Lorsque l’on déclasse autant, de façon constante et sur une si longue durée près d’un million de personnels de la même catégorie, cela ne peut se faire facilement … sauf si l’on peut compter sur des « partenaires » qui vont faire en sorte de faciliter en quelque sorte la continuation de ce qui permet d’énormes économies pour l’Etat français, permettant aussi des revalorisations catégorielles …
I. PRESENTATION DE LA FGF-FO
« La Fédération Générale des Fonctionnaires Force Ouvrière (FGF-FO), rassemble et coordonne l'action des syndicats FORCE OUVRIÈRE de fonctionnaires et d'agents publics de l'Etat et de ses établissements publics, à l'exception de ceux de "La Poste" et de "France Télécom". »
« Ainsi, la FGF-FO a pour objet de regrouper toutes les organisations syndicales FO de fonctionnaires de l’État et de ses Établissements publics, afin de coordonner leurs actions. (…) La Fédération Générale des Fonctionnaires FO est composée de syndicats nationaux affiliés aux fédérations nationales suivantes :
Fédération de la défense, des industries de l’armement et secteurs assimilés (FEDIASA) ;
Fédération nationale de l’enseignement, de la culture et de la formation professionnelle (FNEC-FP) ;
Fédération de l’équipement, de l’environnement, des transports et des services (FEETS) ;
Fédération des finances ;
Fédération de syndicats du ministère de l’intérieur (FSMI) ;
Fédération de l’administration générale de l’État. (FAGE). »
Avec la FNEC-FP FO qui regroupe principalement toutes les branches enseignantes …
FGF est donc bien censée représenter/défendre aussi les intérêts des enseignants, une précision importante tant le doute sera permis au vu de la suite de cette publi.
II. « LA NOUVELLE TRIBUNE » FGF FO N° 443 (JUILLET 2025)
C’est le webzine de FGF, accompagné d’ailleurs de la vidéo (extraits) de la conférence de presse du 10 juin 2025 sur le thème « vivre dignement de son travail », le tout accessible ici :
https://lanouvelletribune.fo-fonctionnaires.fr/webzine-9/
1) Les enseignants, trop peu nombreux pour être mentionnés ?
Page 9, concernant le régime indemnitaire :
« Il s’agit des primes statutaires pérennes et non de primes ou d’indemnités spécifiques diverses comme les heures supplémentaires par exemple. Quasiment tous les corps et cadres d’emplois sont sous le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP). »
FGF est-il au courant que les enseignants ne perçoivent pas le RIFSEEP … ? Comme ils représentent près de la moitié des effectifs de la FPE – environ 1 million – il aurait été des plus logique de mentionner – et même souligner ! – le fait que les enseignants étaient exclus de ce RIFSEEP … !?
Manifestement, non.
2) Pertes en pouvoir d’achat = sous-indexation du point d’indice ?!
Page 15 (voir image 1) :

Agrandissement : Illustration 1

FGF part maintenant du principe que les pertes en pouvoir d’achat des fonctionnaires correspondent exclusivement à la sous/non revalorisation du point d’indice. En effet il est bien écrit « Ces chiffres confirment l’ampleur de la perte en pouvoir d’achat subie par les agents publics » en se référant aux pertes dues uniquement à la sous-indexation du point d’indice sur l’inflation depuis l’année 2000.
Cette façon de présenter les choses est évidemment hors sol à partir du moment où un régime indemnitaire (voire d’autres primes/indemnités) est pérenne – au moins la partie IFSE - et comptant donc nécessairement en terme de pouvoir d’achat. Y aurait-il une justification quelconque à vouloir nier cette évidence ?
3) Un exemple éloquent à plus d’un titre de «pertes en pouvoir d’achat » …
FGF prend alors trois exemples d’agents pour estimer leurs « pertes en pouvoir d’achat ». Dont un qui nous intéresse particulièrement et pour une raison très simple : l’ « attaché d’administration de l’Etat », car ayant quasiment la même grille indiciaire que les enseignants certifiés, et donc PE et PLP.
Ainsi pour l’attaché, les « pertes mensuelles liées à l’inflation non compensée depuis le 1er janvier 2000 » s’élèvent à « 1051,36 € » bruts. Rien que ça.
Pour la suite on se réfèrera aux grilles suivantes :
Image 2 : grilles indiciaires des attachés d’administration de l’Etat.

Agrandissement : Illustration 2

Image 3 : grille de l’attaché « de base » à la classe normale, dont la grille est celle des enseignants PE/certifié/PLP.

Agrandissement : Illustration 3

Image 4 : grille classe normale des enseignants.

Agrandissement : Illustration 4

Première remarque : à partir des images 3 et 4, on a bien confirmation des mêmes montants indiciaires bruts entre attaché et enseignant pour l’échelon 11.
Deuxième remarque : d’après l’image 1, les pertes brutes pour l’attaché sont évaluées à 1051,36 €. Or, d’après l’image 2, le montant de l’IFSE – la partie fixe du RIFSEEP – est actuellement de …. 1083,33 €.
C’est pour le moins ironique : le montant de l’IFSE permet de compenser plus encore les pertes dues à l’inflation. Et, en plus, c’est sans compter le CIA (1500 € annuels de base) …
Comment FGF peut-il alors parler de 1051,36 € de « pertes en pouvoir d’achat », quand en réalité le pouvoir d’achat des attachés aura donc augmenté sur la période considérée ?!
Pour les enseignants, et comme indiqué image 4, le montant brut des primes indemnités est de seulement 195 € …
Les enseignants auraient en réalité été un très bon exemple de pertes en pouvoir d’achat concernant leur salaire de base. Un si bel exemple que non seulement les vraies pertes auraient pu être estimées – elles l’avaient d’ailleurs déjà été par B. Schwengler, entre autres – mais qu’en plus elles auraient été les plus importantes, toutes catégories confondues, ou quasiment !
4) Hypothèse … paranoïaque ?
A partir du moment où FGF considérait que pertes en pouvoir d’achat = pertes uniquement liées à la sous-revalorisation du PI, il était alors logique de considérer que l’on pouvait prendre n’importe quel exemple de catégorie A pour illustrer les « pertes en pouvoir d’achat », comme les attachés comme exemple.
A l’inverse, s’il avait été question de prendre en compte – en toute logique ! - les primes indemnités pérennes – dont le RIFSEEP évidemment, on se demande quelle catégorie de personnels FGF-FO auraient été obligé de prendre comme exemple de pertes – réelles cette fois-ci – en pouvoir d’achat … !?
Ou comment, finalement, avoir trouvé le moyen de ne pas mentionner les personnels qui auront été les plus paupérisés de toute la FPE … ?!
Le petit problème de ce stratagème – il n’y a pas que l’Etat visiblement qui en use et en abuse – c’est que FGF-FO en arrive alors à une conclusion tellement paradoxale qu’elle en devient caricaturale : les attachés "ont perdu 1051,36 € », alors qu’ils auront en réalité gagné en pouvoir d’achat ... il fallait oser !!!
5) Il fallait oser ! (bis)
La page 17 (image 5) est pour le moins hallucinante : FGF produit les parts de primes/indemnités des trois versants de la FP, et avec les valeurs 2013 et 2022 pour montrer qu’elles avaient très peu augmenté.

Agrandissement : Illustration 5

Mais avec cette précision : « hors enseignants » … ?!
Alors évidemment les données, issues de la DGAFP, étaient probablement - pour certaines probablement – données telles quelles. Mais, non seulement les valeurs sont normalement toujours données pour l’ensemble, mais surtout elles sont disponibles pour les enseignants par exemple dans la publication RERS de la DEPP.
D‘ailleurs cette part était de 15,8 % pour l’ensemble des enseignants titulaires (public et privé) pour 2022, donc bien inférieure à la valeur moyenne de l’ensemble de la FPE (23,80 %). ET en précisant que dans cette part de primes sont incluses les heures et missions supplémentaires (HSE, HSA, pacte, IMP …) correspondant ainsi à du travail supplémentaire – donc non pérennes - contrairement à ce que représente entre autres le RIFSEEP.
Pourquoi ne pas avoir a minima précisé cette part de primes bien inférieure, surtout pour des personnels de catégorie A ? Pire, les enseignants ont donc été explicitement … exclus de cet indicateur.
Un excès de pudeur, sans doute …
6) Remarques
- d’après une collègue, l’enveloppe du CIA est répartie de façon … proportionnelle envers tous les attachés … sans aucune prise en compte d’éventuelles « performances ». Donc sans aucune pression hiérarchique ayant trait à une individualisation de la rémunération
.- Evidemment si on parlait des pertes en futures pensions, seul le traitement indiciaire (TI) serait à prendre en compte. Et avec une énorme différence par rapport aux salaires : les pertes correspondantes concernent TOUS les fonctionnaires. A propos FGF aurait pu s’attarder plutôt sur les estimations des pertes – en réalité dans les 12 % rien que sous Macron – mais il semble qu’il ne faille pas trop en faire une revendication … Etonnant ?
- Prendre la sous revalorisation du point comme base de calcul de la perte en pouvoir d’achat est en plus rigoureusement fallacieux : il y a eu par moments des rajouts de points d’indice – et des transferts primes/points- qui auront permis d’augmenter le TI, et donc en compensant – de façon aussi petite cela puisse être – les pertes indiciaires. Même si cela rend les estimations de pertes très compliquées et devant alors se faire au cas par cas, il aurait au moins fallu le préciser pour rendre les résultats interprétables.
- Il y a une controverse concernant le type de « déflateur » à prendre en compte pour les évolutions des salaires, et donc estimer les évolutions de pouvoir d’achat : en France c’est toujours le même IPC (indice des prix à la consommation) qui est pris en compte. Mais certains économistes font remarquer que l’IPCH (« H » pour « harmonisé ») serait plus pertinent, avec une prise en compte plus large des biens et services dans les estimations de l’inflation. Par exemple certains loyers ne sont pas pris en compte dans l’IPC utilisé, alors qu’il l’est dans l’IPCH.
Avec l’IPCH, les pertes en pouvoir d’achat serait plus importante. On peut d’ailleurs considérer en première estimation que si les salaires du privé ont depuis longtemps évolué au-delà de l’inflation, c’est parce qu’ils se seront ajusté plutôt sur cet IPCH …
- Les enseignants, les plus paupérisés de la FPE ? D’après le témoignage du conjoint d’une collègue de ce groupe, les inspecteurs des impôts auront subi des pertes comparables, ne touchant pas non plus et par exemple le RIFSEEP.
7) La GIPA et les 90 %
Page 21, FGF déplore ensuite la fin de la GIPA, en précisant qu’elle ne devait de toute façon pas remplacer la revalorisation du PI. Sauf que, d’abord, cette GIPA n’était plus adaptée à la revalorisation exclusivement sous forme de primes/indemnités, elle aurait donc surtout due être remplacée par un autre dispositif. Ensuite, et surtout, les syndicats de la FP – FO inclus évidemment – n’avaient rien fait pour empêcher la fin de cette GIPA sans contrepartie, en commençant par ne pas dénoncer les manipulations crasses d’un certain Kasbarian sur le sujet, surtout lors de sa présentation devant la commission des lois, pour justifier de sa suppression, voir :
En faisant remarquer que Kasbarian aura d’autant plus été dans l’impunité la plus totale, que pas non plus les politiques – de quelque bord que ce soit – n’auront émis la moindre contradiction lors de cette audition, pourtant truffée de grosses manipulations et ce malgré sa faible durée (moins de deux minutes).
De même FGF déplore l’alignement avec le privé pour les 90 % d’indemnisation. Et là encore, les syndicats majoritaires de la FP – dont FO – n’auront pas fait ce qu’il fallait faire : dénoncer les manipulations crasses du même Kasbarian, basées essentiellement sur un rapport arrangé – sur des éléments essentiels – par l’IGF/IGAS.
Voir, pour les deux éléments principaux :
8) Les revendications de FO
Dans ses revendications salariales (page 32), nulle mention d’une nécessaire revalorisation de la catégorie la plus paupérisée, celle des enseignants. Et ce sans surprise puisque n’ayant jamais abordé jamais leur cas. Mais aussi en toute cohérence : en partant donc du principe, comme on l’a vu, que seul l’indiciaire est important en terme de pouvoir d’achat, on exclut d’emblée toutes les discriminations catégorielles – aussi énormes soient-elles – de compensation de l’inflation par primes/indemnités.
On ne s’étonnera donc pas que la revendication principale est ces fameux 10 % d’augmentation du PI, comme si tous les agents publics étaient plus ou moins au même niveau de primes, donc au même niveau de pertes en pouvoir d’achat.
Ainsi pour FGF, deux personnels ayant le même TI, mais des indemnités radicalement différentes, à l’instar des attachés et des enseignants – seront considérés comme ayant le même pouvoir d’achat.
Est-ce bien sérieux ?
III. « INFO MILITANTE » DU 13 JUIN 2025
Un article intitulé « Attractivité de la Fonction publique, les militants détaillent l’étendue des dégâts » et s’inspirant du précédent congrès de FGF FO :
https://www.force-ouvriere.fr/attractivite-de-la-fonction-publique-les-militants-detaillent-l
Concernant ce qui nous intéresse, les salaires, la majeure partie des corps de métiers sont abordés, donc notamment celui d’enseignant : pas de mention de leurs salaires, et encore moins d’un quelconque déclassement salarial, la « baisse d’attractivité » étant donné – via des représentants du SNFOLC et FNEC FP – par la baisse du nombre de candidats et des fermetures de classes.
En fait, le long de cet article on a plusieurs fois une référence à la revendication d’intégrer les primes dans les salaires, et avec implicitement l’assimilation des pertes en pouvoir d’achat à la sous revalorisation du point d’indice. Comme si le « vrai » pouvoir d’achat – celui incluant alors le TI + primes/indemnités – n’était finalement pas un souci en général.
Et avec toujours aucune mention du sacrifice salarial des enseignants qui n’aura donc pas été là non plus évoqué.
IV. CONCLUSION
Malgré le nombre important des enseignants dans la FPE – près de la moitié - FGF ne met jamais au jour leur déclassement salarial qui est pourtant criant, surtout lorsqu’on les compare par exemple avec les attachés d’administration qui auront justement été pris en exemple. Les enseignants auront en fait été invisibilisés dans la première publication, le meilleur moyen pour ne pas avoir à aborder le problème d’un si faible taux de primes au regard de la moyenne dans la FPE.
Ou comment mettre sous le tapis un scandale dont la mise au jour ferait de la lutte contre le déclassement salarial des enseignants la nécessaire priorité d’un syndicat censé défendre réellement ses personnels.
Il est donc plus simple pour FO – via FGF – de ne raisonner finalement exclusivement qu’à partir de la valeur du point d’indice, permettant ainsi de ne pas avoir à dénoncer la discrimination inadmissible des personnels volontairement déclassés salarialement, dont le non octroi du RIFSEEP en est la plus belle preuve.
Ce syndicat aurait beau jeu de rétorquer que cela serait compliqué de prendre en compte les différents niveaux de RIFSEEP/autres primes indemnités pour comparer les vraies pertes en pouvoir d’achat : cela ne tient pas, et par exemple d’autres organismes prennent la peine de le faire, par exemple ici pour les seuls collectivités :
https://www.adelyce.fr/blog/rifseep-prometteur-mais-encore-insuffisamment-apprehende
Comment ne pas penser qu’il y a avant tout volonté de ne pas avoir à reconnaitre la discrimination inadmissible infligée à près d’un million de personnels de la FPE ?!
Alors évidemment il y a d’autres problèmes, dont les 3DS mentionnés dans la deuxième publication, accompagnés par le « new public management » qui permettent en réalité de mettre de plus en plus à terre les services publics. En fait les effets de la néolibération de la France qui passe par la rationalisation – et le sabotage – des services publics. Mais le déclassement salarial des enseignants – différentiellement aux autres catégories (la majorité) - a commencé depuis plus de 30 ans, avec accélération sous Sarkozy puis, et jamais cela n’aura été une priorité de lutte malgré le scandale que cela représente. Les deux publications – surtout la première – n’ont fait que démontrer, par l’invisibilisation faite des enseignants – donc de leur déclassement salarial – que cela ne saurait changer, d’autant plus maintenant où les pressions sur les fonctionnaires en général sont de plus en plus importantes.
Remarques :
1) Un autre syndicat – le SNES – a choisi une autre stratégie : maintenir ses syndiqués dans l’ignorance de l’existence de ce RIFSEEP qui aura donc permis de compenser tout ou bonne partie de l’inflation. Ainsi dans ses publications il n’est jamais mention de cette RIFSEEP, laissant à penser que les enseignants subiraient le même traitement que les autres fonctionnaires, ce qui est complètement contraire de la réalité.
Voir la publi révélatrice suivante :
2) Aux enseignants on peut au moins rajouter les CPE – d’autres ? – qui subissent le même sort que les enseignants, sans pouvoir toucher d’ailleurs de HSA.
3) Evidemment, merci aux contradicteurs éventuels d’exprimer leurs désaccords éventuels de façon sensée et surtout argumentée. Cela changera de l’habitude, même s’il semble que récemment il y ait une petite prise de conscience qu’il y a un petit problème avec les syndicats majoritaires … au vu peut-être du silence assourdissant et inexplicable de ces syndicats dont FO/SNES … concernant les gonflements des dépenses d’Education ?!
4) En « bonus », image 6 : représentation graphique des grilles salariales » de base » brute des attachés de l’administration de l’Etat (TI CN + IFSE + 125 € de CIA) et des enseignants CN (TI + primes Grenelles + ISOE/ISAE (+prime info mensualisée)) en fonction de l'ancienneté.

Agrandissement : Illustration 6
