Du même jour sur délit de solidarité sur Eric : Eric au tribunal pour outrage quand les expulsions outragent fraternité et solidarité
Dix-huit heures devant la préfecture du Puy-de-Dôme, bâtiment froid, quelques cent cinquante personnes sont rassemblées à l'appel de RESF 63 pour réclamer l'annulation de la pluie d'OQTF qui tombent dans plusieurs établissements scolaires touchant parents et enfants et des titres de séjour pour chacun·e.
A cette date sur l'agglomération, sont concernés par des Ordres de Quitter le Territoire Français :
Lycée Pierre-Joël Bonté à Riom
« Droit à l'éducation bafoué...Mobilisation à Riom »
Ecole Pierre Brossolette à Riom
Témoignages ci-dessous
Ecole élémentaire Jean Butez à Clermont-Ferrand
Médiacoop " Soutien à Ana et Maté, 9 ans et 5 ans."
Ecole Léon Dhermain à Cournon d'Auvergne
Collège La Ribeyre à Cournon d'Auvergne
Ecole Nestor Perret à Clermont-Ferrand

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Au total le 7 juin 18h, huit OQTF concernant enfants et/ou parents ont été reçues mais d'autres peuvent tomber chaque jour. Les situations créées par ces expulsions - certains déjà retenus en C.R.A. - sont un déchirement pour des familles installées depuis des années en France dont les enfants nés en France ne parlent que le français, déchirement pour des jeunes intégrés, formés, en situation de travailler dans des secteurs en manque de main d'œuvre, déchirement pour retrouver les sévices fuis, déchirement pour ne plus pouvoir se soigner pour son affection grave... Ne croyez pas que ces déchirements sont fantasmés; Ils résument partiellement les situations réelles de ces personnes ici à Clermont-Ferrand ce jour de juin 2022, en souffrance, maintenues en suspens, en transit, dans l'attente anxieuse des déchirements de l'expulsion.
Comment ne pas être ému·e, indigné·e, se mobiliser et crier dans la rue face à ces décisions iniques quand tout plaide en leur faveur sauf la politique politicienne qui cède au rejet xénophobe et raciste pour satisfaire cette clientèle électorale ? Des parents s'en émeuvent et agissent, des enseignants s'en émeuvent et agissent, des accueillants agissent au quotidien pour limiter la casse bien réelle d'existences dès l'enfance ou la jeunesse, des organisations apportent leur soutien logistique, leur capacité à mobiliser. L'espoir est dans la lutte constante et opiniâtre, ambitieuse et modeste qui s'oppose et gagne parfois à donner des papiers pour ouvrir l'avenir à ces vies qui comptent si peu, qui offre à notre pays une ouverture, des compétences, du travail qui la renforce et renforce son destin collectif, sa richesse, impôts et PNB compris. La précarité organisée, la peur au ventre quotidienne n'est pas digne d'un pays dit civilisé, longtemps proclamé "patrie des droits de l'homme", ne peut être un traitement infligé qui plus est, sur de longs mois à ces familles qui sont venus en France pour échapper au bel avenir de leur pays corrompu, dans la misère, les mauvais traitements, les exactions ou la guerre.
Le sous-préfet de Riom n'avait pas reçu la délégation le 13 mai disant que l'échelon pertinent est la préfecture. Une délégation de huit personnes a demandé à être reçuet a effectivement été reçu ce 7 juin par deux représentantes du préfet "à l'écoute" (cheffe du cabinet du préfet et la directrice de la sécurité, adjointe au cabinet) a dit au micro un des délégataires syndicaliste. Les situations personnelles et familiales ont toutes été soulignées et "seront réexaminées" ...
Avec une émotion palpable dans la voix et sur les lèvres, la directrice de l'école Pierre Brossolette et une mère racontent :
« C'est la famille ...vic qui est concernée. La maman a reçu une OQTF depuis plus d'un mois, elle se retrouve à devoir partir, elle est même maintenant en situation irrégulière. Donc, c'est une famille arrivée en France en 2014.Ils étaient trois, le papa, la maman et le petit garçon qui avait trois ans à l'époque. Depuis trois enfants sont nés en France. Ils sont Kosovars, viennent du Kosovo. Les enfants ont scolarisées et intégrées : Ils participent à des associations, foot etc... [Les enfants] sont en classe : l'ainée, bientôt 11 ans en CM2, la fille de cinq ans en grande section, une autre petite fille de 4 ans en petite section et la petite dernière devrait rentrer en petite section à la rentrée prochaine.
La mobilisation dans l'école est venue un peu comme ça, d'une déclaration de la maman. Elle est venue faire l'inscription pour la petite à la rentrée prochaine. Elle a dit que c'était était compliqué pour elle en ce moment, car elle venait de recevoir un papier par son avocat. Elle m'a montré le papier, j'ai lu le document et j'ai vu que c'était une OQTF.
Je me suis dit que ce n'était pas possible et qu'on devait faire quelque chose parce que c'est une famille qui vit en France depuis huit ans, dont les enfants sont scolarisés depuis 8 ans.. Ces enfants parlent français et ne connaissent quasiment que le français [pas la langue parlée au Kosovo]. Ils ont vécu en France. Je n'ai pas compris la situation, je n'ai pas compris pourquoi on fait ça à cette famille. Je me retrouve face à ces enfants. Ils sont dans mon école. Ils sont là et après ...
Le papa lui, n'a pas reçu son OQTF mais il peut tout à fait en recevoir une, d'une minute à l'autre, et dans ce cas là, les trois petites nées en France seraient obligées soit de retourner au Kosovo un pays qu'elles ne connaissent pas et dont elles ne parlent pas la langue, soit de rester en France mais dans une situation très très compliquée étant donné qu'il n'y aurait ni leur papa ni leur maman. Elles pourraient vivre ici. Tout est très abstrait, elles seraient privées ... c'est une famille unie qui a toujours vécue ensemble. Ça mettrait une famille complètement ...
Avec l'association des parents d'élèves, on a informé les parents d'élèves. On a fait une pétition en ligne qui a actuellement quasiment 400 signatures qu'on a diffusé. Puis on attend, on est très prudent parce qu'on ne veut pas mettre en péril des procédures officielles, On attend pour nous mobiliser de manière plus frontale, c'est pour ça qu'on est présent aujourd'hui, pour quand même montrer qu'on est là, mais pour le moment il n'y a pas encore eu de mobilisation importante car on ne voudrait mettre en difficultés la famille dans les démarches officielles qu'elle est en train de faire. »

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Le témoignage de MARTINE, RESF63, nous apporte un espoir pour ces enfants et jeunes mais aussi des raisons sérieuses de lutter pour ces régularisations et titres de séjour, comme autant de victoires qui changent leur destin. Ce témoignage vient après des dizaines d'années d'accueil, de générosité et de luttes opiniâtres. Elle dit aussi l'évolution de cet accueil par l'Administration et surtout des autorités quasi tout-puissante. Vous remarquerez sans doute quelque lumière d'un accueil digne et humain où on ne l'attendait pas.
« Cette jeune est arrivée mineure, toute jeunette Elle n'a jamais été pris à l'aide sociale à l'enfance. Parce que vous savez les mineurs isolés quand ils arrivent ? Ils se déclarent mineurs et normalement ils sont pris à l'aide sociale à l'enfance. Mais à l'aide sociale à l'enfance, on essaie de chasser le menteur, vous savez, comme dans la presse, on a dit : « ils sont menteurs, ils sont voleurs » et je ne dirait pas la suite car ça fait honte quand même. Alors ils chassent les menteurs car ils jugent d'après des papiers qui sont effectivement un peu branques ou des gamins qui ont leurs papiers dans leur ceinture quand ils passent dans le bateau, donc ça ressort complètement abîmés. Puis on les regarde ; ils sont trop grands, trop poilus, trop gros. Ils ont une tête qui ne leur revient pas alors ils sont majorés, ce qu'on appelle majorés c'est à dire qu'ils sont dehors, dehors, en tant que mineurs, à la rue donc c'est les associations qui les recueillent.
Donc ma filleule, elle a été recueillie. Elle a passé un petit temps chez moi bien sûr. Puis elle a été scolarisée, elle a très bien travaillé. Elle a eu un CAP APR [agent polyvalent de restauration] et puis après elle a voulu se spécialiser en cuisine, elle a trouvé un patron. Et elle m'a dit, à la fin de l'année : « Martine, tous les jours, j'arrivais je pleurai ». Elle avait droit à un patron raciste qui l'injuriait et elle a été dégoûtée, elle a loupé son CAP.
Heureusement il y a quand même des choses qui se font ici en France, c'est à dire qu'à la préfecture on est tombé sur une dame qui parlait normalement, qui disait les choses. On avait bien compris, elle a fait un rapport en faveur de Gloria, et enfin elle a eu son titre de séjour. Voilà, maintenant elle a 23 ans. Elle est grande. Elle vient de se marier. Elle va partir aux Amériques suivre son américain congolais. Voilà une belle histoire mais elles ne sont pas toutes aussi belles.

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Mais quand même j'ai rencontré aussi un jeune qui vient habiter près de chez moi, il m'a dit : « Martine si tu savais comme j'ai galéré, mais j'ai galéré, j'ai galéré... ». Et puis finalement, il a passé des spécialisations en électricité et il travaille dans des boîtes. Il fait des installations électriques, il a une petite femme, il a un petit garçon, tout va bien pour lui.
Mais maintenant, je me pose des questions sur ceux qui viennent d'arriver. C'est terrible, parce que les juges maintenant, ne les écoutent plus, ils ne veulent voir que les papiers : des papiers, des papiers, des papiers.
Alors vous savez au fin fond d'un village en RDC ou ailleurs dans un pays africain, les actes de naissance, y a des virgules qui sont mal placées, y a un nom qui est un peu écorché et alors
comme les juges ne savent pas juger de la minorité ou de la majorité de ces jeunes, ils demandent à la police aux frontières (on en a déjà parlé) de donner un avis sur les papiers ; et la police aux frontières est bien embarrassée parce qu' elle peut pas dire ni oui, ni non. Elle dit « C'est pas conforme », alors le juge dit « Ben je ne vous prend pas ». « C'est pas conforme », ça ne veut rien dire, comme dit un collègue : « Si c'était un faux, il irait au tribunal pour faux et usage de faux ».
Donc, il y a des belles histoires mais aussi de tristes histoires parce qu'il y a des gamins qui ne s'en sortent pas... Et je voudrais finir en disant qu'on parle de gros sous. Vous savez qu' un titre de séjour pour un jeune qui va le chercher la première fois coûte 100, 200, 300... 375 euros ! Mettez vous ça dans la tête : il faut payer 375€ pour un titre de séjour qui ne dure qu'un an et voilà comment la préfecture dit que les migrants coûtent chers. Ils ne coûtent pas chers du tout. Ils participent à la vie. Ils paient leurs impôts. Ils vont chercher des titres, à chaque fois, il faut payer.
Ne serait-ce que pour avoir un papier de l'ambassade de Guinée je crois, un papier qui dit « Non-délivrance du titre de séjour ou du passeport ». Pour avoir ce papier, il faut payer 25 €. Alors évidemment si on en avait qu'un ça irait mais c'est un peu comme ça pour tout le monde. Voilà pour dire les difficultés que rencontrent ces jeunes.
Là ce soir, j'emmène un gens que je vais chercher au squat, il y a quand même vingt-cinq jeunes qui sont au squat ; impossible de trouver des choses au 115 et puis nos militants-hébergeurs commencent à être ou fatigués ou partis ou ils sont pleins déjà.
Donc, au squat,il va prendre le bus à la gare routière. On a rien trouvé de mieux. C'est très difficile de trouver des trajets. Il doit aller à Paris pour chercher ses papiers. Il prend le bus à la gare routière. Ce soir, il va sur Lyon. Il faut faire attention. Je lui ai dit « Direction Torino » – Torino ça ne lui dit rien du tout le pauvre - alors j'espère qu'il va s'arrêter à Lyon et à Lyon, il faut qu'il reprenne direction Paris. Il va arriver à 6h30 à Paris et il va attendre l'ouverture de l'Ambassade. Voilà la vie de ces jeunes et le soir, il faut retourner. A quelle heure il va arriver à la guerre routière ? Je ne sais pas, on verra, il me téléphonera... voilà !
Alors j'arrête parce que je pourrais vous raconter des milliers de choses et je pense que quand on voit ce qui se passe maintenant pour l'accueil - je vais mettre les pieds dans le plat tant pis - pour les ukrainiens, on a la volonté de les accueillir. Moi je dis, on accueille tout le monde - non non, on ne fait pas un accueil sélectif ! Mais là effectivement, on le fait !
S'il y avait eu la volonté d'héberger nos jeunes mineurs qui sont sortis de l'A.S.E, il y a longtemps qu'on aurait trouvé ! Sauf que le collectif qui gère le squat depuis plus de trois ans est en négociation avec la pref, avec le conseil départemental,et la mairie, chacun se renvoyant la balle. Les jeunes sont toujours au squat et le collectif citoyen 63 vit avec les dons des militants. Encore une histoire... mais j'arrête. »
Pétition pour les deux jeunes de RIOM qui ont reçu OQTF

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