panaméricain.nes
Endurer tous les déchirements des pactes,
Les traités raturés,
Du droit autochtone,
Mais aussi leurs victoires sur la peur !
Chevauchant la glace et la mitraille.
De la verticalité politique.
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Ici la République bon teint dénie à âme qui vive
Tout droit de propriété sur la Terre soufferte
N’est constitutionnel que la dépossession !
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La Descendance est digne de ton héritage
Et le demeurera jusqu’à l’arrière-pays Physique,
Culturel,
Historique,
D’où la liberté nous tend les bras !
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Wapo Na Dé !
TÉLÉ !…
Pyèr.
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