– Végétal sur le ciel - fort de triangles !

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Plus que l’emblème du vert sapin à la sortie du merveilleux tunnel Art nouveau, le cabossé de cette tôle peut paraître évocateur. C’est aussi un tremblement pour l’environnement.
Avec ce reportage visuel sur un lieu où mes racines plongent encore, arrive vite une illustration du présupposé titre ; pas encore de ‘la malédiction’. Mais en parcourant le large versant nord au sommet de la Ville : rue des Combes, de la Montagne, Bois-noir, etc., c’est-à-dire à la lisière des belles villas à jardins, hélas c’est une confirmation. Je vois et constate que ce sont notamment les sapins (et quelques rares marronniers amoureusement entretenus à cette altitude-là) qui y sont et seront les victimes à court et moyen terme ! Presque à chaque possibilité de haute violence des vents en « tempête », c’est la belle allure altière des conifères qui a été abattue, renversée. Ici ou là, des exceptions étonnantes ; nonobstant, dans le meilleur des cas, les conifères furent déplumés, mutilés de leurs cimes, de leurs branches…

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Précédemment (suite-1), nous avions évoqué l’élan superbe du séquoia de la cité celui qui avait résisté à la blessure de la foudre) dans le regard de jeunes. Voire la volonté psychologique affichée par les autorités : « Sauver un maximum d’arbres en ville est une priorité ».
Lien aux précédents billets (à l’événement) :
https://blogs.mediapart.fr/etienne-trouvers/blog/010823/malediction-du-vert-sapin
(suite 1) :
https://blogs.mediapart.fr/etienne-trouvers/blog/310823/malediction-du-vert-sapin
(suite 2) :
https://blogs.mediapart.fr/etienne-trouvers/blog/280923/malediction-du-vert-sapin
Vers le « musée international de l’horlogerie », la grandeur des végétaux procurait de l’espace : une forme de silence et de rêve qui était un des agréments dont on jouissait depuis le « musée des beaux-arts de la Tchaux ». Côté : MIH - MBAC & MHV, le parc en interaction paraît être devenu la triste inversion d’une harmonie culturelle et naturelle... — Et bien plus à l’image de ces acronymes de communication. Temps – Culture – Durabilité historique, rappel à ce lieu commun : la nature a horreur des vides amorphes !
Espace encore bucolique ou à l’anglaise (auparavant vu du train), on pouvait y lire un effort neuchâtelois « musée d’histoire de la ville », d’interdépendances végétales avec la nature – peut-être comme une affirmation affable, voire possible ? Car plutôt qu’un espace « courtois » il s’agissait d’un lieu préservé : retiré dans le hors-poussière. C’est-à-dire avec pelouses nettes, concrètes, pragmatiques, comme d’aiguillage végétal... « L’esprit d’ici », esprit à degrés ou ‘bosselé’ (par la configuration du lieu) est bien évoqué par le sketch de Vincent Kohler, humoriste. Ce musée d’Histoire-ci étant ballet à plumes d’autruche suisse (!) et cloche de rappel décalée ; car se faisant fort dans l’élan d’abstraction autorisé par l’époque, de digérer, d’escamoter le désir concret d’antan et le réel parfois troublant, démodé, d’objets témoins... pour un second désir ! Par exemple, confer l’autorité hâtive de la visite dite ‘décalée’ (vidéo : extrait de 1’30) lien 2, ci-dessous
Mais passons sur ces courbes et contre-courbes ‘hautes’ et revenons au sort du végétal culturel. Conifères et absence, ce « parc des musées » (bas de l’ill.2) était bien là – vu l’état présent – pour rêver d’une temporalité fonctionnelle complexe. Ah conservation par des générations d’entretien jardinier ! Comment maintenant – et après – s’y retrouver ? — Fasse que nos larmes aux yeux y soient fécondes !
– Se redéfinir sur une atteinte ? D’abord, de la juste lenteur :
L’impératif bien compris de la Ville et des « bois alentours » (Forêt du Canton de Neuchâtel) fut d’abord que tout soit bien sécure. Avec les nuances de la psychiatrie à la clé pour « les victimes de la violente tempête ». Donc plus que par le maintien et le vide, il convient de refonder des espaces sans accidents ni pillages possibles... Or disons aussi avec un peu d’humour que nous sommes encore à présent dans le genre abstraction. Mais juste... car d’Assurances multirisques.

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En Suisse (Croix blanche s/rouge !), c’est même l’esthétique à bande rouge et blanche qui va peut-être paraître naturelle ? – Voire dans l’emblématique vraie pour l’assurance...
Donc à La Chaux-de-Fonds, après le sinistre à 217 km/h et 5 minutes, il n’y aura pas de traditionnel « Feu du 1eraoût 2023 ». – Dommage !? Or depuis 1291, rappel de la conjuration fondamentale des quatre cantons contre une gouvernance tyrannique, manifestement étrangère par le vécu, les suisses se regroupent autour de ce signe : le feu de ralliement et d’énergie maîtrisée pour se compter et se sentir moins seuls. Le comptage des feux au loin rendait chacun assesseur... Peut-être première formule à distance d’un vote citoyen (souvent feux à majorité de bois de sapin) ?

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La cité horlogère vue depuis le haut du « chemin des romains », résultat d’un couloir de vent en « tempête »... avec le vécu des ancêtres ; végétaux tronçonnés ou assainis pour l’avenir ? A ouï-dire, rien de plus à déplorer ; pas d’autre victime à ce stade de prise en charge. Si ce n’est un fait dans la pensée d’aujourd’hui : le beau « Sapin » lui-même ? – Est-ce là que la malédiction du vert sapin se poursuivrait ?

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Certes on parle de sécheresse et de vent fou l’espace d’une ‘rafale’. Or le génie de ce végétal des montagnes est de savoir faire reposer avec souplesse et ténacité une branche sur une autre branche verte, même en cas d’enneigements pesant. Lors d’une poussée de haut en bas, quelle architecture, quel élan sans se briser ! Les conifères sont donc parfaitement adaptés au lieu, au milieu, toujours verts ils tiennent et résistent relativement bien au stress hydrique ! — Mais...

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Des racines de soutien presque sans terre ni reproche ? — Bien plus, une pépite rocheuse de calcaire : « Tout ce qu’il y a ce sont des modulations : le mental/le corps/l’univers ; – tout ce qu’il y a, c’est l’être et ses modulations. — Oh ! c’est un arbre ? C’est un univers, c’est un rocher, ce sont juste des modulations de l’être et de ses possibilités. » (Sage de Bharath)
On dit et répète aujourd’hui dans la sidération : — « si la situation est sous contrôle, la survie de ces conifères n’est pas assurée à long terme à cause du réchauffement climatique. » N’est-ce pas un lieu commun qu’il convient de mieux interroger ? (Cf. annexe suite-3).
– La question du sapin ? Vue en interdépendance esthétique :
Pour répondre à cet argument climatique, répliquer au consensus largement partagé dans la presse : Sapin-non-grata à la Tchaux, voyons aussi un exemple originel. Celui de l’existence-alliance avec les principes évidents du Sapin. A l’époque de l’Art nouveau international, les esprits éclairés repensent aussi la mode, le style, le ‘développement durable’ par une vaste culture, réitération par des actes authentiques selon la Nature... En l’occurrence, une architecture prototype, ledit « style Sapin », variante du Jugendstil, s’est développé à la Chaux-de-Fonds au début du XXe siècle. Et au bas du mont Pouillerel, par exemple, vont se bâtir, dans les années 1902-1910, des villas arborées... bien en osmose avec la forêt.

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Et force sera alors de faire descendre de la montagne et des bois : -formes incarnées en architectures et dans la vie quotidienne nouvelle : -décors, -ornementations et même -petits sapins -fougères... par des plantations en jardins, jusqu’au cœur de la Ville. Confer en arts décoratifs l’esthétique du sapin ou la stylisation de la fougère, (par exemple chez Henriette Grandjean-Bourquin, dessinatrice en arts décoratifs, l'une des principales têtes chercheuses en ce lieu, née dans ce canton, et personnage charismatique). La notion abstraite de séparation fonctionnelle entre la forêt et la Cité (promulguée internationalement en 1922-25, cf. plan Voisin pour l’urbanisme par Charles-Edouard Jeanneret /Le Corbusier) est impensable à cette époque où la notion même de banlieue n’existe pas ; surtout dans cette ville orthonormée faisant alterner, en séquences répétitives : bâtisses, jardins, rues.
Dans les cas de la villa L’Eplattenier (1902), de la villa Grandjean (1906), de la villa Fallet (1906-1910), etc., certes ce sont essentiellement des arbres à découvert qui ont été meurtris ou déracinés. Si l’on prend l’exemple du 'jardin de la villa Fallet', assurément il avait une fonction esthétique d’accompagnement, il entrait en harmonie avec le programme décoratif : chalet de bois à l’intérieur (cf. Ouverture publique du 24 septembre 2023) lien 3
La ville ayant acquis le lieu pour la mise en valeur de ce patrimoine (car lié à Jeanneret-Le Corbu) auquel elle voue un culte exclusif, a cru bien faire d’aérer la densité de son bouquet végétal. Or les épicéas et autres conifères, comme les pingouins sur la banquise, ont une force de résistance aux vents violents latéraux s’ils sont groupés. Mais... ‘malédiction’ voici le résultat :

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D’un chalet bien ornemental à la carte postale d’une Villa ! La politique théorique : « un arbre planté pour tout arbre coupé » sera-t-elle appliquée par l’association de la Villa Fallet, celle-ci étant maintenant bien dégagée sur un terrain pentu ? (Cf. association « Des arbre pour rêver demain ») lien 4
Certes les feuillus – avec peu de casse en cette saison – ont mieux pris le vent-tempête en raison de racines plus profondes. Mais attention de ne pas confondre le Style sapin ‘époque Jeanneret’ et l’esprit du purisme inhumain, fonctionnel, de l’urbaniste qu’il est devenu par la suite (« Pourquoi je déteste Le Corbusier » – Idr. Aberkane cf. vidéo). lien 5 Il me semble que ce serait une erreur de témoignage historique : d’état mental, d’anachronisme puis... de désamour, etc. !
La diversité d’âge des conifères après la construction de 1906 constituait un milieu (mais aussi un privilège pour la faune !). Il a fait place à un grand nombre de souches coupées et de billes de bois qui fleurent bon la résine... de ‘térébenthine’.

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Disposées pour l’exploitation forestière moderne dans un alignement rationnel, ces billes de bois vouées à une autre vie, celle des métamorphoses et des transformations industrielles, paraissent presque encore vivantes : tatoués de nominations... Mais elles sont bien une sur-présence du vide ! Elles nous interrogent, peut-être, telles ces images comparatives ?

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– Triste ? Lugubre ? Je pense aussi à Léo Ferré : – « Chaque fois qu'on coupe un arbre, j'ai mal à la jambe. » (citation de mémoire). Voici l’illustration, avant (sur un ciel hivernal, suite à une première coupe voisine, avant la neige), et après (à l’approche d’un grain de fin d’été) de mon arbre de Noël (évoqué dans mon post au 1er août, en lien). Là aussi, c’est révélateur... Mais dès lors, image demandée pour cette publication, il me revient le mystère profond de ce long vécu hospitalier : ce poids nouveau d’une absence optique, cette esthétique du plein (antécédent) et du vide ouvert, mais aussi cette expression humaine et compatissante : – « Nous avons dû nourrir les oiseaux comme en hiver... Ils étaient devenus comme des SDF angoissés ! – Des trois écureuils il ne doit rester que le noir, mais il a dû remonter bien plus haut dans la forêt pour survivre. »
Mais par chance pour les maisons environnantes, il est tombé, le 'sapin de Noël de mes 7 ans', mais sans malédiction dernière ; tel qu’il serait tombé sous la hache des bûcherons. Or, bon point pour un noble feuillu « arbre remarquable », intéressant :

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Demeure le haut tilleul de plus de 120 ans, dit « Général Wille ». Étonnamment, sa grandeur dressée sur terrain haut a tenu, « Le jour où le ciel est tombé sur La Chaux-de-Fonds » ! (Cf. ce superbe titre, très bien illustré - Le Temps du mardi 25 juillet 2023) ; ce, à quelques branches près. Maintenant, va-t-il encore pouvoir s’étoffer entre les pavillons du directeur et du contremaître de l’ancienne maison Breitling (chronomètres) ?
– L’œil du bois au naturel ou le fantastique d’un sortilège ?
Notre introduction illustrée a montré le caractère exceptionnel de l’événement : en 50 ans on n’avait jamais vu ça. Après l’inouï, il m’a semblé juste de rappeler que la forêt et ses voies de clairières à vif, n’ont pas seulement à voir avec le « naturel » mais aussi avec le « culturel », et que les sapins jouèrent un rôle en tant qu’élément primordial d’inspiration dans l’élaboration des formes nouvelles au début du XXe siècle. – Évocation ? (lien 3 & 5)
Remarquons déjà qu’il est plus ou moins licite de capter l’image d’un arbre brisé en témoignage – intelligence végétale ou pas – mais qu’il serait fort mal venu de capter et publier l’image d’êtres humains écorchés à mort dans le péril manifeste d’une catastrophe...
Cette fois-ci encore laissons notre rêverie et nos questionnements suspendus à une épiphanie fantastique. Car nous sommes toujours en quête d’informations complémentaires.
Dans la suite-3 nous tenterons par suggestion visuelle d’aller plus loin dans l’interrogation : licite superstition, pur hasard de la nature imprévisible, drame lié aux changements climatiques, révoltes écologiques et, qui sait, possible manipulation artificielle du climat.

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liens :
1- Charte des jardins – énergie, environnement - ch
https://www.energie-environnement.ch/maison/jardin/charte-des-jardins
2- Vincent Kohler (vidéo de 1 :30)
3- Ouverture publique du 24 septembre 2023, cf. intérieur en bois de sapin
4- Idriss J. Aberkane - Pourquoi je déteste Le Corbusier (à 3 : 59)
https://www.youtube.com/watch?v=atb2n5QclSw
Le Corbusier vu par René Guénon : "Les Hommes (modernes) sont réduits à de simples 'unités' numériques, on veut les loger, nous ne dirons pas dans des maisons, car ce mot même serait impropre, mais dans des 'ruches' dont les compartiments seront tous tracés sur le même modèle, et meublés avec ces objets fabriqués 'en série', de façon à faire disparaître, du milieu où ils vivront, toute différence qualitative ; il suffit d'examiner les projets de certains architectes contemporains qui qualifient eux-mêmes ces demeures de 'MACHINES à habiter' pour voir que nous n’exagérons rien ; que sont devenus en tout cela l'art et la science traditionnels des anciens constructeurs, et les règles rituelles présidant à l'établissement des cités et des édifices dans les civilisations normales ?"
5- Cf. aussi l’Association : « Des arbre pour rêver demain » https://desarbrespourreverdemain.com/
Lien au billet suivant
(suite 3) :
https://blogs.mediapart.fr/etienne-trouvers/blog/280923/malediction-du-vert-sapin
Lien aux précédents billets
(suite 1) :
https://blogs.mediapart.fr/etienne-trouvers/blog/310823/malediction-du-vert-sapin
(à l’événement) :
https://blogs.mediapart.fr/etienne-trouvers/blog/010823/malediction-du-vert-sapin