
Pour cette 7ème manifestation contre la réforme des retraites à Clermont-Ferrand ce samedi 11 mars, le rassemblement de 5000 personnes a eu lieu sur la vaste place des Bughes, histoire de varier les itinéraires. Des manifestant·es qui ont fait parfois 3 ou 4 manifestations dans la semaine plus déterminé·es que jamais. Aucun abattement, aucun défaitisme dans les conversations malgré la possibilité non exclue d'un non-retrait. Chacun·e sent que la lutte ne s'arrêtera pas au vote de la loi. Certain·es lucides craignent une montée d'actes et de pratiques violentes face à ce mur de déni qui procède d'une double violence : violence déniée de ce texte par gouvernement et parlementaires qui le votent mais aussi par celle d'une procédure cadenassée, bridée par un exécutif aux pleins pouvoirs constitutionnels pour imposer un texte rejeté par l'immense majorité de la population et dicter sa loi à la Représentation Nationale avec l'assentiment des moutons.
La question des retraites pose certes la question du travail mais aussi celle de la démocratie dans ce pays qui amincit la ligne de partage entre démocrates et les autres. Nous risquons bien de le payer dans quelques années même si ce président au fond s'en moque tant il a pu et peut encore en jouer.
Peu après l'arrivée du camion-sono de la CGT 63, Ghislain Dugourt, secrétaire départemental, a annoncé le décès de Nicolas, ouvrier et syndicaliste CGT de 51 ans dans la nuit de mercredi à jeudi des suites de sa chute d'une statue près de l'hôtel-de-ville de Saint-Etienne en fin de manifestation du 7 mars, statue où il s'était juché pour les déclarations finales. Toute la foule dont beaucoup ignoraient cette chute et sa terrible conséquence a respecté une minute de silence pour s'associer à la douleur de sa famille, de ses camarades, dans le choc et la solidarité de cette tragédie. Lire ici et là.

Vers 14h 15, au moment de partir en manifestation, la sono du camion de tête tombe en panne. Il faudra longtemps pour réparer sans aucune impatience de qui que ce soit d'autant que le temps maussade ne semblait pas à la pluie à ce moment. Ce fut même un temps prolongé de discussions pour se parler de groupe à groupe, de personne à personne, un temps comme une parenthèse impromptue et finalement heureuse pour assimiler cette annonce tragique, un temps où les organisations ont mis à profit pour clamer chants et slogans, sonos à l'appui sauf ... celle en panne bien sûr !
Le départ a eu lieu peu avant 15h soit une heure de retard sur l'horaire prévu qui a valu dès l'entrée dans la rue Blatin, en fin de manif, de recevoir une petite pluie vite transformée en pluie drue, histoire de sortir presto les parapluies ou de se mouiller rapidement.
Quelques propos recueillis durant l'attente technique :
Nadège, prof en lycée agricole : "Je suis totalement contre et je pense qu'il faut remettre le travail au centre des choses mais intelligemment et on en est capable... intelligemment c'est être rémunéré à hauteur de ce qu'on fait vraiment. Parce que sans travailleurs il n'y aurait pas d'économie possible. [suite à la lettre de Macron réponse à celle de l'intersyndicale] Oui, j'ai lu ça dans le week-end, oui, pour moi il continue de se moquer de nous, c'est un très bon communiquant mais c'est de l'entourloupe, je pense qu'il faut remettre au cœur la démocratie, on a besoin d'être entendu, car sans peuple il n'y a pas de pays."

Blaise : " J'étais à Vichy hier. Il y avait des camarades de l'Energie qui ont dit que s'il y avait besoin d'un coup de main sur des occupations pour tomber les fusibles, ils étaient prêts à le faire mais il faut que l'usine soit d'abord majoritairement en grève en interne."
Dans le cortège de plus en plus de politiques, partis et élu·es : les députées Marianne Maximi (LFI-Nupes) avec toute sa famille et Christine Pires-Beaune (PS-Nupes) étaient du cortège derrière ou non la banderole de la Nupes sortie pour la première fois en manifestation contre la réforme des retraites. Nous en avons demandé explication (réponse ci-dessous de Paco - LFI-Nupes). Génération.s et Nouvelle Donne se sont également signalés par leurs drapeaux (voir vidéo).


Paco (LFI - UNEF) à qui nous signalions la présence pour la première fois de cette banderole Nupes, nous répond : " La NUPES, a toujours depuis le début de ce mouvement était "ensemble". On a fait des distributions de tracts ensemble notamment pour le meeting unitaire qui a eu lieu le 10 février, du coup avec toute la NUPES qui était représentée. Aujourd'hui, on a sorti la banderole parce que on l'a retrouvé. Globalement la NUPES, dès le début, de ce mouvement était unie. Il ne faut pas forcément y voir quelque chose de nouveau avec cette banderole parce que le travail unitaire est fait depuis le début à l'Assemblée Nationale, mais aussi partout en France et dans la rue."

Entrant dans la rue Blatin pour aller tout droit à Jaude, la pluie nous attendait qui est devenue drue, propice à mouiller sauf parapluie ou cape couvrante. Du coup, les déclarations finales ont été annulées. Nous en avons profité pour interviewé Isaac, étudiant en master d'archéologie et UNEF :
"Aujourd'hui, on est encore mobilisés contre le réforme des retraites dans le cadre de la mobilisation intersyndicale. Beaucoup de personnes pensent que cette mobilisation ne concerne pas particulièrement la jeunesse, alors qu'elle va avoir un impact direct et au long terme sur notre vie. D'abord aujourd'hui le taux de chômage chez les jeunes est de 18% ; l'âge moyen du premier emploi stable c'est 27 ans. Avec le recul de l'âge légal de départ à la retraite pour nos aîné·es, ça va continuer à rendre de plus en plus difficile l'entrée dans le monde du travail pour les jeunes. Et ça c'est quand même un impact à court terme assez important. Ensuite 27 ans plus 43 ça nous amène à 70 ans. Donc aujourd'hui pour les jeunes la retraite ce sera jamais 64 ans si cette réforme passe, mais bien 67 ans voire plus en fonction des réformes libérales qui vont nous tomber dessus si on met pas un coup d'arrêt à Macron maintenant.

Cette réforme représente aussi un modèle de société qui ne nous convient absolument pas ou la seule solution qu'on nous propose c'est travailler plus, produire plus, consommer plus alors qu'aujourd'hui il y a des urgences climatiques qui ne sont absolument pas prises en compte par le gouvernement et qui devraient permettre d'aller dans le sens inverse où justement il faut réduire la production. On surproduit énormément sur terre, on produit pour plus que 12 milliards d'individus presque 14 milliards alors qu'on en est que 8. Il y a de quoi réduire la production assez facilement et mieux répartir le temps de travail, mieux répartir les richesses et c'est là dessus qu'il y a un enjeu pour la jeunesse à se mobiliser et dire que ce projet de société où on est dans la galère quand on est jeune, précarisé tout au long de notre vie salariée parce le code du travail a été complètement détruit avec les dernières lois-travail et où on est dans la misère en temps que vieux. C'est pas du tout le modèle qui nous convient aujourd'hui, c'est pas celui qu'on veut et donc on continuera de se mobiliser autant qu'il le faut pour construire un monde plus juste et plus égalitaire et on ne lâchera rien que ce soit sur la retraite et tout le reste.

Sur cette réforme, il n'y a absolument pas de dialogue social, les organisations de travailleurs, les organisations syndicales ne sont pas écoutées. Malheureusement, on commence à avoir l'habitude avec Macron mais là, même les organisations patronales ne sont pas écoutées et là c'est fort, en terme de non dialogue social. Macron un bel exploit sur ce coup-ci !

On a rencontré le MEDEF et les autres organisations patronales avec l'intersyndicale mercredi dernier le 8 mars pour pouvoir parler un peu aussi de l'index inégalité salariale et parler de la réforme des retraites. On leur a passé le mot en suggérant qu'eux avec leurs contacts, puissent souffler à Macron qu'il faudrait écouter un peu cette grève et cette colère sociale. Ils nous ont dit qu'ils étaient bien désolés de nous l'annoncer mais que pour le coup, eux ils n'ont pas été plus écouté que nous dans les concertations et qu'aujourd'hui maintenant que la réforme est lancée entre l'Assemblée et le Sénat et bientôt commission paritaire, eux n'ont plus leur mot à dire depuis bien longtemps. Et tout ce qu'ils peuvent faire remonter on les écoute pas. Les petits patrons sont inquiets de devoir garder les ouvriers jusqu'à 64 ans voire plus dans leurs entreprises et que ça pénalise leur production, donc même les patrons n'en veulent pas de cette réforme, c'est ça qui est assez incroyable quoi ! Même les patrons n'en veulent pas."
Et sur la semaine de manifestations :