Un déficit public à plus de 6% en 2024...

Là aussi, "le navire ne changera pas de cap". Laurent Saint Martin et Antoine Armand défendent, le 25 septembre, devant les députés de la Commission des Finances, la politique économique menée depuis 2017. "La politique de l'offre a démontré son efficacité", déclare Laurent Saint Martin. Les deux ministres vantent l'attractivité de la France pour les investissements étrangers et la baisse du chômage.
En même temps, ils sont obligés de décrire une situation budgétaire catastrophique. Selon L Saint Martin, le déficit public ne sera pas de 5.1% du PIB en 2024 comme le gouvernement précédent l'avait prévu initialement. Il ne sera pas de 5.6 % comme Bruno Le Maire l'avait annoncé avant la dissolution. Selon le ministre du budget, le déficit public devrait être supérieur à 6% du PIB, soit le double de ce qui est admis pour la zone Euro. Le gouvernement devra proposer un plan de stabilisation à l'Union européenne pour le ramener à 3% en 2027.
Ce déficit alimente un endettement qui est en hausse constante. Les intérêts de la dette vont dépasser 50 Mds en 2024, signale A Armand. Pour 2025 on pourrait atteindre 60 Mds, soit autant que le budget de l'Education nationale.
Mais pas de changement de politique économique
Laurent Saint Martin est venu pour annoncer comment le gouvernement compte faire face à cette situation en 2024 et en 2025. " Puisque notre situation actuelle est due à une hausse de la dépense publique, alors ce sont les dépenses publiques qu'il faut d'abord baisser aujourd'hui, tout en veillant à leur efficience", déclare L Saint Martin. L'augmentation de certains impôts reste possible mais de façon secondaire. "Des contributions ciblées pourront avoir lieu" estime L Saint Martin. A Armand déclare qu'il ne "veut pas être le ministre de la confiscation fiscale" même s'il "ne faut pas s'interdire de réfléchir à des prélèvements ciblés sur les entreprises et les Français". Mais il est clair que pour le gouvernement la pression fiscale ne doit pas augmenter, notamment sur les entreprises. Les deux ministres, tous deux macronistes, défendent la politique économique suivie depuis 2017. Pour eux ce n'est pas elle qui a conduit à l'impasse budgétaire mais "les gouvernements depuis 50 ans".
Le gouvernement va s'engager résolument vers des coupes budgétaires et une réduction du budget des collectivités territoriales. Selon A Armand, l'objectif est "un effort sur les dépenses publiques" avec un objectif d'une centaine de milliards.
Au moins un milliard annulé au budget de l'Education pour 2024
Les deux ministres n'ont pas fixé de chiffres pour le budget 2024. A l'annulation de 10 milliards de dépenses, dont 700 millions pour l'Education nationale, en février 2024, a succédé un nouveau gel de 16 milliards juste avant la dissolution. On ne sait pas encore si la totalité de ces dépenses seront annulées ou "seulement" la moitié. Par rapport au budget 2024 adopté par l'Assemblée, ce sont au moins 16 milliards, peut-être 18 , voire 26 qui seront annulés.
Pour l'Education nationale, cela veut dire qu'après l'annulation de 700 millions en février, dont 500 millions de salaire (de quoi financer plus de 10 000 emplois), va succéder au minimum 300 millions de nouvelle annulation. Peut-être le double. Or il n'y a pas de grand projet ou d'investissement équivalent qu'on puisse annuler au budget de l'Education nationale. La plus grosse partie ou la totalité de cette somme sera prélevée sur les dépenses de salaire. Cela va se traduire sur le terrain par moins d'adultes devant les élèves. Il y aura moins de contractuels , moins d'heures supplémentaires, moins de formations aussi.
Il manquera plus d'un milliard en 2025
Mais le pire est pour 2025. L. Saint Martin a annoncé le maintien des lettres plafonds envoyés par G Attal juste avant son départ. La lettre plafond pour l'Education nationale, envoyée par G. Attal, fixe le budget 2025 à 64.5 mds, en stabilité avec 2024 (64.4 Mds). Or le budget du ministère doit suivre l'inflation (2%) et l'augmentation automatique de la masse salariale selon l'ancienneté et les promotions des fonctionnaires (ce qu'on appelle le GVT). Le GVT c'est environ 500 millions. L'inflation, pour maintenir le niveau de salaires déjà très bas, c'est un milliard.
La perspective budgétaire annoncée par L Saint Martin le 25 septembre c'est d'abord la certitude qu'il n'y aura pas de revalorisation salariale. C'est aussi une nouvelle baisse du nombre des emplois, contractuels et postes.
Des pistes envisagées
Le gouvernement peut compter sur la chute démographique pour absorber le choc. Il y aura 100 000 élèves de moins à la rentrée 2025, à 90% dans le premier degré. Cela libèrera environ 10 000 postes, soit 500 millions. Il restera un milliard à trouver.
Les inspections générales des Finances et de l'Education nationale ont commencé à y travailler dans un nouveau rapport récent paru très opportunément à la fin de l'été. Ils ont examiné trois pistes. D'abord changer le modèle d'éducation prioritaire pour un modèle progressif. Revenir sur les dédoublements en relevant le seuil en fonction des objectifs de postes économisés. Ils ont aussi envisagé de réduire le nombre d'écoles et collèges par regroupements notamment en zone rurale. Tout cela permettrait de dégager des milliers d'emplois avec une réforme de structure définitive. Ce travail n'a probablement pas été réalisé en vain.
Qui pour défendre le budget de l'Education nationale ?
On comprend que N. Belloubet se soit alarmée dès le 27 août en signalant un budget "insuffisant", et l'incapacité où elle serait de faire face au GVT. Alarme qu'elle a renouvelé le 23 septembre lors de la passation de pouvoirs. Ces propos ont peut-être couté son poste à N Belloubet.
Le choix de sa remplaçante a pu surprendre. Mais on en distingue peut-être maintenant l'intérêt. Elle est remplacée à la tête du plus important ministère par une ministre, A Genetet, qui n'a aucun poids politique, aucune connaissance en éducation et surtout aucune expérience de la direction d'une grande administration. Sa directrice de cabinet pourrait être la rectrice la moins expérimentée d'un des plus petits rectorats. Comment s'imposeront-elles face aux exigences de Bercy ?
Pour les enseignants et leurs syndicats, la question budgétaire doit arriver maintenant en tête des préoccupations. Il en va de la revalorisation et donc de la réduction de la crise du recrutement. Mais, dans l'état où est déjà l'Ecole publique, il en va maintenant de son avenir. On arrive au tournant. Et la droite tient tout prêt un autre projet d'Ecole sur lequel elle fait consensus.
Les ministres ont promis l'examen de la loi de Finances 2025 en conseil des ministres le 9 octobre. On aura à cette date le plan précis des coupes budgétaires réalisées en 2024 et 2025.
François Jarraud