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Billet de blog 2 décembre 2025

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ET SI, EN PLUS, IL DRACHE…

« Quand in vot l'phare du Gris-Nez ch'est qu'i va pleuvoir et si qu'in l'vot pas ch'est qui pleut », paroles de pêcheurs.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
© Vent d'Autan

À l’arrière des travées de l’horizon de longues nappes de brumes s’échouent en langueurs psalmodiques. Sous les clameurs des oiseaux côtiers, à pleines brassées un vent tiède charrie de folles nuées zébrées d’encre de seiche. De part en part, pétrie dans son sillage de mystères la vie s’installe malgré tout, traversée de silhouettes évanescentes à la pointe du jour. En coulisses, les yeux levés au ciel, d’une infinie patience le vieux bonhomme à frimousse polaire attend que s’achève la parenthèse dorée. Mitan à la lignée de l’équinoxe.

Blotties sous le ciel aux lueurs tamisées, les pénates de briques rouge flamme se fondent dans la nasse de grésil — gangue de nature morte. Pudique terroir frappé de plein fouet du sceau de l’adversité, enfoui sous les coups de grisous, englouti sous les tonnes de coquilles de moules et les gargantuesques orgies de harengs. Pas âme qui vive, à peine le frémissement des courants d’air jusque sous les portes closes aux fantômes et autres diables de minuit.

Aux dernières lueurs des bougies les estaminets ont fermé boutique, mots d’esprit et gouailleries paillardes se sont tus dans la nuit noire, bousculant les derniers chalands péroreurs de réverbères. Seuls déambulent noirs greffiers et chiens errants sous les flaques de lune. Dehors à pleins poumons il drache des corons de houille à l’hostilité palpable. Terrils en la demeure.

Illustration 2
© Robert Doisneau

Calfeutrés sous leur cuirasse de tôle et d’osier, au sein d’un décor de bric et de bocks les emblématiques Géants peaufinent leur prochaine sortie au timbre des fanfares. Aux prochains beaux jours du renouveau, entre folklore et tradition ils déambuleront dans les rues en liesse.

Petite communauté éparpillée, depuis la nuit des temps ils enchantent carnavals, ducasses et fêtes communales pour un petit tour de piste jusque sous le beffroi de l’hôtel de ville. Bamboche et ripaille au rendez-vous. Frileusement serrés les uns contre les autres, on s'amuse, on joue, on rit, on discute, on échange, on déguste une bière d'abbaye et on savoure la cuisine généreuse du Nord.

En place publique, avec charivari sa majesté Carnaval condamnée au bûcher. La mélancolie des temps noirs prend la poudre d’escampette.

Illustration 3
© Edmey

La traversée, d’Est en Ouest de la région, se poursuit aux rythmes enchantés et stylés des moulins à vent, des houblonnières, des monts, des villages de charme, des villes fortifiées. Ici, en Flandre maritime, les nuages noirs ont fui, poussés vers les terres par les brises marines.

Si la moule rit à toutes les sauces, les plats de tradition se perpétuent avec une précision flamingante, « Asperges à la flamande », « Carbonade flamande », « Quiche flamande », « Waterzooi », « Potjevleesch » et même « les bio chicons au gratin » (Ah non… ce dernier à des accents bien plus ch’ti).

 A y regarder de plus près, les peintures à l’huile des peintres flamands ont su révéler le caractère bien trempé des paysages pointant aussi l’âme chaleureuse et humaine de leurs habitants.

 Cependant, au fil du temps, quelques ombres sont venues ternir la beauté sauvage du littoral ainsi que l’authenticité des dunes d’antan. Au premier jour de l’an neuf, des centaines de givrés, aux clet’ches carnavalesques, plongent pour un bain déjanté bravant les flux et reflux des vagues glaciales hivernales de la mer du Nord. Un rituel revigorant pour les plus acharnés, un plaisir solidaire pour quelques milliers de spectateurs attirés ce jour-là par les coutumes ancestrales fièrement répétées. Inspirez, expirez, humez l’air iodé et flânez au long des plages alentours à la recherche de vestiges historiques de la seconde guerre mondiale. Une terre de fiers Flamands dont l’art de vivre charme plus d’un cœur.

Illustration 4
© Edmey

Juste un peu plus loin, l’horizon tombe son manteau obscur et mélancolique et se pare d’un fatras gris bleuté, palette de nuances émeraudées et saphirines de la côte d’opale. A cor rauque et à cri aigu, au fil de quelques ricanements perçants, les oiseaux emblématiques marins s’accordent de concert à enchanter l’estran et les dunes de la mer du nord réveillant parfois quelques trésors insoupçonnés. De ci, de là, en toutes saisons, ils vagabondent sous les regards amusés des habitués, des curieux, des fêtards, des vacanciers ou des touristes d’un jour.

Mais d’aventure en aventure, de port en port, de champs en chants, les mouettes, grandes camanettes chamailleuses, fringantes au temps des amours, se hasardent au long du littoral et s’éclipsent dans les terres. Opportunistes, chapardeuses arrogantes, elles trainaillent afin de quérir fortune, insectes ou lombrics, dans les sillons des labours fraichement retournés de la Flandre Intérieure. Elles pleurent, piaulent, hurlent, ricanent mais s’intègrent parfaitement aux paysages côtiers et aux habitudes régionales.

Chaque début d’année, après les chahuts, les chapelles, les rigodons et les bals, les carnavaleux narguent à gorges déployées, mouettus et bouches décousues, ces si mystérieuses messagères. Dans une ambiance de beignets de carnaval et de flonflons à la française, Mouette, Mouettons, Mouettez ! Comme un défi impératif d’imitations associé à la liberté et à la mer, grain de folie insolite de début mars !

Les mouettes sont rusées et espiègles. Point ultime ironique, aujourd’hui encore, elles n’osent aucunement répondre à leurs avatars cette réplique mythique pourtant réputée et bien connue « vos gueules mouettes ».

Un tchiot bout de Ch’nord raconté par Vent d’Autan et Edmey

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