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Billet de blog 4 mars 2022

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d'un projet louable à un monstre orwellien

Au départ était la volonté – louable – de lutter contre les pandémies. Nécessitant une action à l'échelle mondiale, cette lutte exigeait coordination, réponses uniformisées, donc organisées. Donc contrôlées. Donc à terme, forcément contraignantes et opaques. Basée sur une vision étriquée de la santé, soumise à des intérêts financiers, cette idée accouche aujourd'hui d'un monstre orwellien.

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J'avais, déjà, du mal à comprendre comment la France avait pu gérer la crise covid sur ce fond de peur, de contraintes et de mensonges. Mais surtout, je n'arrivais pas à comprendre comment la plupart des pays "riches" commettaient tous les mêmes erreurs en même temps, comme s'ils s'étaient donné le mot en un concert incompréhensible de couacs décisionnaires. En fait, c'était écrit. Il suffisait d'aller voir :

L’Initiative de Sécurité Sanitaire Mondiale (ISSM) 2001

En surfant sur son site (1), on apprend que l 'ISSM est un réseau informel de pays (G7, Union Européenne, OMS en tant qu'observateur et conseil) formé après le 11 Septembre pour lutter de façon coordonnée contre les risques pour la santé mondiale que représente le terrorisme. En 2002, le mandat de l’Initiative a été élargi afin d’inclure la pandémie grippale puis de façon plus globale toutes les préoccupations en matière de sécurité sanitaire mondiale. D'emblée l'accent est mis sur la nécessité d'un réseau permanent d'expertise et de laboratoires puis d'un réseau de communication à la fois sur les alertes de risques potentiels et sur les réponses communes et coordonnées avec diffusion de rapports « servant de suivi vers l'information publique et les médias et la transmission des renseignements essentiels aux décideurs » Les contre-mesures médicales, en particulier les produits thérapeutiques et les vaccins, sont considérées comme un outil essentiel.

Depuis 20 ans donc un réseau coordonné au plan mondial s'avère prêt à juger de l'importance d'un risque sanitaire et agir de façon coordonnée et donc uniforme tant sur le plan de l'alerte que du diagnostic, du traitement et de l'information...ou, plutôt, de la désinformation.

Le Règlement Sanitaire International (RSI) 2005 (2)

Coordonner, c'est bien. Mais encore faut-il vérifier que tout se passe bien. Aussi l'OMS décide en 2005 de réviser un organe juridique créé en 1951, le RSI, dont les buts visent à  « prévenir la propagation internationale des maladies, à s'en protéger, à la maîtriser et à y réagir par une action de santé publique proportionnée ... en évitant de ...créer des entraves inutiles au trafic et au commerce internationaux » Ben oui, la santé OK mais le commerce et la circulation des biens (les pépettes par exemple), faut pas plaisanter avec ! Et les membres de l’ISSM se sont empressés de reconnaître « l’importance de collaborer avec l’OMS afin de renforcer la sécurité sanitaire mondiale, notamment en mettant en œuvre le Règlement Sanitaire International ». Seul instrument juridique international contraignant en matière sanitaire, le RSI peut imposer aux 196 états parties prenantes des standards de détection ou de lutte concernant des maladies infectieuses supposées dangereuses en utilisant au mieux internet et le big data, l'OMS ayant par ailleurs un mandat important en matière de veille, d'alerte, de coordination et de réponse.

Ainsi dès le 16 avril 2020, le président de la République a réuni, lors d’une conférence téléphonique, les responsables des principales organisations internationales en santé mondiale actives dans la riposte contre le Covid-19 (dont OMS, Fonds mondial, Unitaid,, CEPI (3) Wellcome Trust (4), Fondation Gates, Banque mondiale, Gavi l’Alliance du vaccin (5) ...) pour renforcer la coordination internationale autour de l’OMS et construire une initiative multilatérale. Les participants sont convenus de la nécessité de porter une initiative coordonnée, globale, visant l’efficacité et l’équité.

Le GAVP, Global Action Vaccine Plan 2012 (6)

Proposé – encore – par Bill GATES, il avait pour ambition sur une décennie d'éradiquer les maladies infectieuses infantiles par la vaccination de masse. Le projet a fait long feu par semble-t-il excès d'ambition, manque de réalisme et méconnaissance des réalités locales.

Le GHSA, Global Health Security Agenda 2014 (7)

Pour pallier à ce qui paraissait être une lenteur de la mise en route du Règlement Sanitaire International, le GHSA apparaît pour le relancer, prenant le relai de l'ISSM. Les épidémies récurrentes (Anthrax, SRAS, H1N1, Ebola, MERS) sont à la base de cette relance comprenant 11 axes de travail dont le 4ème reprend comme pour le GAVP un objectif d'immunisation vaccinale mondiale. 67 pays sont concernés. En plus des Etats, les partenaires consultatifs comprennent l'OMS, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et l' Organisation mondiale de la santé animale (OIE), Interpol, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), le Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe (UNISDR) et l' Union européenne. Dans un continuum de volonté de contrôle, un outil d'évaluation externe et interne a été mis en place (JEE) bien qu'il semble que la lourdeur de l'appareil et la baisse des financements le rende jusqu'à ce jour assez peu pertinent.

La France toutefois apporte sa pierre à l'édifice en réaffirmant la nécessité contraignante du RSI et créant par l'intermédiaire de l'INSERM avec 19 autres pays européens l'European Joint Action on Vaccination pour la promotion des vaccins en renforçant entre autres les outils de partage des données numériques pour améliorer la surveillance épidémiologique de la couverture vaccinale tandis qu'au niveau européen le Conseil préconisait dès novembre 2018 de surveiller sa mise en œuvre par l'instauration d'un carnet européen numérique de vaccination, voire un « passeport » (tiens donc?) avec envoi de sms ou mails pour notifier les rappels de vaccins aux personnes concernées.

Nous y voilà : le temps de la surveillance est venu

Garrett Mehl, chef d’unité au département «Santé numérique et innovation» de l’OMS, a déclaré : «Le COVID-19 touche tout le monde. Les pays ne sortiront donc de la pandémie qu’ensemble. Des certificats de vaccination infalsifiables et vérifiables numériquement instaurent la confiance. L’OMS aide donc les États membres à mettre en place des réseaux de confiance et des technologies de vérification aux niveaux national et régional.»

On ajoute bien entendu que les données recueillies seront confidentielles et respectant la vie privée de chacun. Ben voyons. Le projet a été confié à la société allemande T-Systems dont le PDG Adel Al-Saleh indiquait : «Le Covid-19 a une emprise sur le monde, et c’est la numérisation qui fait tourner ce monde. Les certificats de vaccination numériques comme ceux de l’UE en sont la clé. Nous sommes heureux de pouvoir soutenir l’OMS dans sa lutte contre la pandémie..., ajoutant au cas où l'on ne l'aurait pas compris : « car la santé est un secteur de croissance stratégique pour T-Systems.»

Pour éviter toute contestation, l'Union prévoit de lutter contre la désinformation en ligne et les fake news (9) en finançant la recherche en sciences sociales et comportementales pour déterminer les facteurs amenant à la réticence (art.15 de la recommandation du Conseil de l'UE)

Fantasme de complotistes ? Que nenni : l'Argentine a mis en place ce programme en adoptant fin 2018 (10) une loi requérant la présentation d'un carnet de vaccination à jour lors de toute formalité administrative. À cette occasion la présidente de la société d'épidémiologie et de vaccinologie confirmait que la loi  : « instaure la vaccination tout au long de la vie pour tous les vaccins qui seront inscrit au programme national. Elle définit aussi la vaccination comme un bien d'intérêt social qui établit la prévalence de la santé publique sur les intérêts particuliers » : fin du consentement éclairé préalable à toute action sur le corps humain, perte de l'inviolabilité de celui-ci qui est ainsi « mis au service » de la collectivité, la vaccination passant d'acte médical à formalité administrative.

On voit déjà comment les incitations à la vaccination pourraient forcer à orienter ou restreindre les activités : big brother est bien là, comme en Australie où le "No Jab No Pay" est une initiative politique qui retient trois prestations familiales pour les parents d'enfants de moins de 20 ans qui ne sont pas pleinement vaccinés et leur interdit de fréquenter les centres préscolaires et de garde d'enfants, en imposant des amendes aux garderies qui admettent des enfants non vaccinés. En 2017, Seth Berkley le directeur de l'époque de GAVI déclarait : « on peut à l'aide du big data anticiper le déploiement de futures épidémies et y répondre par une campagne de vaccination. On peut aussi utiliser les techniques de localisation géospatiale et les caméras de surveillance par drone pour repérer des ethnies non encore vaccinées ... »

Et l'on glisse ainsi de la surveillance des maladies à la surveillance des individus

Comment cela s'est-il organisé ?

On a donc vu (ou pas, car le système n'a pas bénéficié et c'est une litote d'une publicité forcenée) ce système qui aurait pu être vertueux mais qui - associant organismes publics sans perception des réalités locales à des entreprises privées mues par le seul intérêt financier - se transforme rapidement  en un monstre administratif glissant peu à peu vers un appareil mondialisé de contrainte basé sur la seule vaccination n'ayant plus grand chose à voir avec la recherche d'une bonne santé dont il est bon de rappeler la définition de l'OMS : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».

Les vaccinations contre un petit nombre de maladies létales sans traitement alternatif est un indéniable progrès. Mais imaginer que l'on va éradiquer les 200 et quelques maladies infectieuses répertoriées (sans compter les virus ou bactéries « orphelins » qui attendent qu'une place se libère) par la vaccination relève du délire et ignore l'essentiel, c'est à dire l'équilibre écologique entre humains et agents infectieux fait de rencontres, d'affrontements s'amenuisant au fil du temps pour souvent déboucher sur de fructueuses coopérations. Ainsi que tout ce qui gravite autour de nous au plan météorologique, climatique, culturel ou social

Mais au delà d'un dévoiement d'une supposée bonne politique sanitaire – où apparaît quand même de façon récurrente le couple GATES malgré l'absence de toute compétence médicale – il faut souligner les implications financières sous-jacentes : les donneurs défiscalisent, les politiques peuvent se laisser corrompre et influencer des décisions inutiles ou inadéquates, les médecins sont soumis aux mêmes tentations. Les états financent donc, mais dès lors qui peut bien y gagner ?

D'abord les fabriquants de vaccins, qui lors d'opérations public-privé profitent de la recherche fondamentale publique pour s'appropier les royalties. Leurs actionnaires bien entendu, directement ou par l'intermédiaire de l'IFFIm :l'International Finance Facility For Immunisation, institution financière créée pour soutenir les programmes de vaccination des enfants dans les pays pauvres. Les ressources collectées sont utilisées par le GAVI, qui fournit des fonds pour acheter et délivrer des vaccins dans les pays pauvres. L’IFFIm utilise les promesses des gouvernements donateurs de vendre des obligations – les Vaccine Bonds – sur les marchés des capitaux en mettant immédiatement des fonds à disposition des programmes GAVI. Ces obligations sont cotées AAA/Aaa, donc excellentes. Les participations affluent. C’est un très bon investissement. Les organisme privés de recherche - et parfois des recherches les plus folles - se frottent les mains. Quant aux informaticiens, GAFA et autres acheteurs de données, la manne leur est promise sans qu'ils n'aient rien à faire, qu'attendre.

Frédéric PIC

(1) https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/initiative_de_la_securite_sanitaire_mondiale_-_dix_ans_de_collaboration.pdf

(2) Le Règlement Sanitaire International (RSI) - Ministère des Solidarités et de la Santé.pdf et La France et la sécurité sanitaire internationale - France ONU.pdf

(3) https://focus2030.org/La-CEPI-developper-des-vaccins-contre-les-maladies-infectieuses-emergentes

Créé en 2017à l'occasion du forum de Davos pour financer le développement de vaccins fondée par les gouvernements de la Norvège, de l’Inde, les fondations Bill & Melinda Gates et Wellcome, ainsi que le Forum économique mondial, la CEPI s'attache à investir dans la recherche de vaccins, financer des technologies innovantes capables d’accélérer le développement et la fabrication de vaccins contre des agents pathogènes auparavant inconnus (afin, par exemple, d’être à même de livrer un produit pour essais cliniques sous 16 semaines après l’identification d’un antigène), soutenir et coordonner des activités visant à améliorer la réponse collective aux épidémies.

(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Wellcome_Trust

fondation caritative en médecine visant à « encourager et promouvoir la recherche dans le but d'améliorer la santé de l'homme et des animaux » (ses actifs nets se montent à 15,1 milliards de livres sterling, seconde fondation la plus riche après celles de Bill et Melinda GATES)

(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/GAVI_Alliance

Ce partenariat public-privé (principaux donateurs ...Bill et Melinda GATES), créé en 2000 afin d'élargir l'accès à la vaccination dans les pays pauvres, supervise actuellement le dispositif onusien d'accès mondial au  vaccin contre le covid19. La Fédération internationale de l’industrie du médicament et plusieurs institutions de recherche et de développement sont associées au sein de GAVI Alliance avec la Banque mondiale, l’OMS, la Fondation Bill et Melinda Gates et l’Unicef.. Le Gavi s'emploie d'ailleurs, avec leurs concours, à accélérer la mise en place de nouvelles solutions d'immunisation, GAVI « identifie les entrepreneurs locaux possédant des innovations de base éprouvées qui ont le potentiel d'améliorer la fourniture de vaccins sur les marchés en développement. Il les met ensuite en contact avec les partenaires de l'Alliance, en « infusant » leurs innovations avec du capital et de l'expertise pour les amener à l'échelle dans les pays soutenus par Gavi. « Cela crée un nouveau marché pour les solutions innovantes .... » Et José Manuel Barroso (après un passage chez Goldman Sachs) vient d'en prendre la tête.


(6)mediapart.fr/lucienne/blog/041217/historique-comment-en-est-venu-imposer-tant-de-vaccinations

(7) Programme d’action pour la sécurité sanitaire mondiale (GHSA) / en avant vers un monde plus sûr - OI.pdf

(8)La France et la sécurité sanitaire internationale - France ONU.pdf

(9)Voir à ce sujet le paragraphe TNI sur mon billet du 8 février

https://blogs.mediapart.fr/frederic-pic/blog/080222/contre-la-desastreuse-gestion-covid-quand-la-revolte

(10) Nexus - Vaccins Un plan mondial original.n°121

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