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Billet de blog 6 juillet 2021

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Covid-19 - Berceau du variant Delta, qu'est l'Inde devenue ?

Les médias nous présentent le variant Delta comme une inquiétante menace pour la France et pour l’Europe. On s’intéressera ici au destin de ce variant Delta là où il est apparu : en Inde.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

On se souvient des images angoissantes venues d’Inde, diffusées en avril 2021, montrant des hôpitaux incapables d’accueillir les malades, et des crémations collectives.

Cela a contribué à forger l’idée que la menace du variant Delta est sérieuse, et à insuffler la peur que nous en soyons les prochaines victimes.

Pourtant, si on examine ce qui s’est passé en Inde, de nombreux éléments devraient nous aider à relativiser la menace et à sortir de la peur, voire à adopter des solutions disponibles contre le variant Delta.

En premier lieu, il faut constater que l’Inde se remet du variant Delta : bien qu’en avril-mai, elle ait subi une épidémie spectaculaire, qui touchait tous les états indiens, le virus ne s’est pas développé sans fin, mais a assez vite reflué, et poursuit une courbe descendante (Fig.1). Certains états (Bihar, Delhi, Uttar Pradesh, Uttarakhand, Madhy Pradesh, Punjab, Haryana, Gujarat, Rajasthan, Jarkhand, Chhattisgarh...) semblent quasiment débarrassés de l’épidémie depuis plusieurs semaines (Fig.2).

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Fig.1 - Nombre de cas de Covid-19 détectés en Inde © OurWorldInData.org
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Fig.2 - Cas de Covid-19 détectés dans 9 des 36 états de l'Inde © https://www.covid19india.org/

Ensuite, il faut rappeler, comme l’a fait le Dr Kierzek, que l’Inde a 12 fois moins de lits d’hôpitaux par habitants que la France. Cela signifie qu’une situation sanitaire où les hôpitaux d’Inde commencent à être saturés correspond à une situation sanitaire parfaitement gérable en France.

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Fig.3 Taux d'incidence du Covid-19 en France et en Inde © OurWorldInData.org

A quel point le nombre de patients nécessitant une hospitalisation a-t-il explosé en Inde lors de la vague qu’elle a connue ? À un point où les hôpitaux français auraient eux aussi été débordés ? On peut se poser la question : le taux d’incidence (nombre de cas détectés par million d’habitants) en Inde n’a jamais atteint des niveaux comparables à ceux des pics en France (Fig.3).

Quant au taux de mortalité, que l’on peut certes penser sous-estimé en Inde (mais dans quelles proportions?), il n’a pas non plus atteint les sommets connus en France (Fig.4)

Illustration 4
Fig.4 - Taux de mortalité officiels en France et en Inde © OurWorldInData.org

et on peut raisonnablement penser que la faiblesse des équipements hospitaliers de l’Inde a provoqué de nombreux décès qui auraient été évités dans un environnement tel que celui de la France. L’impossibilité d’accéder à de l’oxygène, notamment, a été un drame en Inde, qui a probablement coûté des milliers de vie : avec un nombre de malades que les hôpitaux français sont capables d’absorber, un tel drame ne se serait donc pas déroulé en France, à épidémie comparable.

Enfin, rappelons que lorsque l’épidémie a commencé à refluer en Inde (début mai), moins de 10 % de la population indienne avait reçu une première dose de vaccin, et moins de 3 % étaient pleinement vaccinés.

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Fig.5 - Nombre de cas détectés à Kolkata © https://www.covid19india.org/

Ainsi, même très peu vaccinée, même avec des capacités hospitalières très insuffisantes, même avec des pénuries d’oxygène, et même dans des villes surpeuplées aux conditions d’hygiène parfois rudes, l’Inde s’est assez rapidement sortie du variant Delta. L'exemple de Kolkata (Calcutta) l'illustre (Fig.5). On peut donc penser que — même si les vaccins ne protègent que faiblement contre le variant Delta — la catastrophe déclenchée en Inde par le variant n’en aurait pas été une en France. Et que son arrivée sur le continent européen ne représente pas une menace inédite.

Quoique...

Le rôle des traitements

Outre la qualité des services de santé, la densité de population, les conditions d’hygiène et le taux de vaccination, il y a une autre différence fondamentale entre l’Inde et la France : la politique sanitaire en termes de traitements.

En France, on reste officiellement sur la position selon laquelle « il n’y a pas de traitement précoce qui permette de réduire la gravité du Covid-19 ». Ce n’est pas le cas en Inde, avec des conséquences diverses. D’une part, alors qu’en Europe on a abandonné cette piste depuis l’automne 2020, l’Inde a connu en 2021 une campagne médiatique favorable au Remdesivir. Sa dangerosité, couplée à une piètre efficacité et à un mode d’administration (intraveineuse) mobilisant le personnel médical et hospitalier, a pu être un facteur aggravant de la situation en Inde.

Mais par ailleurs, l’Inde a choisi, en pleine vague épidémique, de faire le pari de l’ivermectine en traitement précoce. Et plusieurs éléments d’analyse laissent penser, comme le dit par exemple Brian Remy, ancien cadre des laboratoires Gilead, que ce pari a été déterminant dans le reflux de l’épidémie.

L’observation de la temporalité de l’épidémie, et les différences entre états indiens vont toutes das le même sens : ils sont compatibles avec l’hypothèse d’une efficacité de l’ivermectine en traitement précoce.

Le Ministère Indien de la Santé (MoHFW) a pris le 22 avril la décision de recommander des traitements précoces (ivermectine, budesonide, hydroxychloroquine). L’épidémie était alors en pleine expansion (Fig.6). Une inflexion sensible a suivi cette date, et la baisse du taux d’incidence a commencé le 6 mai, deux semaines après l’annonce de ce changement de politique (Fig.1).

Illustration 6
Fig.6 - Taux d'incidence du Covid-19 en Inde jusqu'au 22 avril 2021 © OurWorldInData.org

Les trois molécules (ivermectine, budesonide et hydroxychloroquine) ont-elles été autant prescrites l’une que l’autre ? Il est difficile de le dire avec certitude, mais un coup d’œil sur les tendances observées par Google dans les recherches sur le Net laisse penser que l’ivermectine a eu plus de succès que les deux autres (Fig.7).

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Fig.7 - Recherches de 3 médicaments sur Google en Inde © Google Trends

On constate d’ailleurs que les Indiens se sont intéressés à l’ivermectine lors de la flambée épidémique avant la décision du MoHFW de la Santé. C’est notamment le cas à Delhi (20 millions d’habitants), où la recherche d’ivermectine s’est sensiblement accrue à partir du 13 avril, et où le pic épidémique a d’ailleurs été atteint dès le 20 avril (Fig.8).

Illustration 8
Fig.8 - Nombre de cas de Covid détectés à Delhi © https://www.covid19india.org/

C’est également le cas dans le Maharashtra (122 millions d’habitants, dont 24 millions dans l’agglomération de Mumbai), touché dès la mi-février, où l’ivermectine a été recherchée plus activement à partir de la mi-mars, et où le pic a été atteint le 18 avril.

Quelques états indiens attirent l’attention en raison la politique particulière qu’ils ont adoptée face à la vague épidémique du printemps 2021. Examinons-les, en quête d’indications sur l’efficacité des diverses mesures.

Goa

On avait relayé la décision du Ministère de la santé de l’état indien de Goa : allant au-delà des préconisations du Ministère indien de la Santé, le 10 mai 2021 il annonçait la distribution gratuite d’ivermectine à tous les adultes de l’état, afin de mettre en œuvre un traitement préventif du Covid-19.

Il semble que cette annonce n’ait jamais été concrétisée. Le 24 mai, l’opposition politique de Goa demandait où étaient les comprimés d’ivermectine promis ; le 9 juin, le premier ministre de Goa déclarait que le gouvernement n’avait jamais acheté l’ivermectine prévue pour la campagne de prévention. Et le 20 juin, Goa retirait même l’ivermectine des kits de traitement précoce distribués dans les hôpitaux et les centres de santé.

Durant toute cette période, jusqu'à son revirement complet du 20 juin, Goa a donc seulement appliqué la politique du gouvernement central : les médecins étaient encouragés à prescrire de l’ivermectine en traitement précoce ; et les comprimés étaient en vente libre (sans ordonnance) dans les pharmacies.

Ainsi, contrairement à ce qu'on pouvait espérer, l’État de Goa n’est pas l'exemple qui permettrait d’évaluer l’effet d’une politique de prévention par l’ivermectine à l’échelle d’un état.

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Fig.9 - Nombre de cas détectés à Goa © https://www.covid19india.org/
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Fig.10 - nombre de décès Covid déclarés à Goa © https://www.covid19india.org/

L’évolution de l’épidémie observée à Goa est assez semblable à celle de la plupart des états de l’Inde : ayant atteint un maximum le 7 mai, le nombre de cas détectés a ensuite régulièrement diminué (Fig.9) ; le maximum de décès quotidiens a été atteint le 11 mai et recule depuis (Fig.10). (On remarquera au passage que, comme d’autres états, Goa a déclaré avec retard un nombre important de décès de façon groupée, donnant la fausse impression d’un soudain pic de mortalité, le 7 juin dans le cas de Goa. Ces déclarations tardives des états de Goa, Bihar, Maharashstra etc. sont à elles seules responsables du mini-pic observé sur la courbe de mortalité de l'Inde (Fig.4) dans la phase descendante, autour du 15 juin.)

Il faut aussi remarquer que l’état de Goa a connu l'un plus des forts taux d'incidence et l'un des plus forts taux de mortalité d'Inde lors de l'apogée de la flambée épidémique survenue dans ce pays à partir de février 2021 (Fig.11). Cela dit, cet état étant peu peuplé (1,5 million d’habitants), le taux record de mortalité atteint le 11 mai correspondait à 75 décès. Au 2 juillet 2021, le bilan de Goa depuis le début de la pandémie s’élevait à 3062 décès liés au Covid-19.

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Fig.11 - Taux de mortalité du Covid-19 en Inde et dans chacun des 36 états © Enzo Lolo d'après https://api.covid19india.org/

Uttarakhand

En revanche, comme le rapporte cet article de One India, un autre état, l’Uttarakhand, avait également pris la décision, le 12 mai 2021; de distribuer de l’ivermectine à toute la population en prévention. (A noter : l’article indique une politique semblable dans le Karnataka, mais deux autres articles le contredisent, en indiquant que si l’Uttarakhand avait bien décidé de traiter préventivement contre le Covid-19, le Karnataka, en revanche, ne visait que le traitement précoce ; le site du gouvernement du Karnataka ne semble pas fournir d’information éclairante sur ce point, et on ne gardera ici que l’exemple de l’Uttarakhand.)

L’Uttarakhand est un cas intéressant : c’est l’état qui accueillait ces derniers mois le pèlerinage de la Kumbh Mela, rassemblant à Haridwar des millions de visiteurs venus de toute l’Inde, notamment en mars et avril. Il était donc, potentiellement, tout particulièrement exposé aux virus circulant en Inde.

La politique de prévention généralisée par un traitement d’ivermectine a-t-elle été effectivement mise en œuvre ? On n’a pas trouvé d’éléments factuels pouvant le confirmer ou le démentir. Une chose semble à peu près nette : si l’Uttarakhand (11 millions d’habitants) avait un des taux de mortalité les plus élevés d’Inde en avril (Fig.11), le nombre de décès à commencé à chuter à partir du 17 mai, de façon plus rapide que pour les autres états : la mortalité en Uttarakhand, très supérieure à la moyenne indienne, est passé en-dessous de cette moyenne à partir de la deuxième semaine de juin. On peut avoir confirmation de l’amélioration spectaculaire de la situation sanitaire en Uttarakhand en consultant le site qui recense les lits d’hôpitaux disponibles dans l’état, et ce que ce même site affichait à diverses dates grâce aux archives du web.

A moins qu’une autre explication vienne expliquer ce rapide retournement de situation, l’Uttarakhand pourrait bien être un indice clair de l’efficacité d’une politique de prévention générale du Covid-19 à base d’ivermectine.

Tamil Nadu

Comme on l’a signalé ailleurs, alors que, le 10 mai 2021 le Tamil Nadu avait publié sur son site officiel la recommandation de traiter précocement le Covid-19 avec de l’ivermectine, l’état avait fait volte face le 13 mai 2021, en suivant l’avis de Mme Swaminathan, cheffe scientifique de l’OMS, déconseillant l’ivermectine par un Tweet le 11 mai.

L’évolution de l’épidémie dans le Tamil Nadu (75 millions d’habitants) est singulière : alors que dans la plupart des états, le pic du nombre de cas est atteint vers le 10 mai, le Tamil Nadu a vu sa situation s’aggraver jusque fin mai et passer nettement au-dessus de la moyenne indienne (Fig.12).

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Fig.12 - Taux de mortalité du Covid-19 en Inde et dans chacun des 36 états © Enzo Lolo d'après https://api.covid19india.org/

Si l’on zoome sur la figure pour distinguer les diverses courbes dans la partie basse du graphique (Fig.13), correspondant aux états ayant les taux d’incidence les moins élevés en Inde, on peut voir par exemple que dans l’Uttar Pradesh (état le plus dense de l’Inde, avec 225 millions d’habitants), le taux d’incidence avait commencé à monter plus tard et plus fortement que le Tamil Nadu, qu’il a commencé à redescendre dès le 25 avril, et avait baissé de 80 % le 21 mai, alors que le Tamil Nadu atteignait tout juste son pic.

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Fig.13 - Taux d'incidence en Inde et dans chacun des 36 états © Enzo Lolo d'après https://api.covid19india.org/

Il est plausible, comme on a entendu un médecin indien l'affirmer, qu’une partie des médecins du Tamil Nadu, constatant la divergence de l’évolution épidémique dans leur état par rapport aux autres, aient décidé de traiter à l’ivermectine sans se conformer aux directives du Ministère de l’état. Quoi qu’il en soit, quoique plus tardivement que la plupart des autres états, le Tamil Nadu connaît également un reflux de l’épidémie. Que ce soit dû à l’évolution naturelle de l’épidémie ou à la mise en œuvre de traitements, le variant Delta n’a pas non plus dévasté le Tamil Nadu : environ 20.000 décès ont été recensés en lien avec le Covid-19 en 2021 (et 12.000 en 2020), pour une population légèrement plus importante qu’en France.

Uttar Pradesh

Pendant la poussée épidémique, cet état a mise en place une politique volontariste, consistant à envoyer des équipes médicales faire du porte à porte pour tester les habitants, et distribuer aux personnes présentant des symptômes ou testées positives, des kits de traitement contenant notamment de l’ivermectine. Le 7 mai, l’OMS félicitait l’état pour l’efficacité de sa stratégie, omettant toutefois de dévoiler quels médicaments se trouvaient dans les « kits de traitement » mentionnés.

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Fig.14 - Nombre de cas de Covid détectés en Uttar Pradesh © https://www.covid19india.org/
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Fig.15 - Taux de positivité des tests en Uttar Pradesh © https://www.covid19india.org/
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Fig.16 - Nombre de décès rapportés en Uttar Pradesh © https://www.covid19india.org/

Les félicitations ne sont pas déplacées : l’épidémie a été rapidement jugulée en Uttar Pradesh (Fig.13 et 14) : dès le 15 mai, le taux de positivité des tests était descendu en-dessous de 5 %, puis en-dessous de 1 % depuis le 26 mai (Fig.15). Le nombre officiel de décès s’établit à 14294 en 2021, est est resté en dessous de 100 par jour depuis le 7 juin, dans cet état de 225 millions d’habitants (Fig.16). Les hôpitaux affichent des taux de disponibilité proches de 100 %.

Conclusion

Ainsi, en Inde, où le variant Delta est apparu, prenant tout le monde par surprise dans le pays, on a observé une rapide évolution de l’épidémie, puis un changement de politique sanitaire dans la plupart des états — avec notamment une adoption de l’ivermectine en traitement précoce, ou sa distribution intensifiée dans certains états, comme l’Uttar Pradesh, qui l’avaient déjà adoptée depuis plusieurs mois — suivie d’une décrue rapide de l’épidémie et de sa quasi disparition en quelques semaines. Et tout cela, avec une couverture vaccinale très modeste

Le variant Delta est-il la menace terrifiante décrite par les médias ? Justifie-t-il que l’on présente la vaccination massive de la population comme « la seule possibilité » d’y faire face ? Justifie-t-il que l’on dresse une partie de la population contre l’autre, en en convaincant une partie que l’autre la met en danger mortel, et que l’on présente comme envisageable d’avoir recours à des mesures de vaccination obligatoire pourtant illégales ?

On peut se poser la question.

De même qu’on peut continuer à se demander pourquoi les traitements préventifs disponibles, bon marché, scientifiquement validés et sans danger lorsqu’ils sont médicalement encadrés (vitamine D, ivermectine...) ne sont toujours pas officiellement recommandés, notamment aux personnes à risque et aux personnels soignants. Rappelons que selon les études cliniques publiées, la vitamine D, de même que les vaccins anti-Covid, réduit les risques d'évoluer vers une forme grave de Covid-19 sans empêcher d'être contaminé, ni de contaminer autrui. L'ivermectine en traitement préventif, en revanche, permet non seulement de réduire les risques de forme sévères, mais selon la fréquence des doses, réduit aussi le risque d'être porteur du virus, et par conséquent de le transmettre. L'étude de Carvallo et al. publiée dans le Journal of Biomedical Research and Clinical Investigation en novembre 2020 a ainsi observé que parmi 788 personnels soignants recevant une dose d'ivermectine par semaine, aucun n'avait été testé positif durant les 2 mois de l'étude (contre plus de la moité du groupe contrôle non traité).

[De nombreuses sources utilisées pour ce billet ont pu être localisées et consultées grâce à la chronologie de l'ivermectine dans la crise du Covid-19 tenue par Mika Turkia : Partie 1 (jusqu'au 31 mars 2021) et Partie 2 (jusqu'au 30 juin 2021).]

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