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Cher Monsieur Bern,
Admirateur de votre travail de sensibilisation et d’éveil au patrimoine, permettez-moi d'attirer votre attention sur une situation préoccupante. Elle concerne le domaine des restaurations de tableaux et de sculptures, dont l’approche, dite « esthétique », n’est plus purement conservatoire.
En 1985, dans l’une de ses conférences à l’Université Catholique du Sacré-Cœur de Milan, l’historien Federico Zeri rappelait qu’un « restaurateur peut faire plus de dégâts qu’un bombardement », précisant : « Les éclats de bombes peuvent mutiler un tableau (ou le détruire complètement), mais la lecture du style reste possible, même avec un seul fragment intact. Le restaurateur, lui, écorche le tableau, et ainsi, la couche de surface venant à manquer, l'analyse et l'interprétation formelles sont impossibles. »
C’est malheureusement ce qui s’est produit l’an dernier avec La Liberté guidant le peuple : la couleur de la robe de la Liberté est autre. Les glacis de laque jaune ont en effet été enlevés, ce qui a eu pour effet de dégager la grisaille peinte en sous-couche par Delacroix. Signalés dans un rapport du C2RMF de 1982, ces glacis de laque jaune, posés en dernier par le peintre, ont-ils été confondus avec la patine et les vernis ? – Toujours est-il que la robe, initialement jaune, est devenue blanchâtre, comme lessivée…
S’il s’agit de l’exemple le plus visible, ce n’est malheureusement pas un cas isolé : le phénomène avait déjà touché les grands Delacroix situés à proximité, au point de conduire le peintre Rémy Aron, président de la Maison des Artistes (MdA), à demander un moratoire :
https://www.lamaisondesartistes.fr/site/appel-aux-artistes-pour-un-moratoire-immediat/
Lancé en février 2024 pour tenter d’enrayer l’intervention relative à La Liberté guidant le peuple, ce moratoire, soutenu par une centaine d’artistes (dit : « Appel des 115 ») , n’a inopportunément pas eu d’échos ; avec les JO2024, La Liberté guidant le peuple est définitivement perdue, dévalorisée esthétiquement...
– Car, si les repeints ajoutés par les restaurateurs sont certes réversibles, l’enlèvement des glacis, lui, ne l’est pas !
Or, les glacis constituent « la couche de surface », pour reprendre l’expression de Zeri. Cette couche est située immédiatement sous le vernis final, et peut même se trouver sur du vernis à retoucher. C’est précisément le cas chez Delacroix qui, conscient du risque posé par de potentielles opérations de dévernissage, rêvait d’un vernis final impossible à enlever.
S’il est trop tard pour La Liberté guidant le peuple, il est encore temps pour L'Enterrement à Ornans de Courbet au musée d’Orsay, dont nous pouvons craindre que l’œuvre subisse un sort similaire. Car tout comme Delacroix, Courbet fut en effet victime d’opérations de dévernissage dévastateur avec L’Atelier du peintre (après avoir subi des ‘survernissages’ intempestifs au milieu des années 1980).
Il est évidemment paradoxal d’arriver à l’effet inverse de celui recherché, mais nous tenons à souligner que toutes les restaurations n’altèrent pas irrémédiablement l’harmonie. Certaines paraissent réussies. Cela a notamment été le cas de La Visitation de la Vierge de Jouvenet, l’un des Mays de Notre-Dame, tableau aux dimensions imposantes trônant désormais à la sortie de la cathédrale, surplombant la boutique en rotonde.
Jouvenet n’a cependant pas la notoriété de Delacroix, et ce sont finalement les têtes d’affiche qui sont les plus menacées par ces restaurations dites « esthétiques » ou « en profondeur », alors que les peintres jugés secondaires restent moins exposés au risque. Paradoxalement, moins un peintre intéresse une histoire de l’art avide d’iconographie et de lisibilité, plus la visibilité sera préservée ou alors attendra vainement une restauration (comme les deux grandes toiles de Guillemot et Abel de Pujol qui se trouvaient dans la chapelle axiale de Notre-Dame avant d’être décrochés par Viollet-le-Duc : victimes d’un très mauvais état de conservation, actuellement elles seraient conservées roulées au château de Champs-sur-Marne).
Devenus ‘icônes’ emblématiques, Delacroix ou Courbet constituent ainsi des cibles privilégiées tandis que La Visitation de la Vierge de Jouvenet ou le Philoctète de Lethière - récemment sortis des réserves du Louvre -, n’ont pas vu leur harmonie altérée, bénéficiant d’un bichonnage tout à fait suffisant.
– Il nous manque une voix telle que la vôtre pour alerter l’opinion, témoignage pédagogique pour le futur !
Il y a urgence à appliquer le principe de précaution. Si nous avons échoué avec La Liberté guidant le peuple – le changement de couleur de la robe nous ayant malheureusement donné raison –, il est encore temps pour L'Enterrement à Ornans.
Aussi avons-nous l’honneur de solliciter un entretien pour mieux vous présenter ces problèmes qui, j’en suis convaincu, pourraient être résolus par votre aide. Le rayonnement culturel de la France en sortirait grandi, puisque nous avons abandonné l’approche d’une restauration mesurée, approche dite « nuancée d’allègement des vernis » qui nous était propre, pour une mode venue d’outre Atlantique. Survenue il y a un siècle, celle-ci fut notamment dénoncée par René Huyghe lorsqu’il se trouvait au département des peintures du Louvre, décrivant à l’occasion de l’exposition Delacroix de 1930 une Mise au tombeau provenant de Boston, « récurée, luisante comme une toile cirée ».
Par ailleurs, co-fondateur en 1992 avec Jean Bazaine de l’Association pour le Respect de l’Intégrité du Patrimoine Artistique (l’ARIPA), association ayant bénéficié d’un comité de soutien très large comprenant aussi bien François Mathey, Georges Duby que Balthus ou Paul Ricœur (Cf. premier dossier de presse de l'ARIPA), dès lors, il est juste que nous vous interpellions aujourd’hui. Car, toujours dans le tourment d’une absurdité mal voyante ou à la canne blanche, je ne puis faire autrement qu’informer régulièrement, en l’occurrence sur mon blog, des dernières interventions, plus que problématiques : Le Gilles de Watteau, La liberté guidant le peuple et Les Esclaves rebelles de Michel-Ange, etc., chefs-d’œuvre évoqués par mes articles. Et actuellement, Isabelle Garnier-Sagne tente de plus en plus de sensibiliser sur LinkedIn ; Jean-Marc Idir complète en peintre-érudit ; il en va de même avec le Cern-CFC par son appui scientifique et interdisciplinaire, voire aussi la commission ad hoc de la MdA. Votre médiation et la résonnance de votre engagement pour le Patrimoine pourraient être le porte-voix de cet enjeu de société.
Espérant vous rencontrer prochainement, nous vous prions d'agréer, cher Monsieur Bern, l'expression de notre très sincère considération.
+l'ARIPA+
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Annexes et illustrations actuelles possibles :
Voici un témoin du plus ancien état, relevé à l’aquarelle datant de 1789 :

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– La présentation des Mays avant Viollet-le-Duc pour avoir une idée de l’éclairage, tout à l’opposé, ainsi, de La polychromie de Notre-Dame de Paris pour demain :
– « Les Restaurateurs aiment bien lorsque l’on change vraiment ce que l’on voit » […] « La patine, ça n’existe pas ».
– « On est au mural, ça n’a rien à voir avec la peinture » !
Dès lors
– en résulte un disruptif de l’harmonie clair-obscur, du dialogue de la lumière et des ténèbres nécessaire à la luminance et à la couleur.
Cf. https://centrefrancaisdelacouleur.fr
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Merci d'ouvrir les liens ci-dessous ; confer les éléments déjà publiés à Mediapart (1- 2) ; et post complémentaires, confer brèves les résumés à Linkedin (3) :
1- lien générique à mon travail de sensibilisation :
https://blogs.mediapart.fr/etienne-trouvers/blog
2- élément fondamental sur les manipulations de La couleur des Noces de Cana :
https://blogs.mediapart.fr/etienne-trouvers/blog/100225/sabordage-culturel-au-musee
2bis une part cocasse du sujet Watteau :
https://blogs.mediapart.fr/etienne-trouvers/blog/050225/version-viol-du-patrimoine
3- à Linkedin - Patrick Callet, président du CFC :
https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7307077285101092864/
3bis - à la Maison des Artistes (MdA), Cf. demande de moratoire à propos de La Liberté guidant le peuple
https://www.lamaisondesartistes.fr/site/les-commissions/restauration-des-oeuvres-du-patrimoine/
3ter - au Linkedin d'Isabelle Garnier, peintre et ingénieure :
4- Version officielle, M’O : les photos officielles produites sont en l’occurrence foncées (?!?), peut-être pour convaincre subjectivement d’une nécessité d’intervention (ainsi qu’il en a été avec les Delacroix, etc. – Or, scientifiquement, c’est pour le moins ‘fourberie’ ? ; un état numérique présenté sans mire de référence, sans cadre doré permettant une juste opinion :
5- Politiquement intéressant, Musée de la Résistance, l’Etre Jean Moulin → billet symboliquement important, par-delà les questions esthétiques donc :
https://blogs.mediapart.fr/etienne-trouvers/blog/110325/liberte-resistance-oui-certes-1
6- Travail de recherche et de publication produit par l’Aripa-Nuances à l’époque où Isabelle Garnier était secrétaire :
https://www.aripa-revue-nuances.org/
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Actualité vive au musée d’Orsay, une causes présente documentée :
Vision ‘figurative’ cachant une possible entreprise plus qu’interventionniste (?) sur un tableau Réaliste et emblématique évoqué ainsi par André Malraux : « Femmes noires [...] long cortège d’ombres défigurées » c’est-à-dire l’Enterrement à Ornans de Gustave Courbet :

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« L'homme sage apprend de ses erreurs, l’homme – ou la femme – plus sage encore, apprend des erreurs des autres »
Cf. version d’analyse visuelle essai d'observation :
https://www.etienne-trouvers.com/blog/l-atelier-du-peintre-du-m-o-4-4-f.html

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- La signature en ‘rouge sur noir’ de G. Courbet fut usée ... Peut-être à l’image de l’ensemble de L’Atelier du Peintre !? – C’est un fait ‘chuchoté’ au M’O !
– Or, n’ayant pas eu accès au rapport final demandé, aucune critique ne fut, semble-t-il, possible (!!?)

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- La résultante en 2016 de ce ‘sur-vernissage criminel’, le budget prévisionnel pour ladite ‘Restauration' de l’Atelier du peintre de Courbet était à hauteur de 600 000 €. Présentement, pour L’Enterrement, se pourrait-il qu’un ‘mécénat’ étranger soit à la manœuvre ? La Bank of America est nommée sur le site du M’O
-Point de vue esthétique ou perception artistique dite du ‘Sens de la peinture’ :
– L’Atelier, la grande œuvre de Courbet paraît irrémédiablement dévalorisée ; donc une forme de ‘vrai faux du jour’ ? – Or le type d’examen visuel numérique proposé (cf. le lien ci-dessus), n’a pu être mené en guise de vérification objective – avec système expert (piste possible au temps présent et futur, bientôt avec l’IA).
– Questionnement pour savoir si la subjectivité dite ‘scientifique’ est bonne ou malheureusement hors d’une vraie transparence offerte au public des visiteurs d’aujourd’hui.
– C’est la question d’une politique du patrimoine pour demain ou pour les regardeurs, qui paraît être exclusivement gérée par commission spécialisée... sur les conseils d’un C2RMF, comme couvert par une infaillible matérialité au domaine de l’Art !? – Une situation Juge et Partie, donc !?

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– L'Enterrement à Ornans de Gustave Courbet – Vu et réglé ainsi, sur place, par E.T. le 17 octobre 2024, avant l’aventure !..