Dans une société, une école, une organisation du travail, toujours très hiérarchisée et qui repose encore beaucoup sur la compétitivité, un tel titre –"à ceux qui se ratent"– ne peut qu’attiser curiosité...
Les représentations ont eu lieu durant toute la période du festival, du 7 au 29 juillet au théâtre de l’Arrache-Cœur – sacrée course de fond. Dès l’arrivée, ce qui m’a d’abord surprise, alors que mon premier spectacle était déjà loin, c’est l’ambiance dans la salle : un public plus qu’investi – des enfants aux plus âgés– qui tape des mains, qui réagit à toutes les interactions. Puis une ovation finale avec une foule en délire qui chante, qui danse, qui rit, qui en redemande – et ça continue dehors, avec un « rappel » !
Qu’est-ce que c’est l’ovni Zzaj ?
On entre dans la petite salle de théâtre mais la scène est un studio de radio où l’on assiste à une émission en live dans un espace un peu étrange, désuet, décrépi, rempli d’instruments dispersés ici et là. Au début… c’est un rêve loufoque : le studio soudain inondé (et un public aspergé), un animateur inexpérimenté, agrippé à sa console, accompagné de son acolyte musicien tout aussi gauche. Le duo craint son public –nous– dont la présence ne semble pas vraiment prévue... On rit dès les premières minutes des nombreux recours aux procédés farcesques tant par la gestuelle que les situations et grâce aux jeux improvisés avec le public, quelques-un.e.s sont invités à rejoindre le plateau et à incarner, au pied levé, un véritable rôle. Rien d’amateur pourtant. Petit à petit, on entre dans un show d’immense qualité. Le thème de l’émission « Voyage au pays du jazz » est, au fur et à mesure, de plus en plus maîtrisé, assumé. On est embarqué dans une envolée brillante et incarnée – du blues au funk en passant par le bebop.
Qui sont ces gens ?
Rendons hommage au talent du musicien sur scène, Matthias Lauriot Prevost, guitariste, multi-instrumentiste et expérimentateur. Son binôme, personnage principal malgré lui, Augustin Ledieu, accumule lui aussi toutes les casquettes avec brio : chanteur, compositeur, arrangeur, danseur, clown. A eux deux ils réalisent le travail d’un groupe entier notamment grâce au looping qui permet de superposer tous leurs talents. La musque live est bouclée en direct, entremêlée à celle déjà préparée, sans que l’auditeur ne puisse jamais en distinguer l’écart, tant l’ensemble est maîtrisé.
Résultat : nous sommes au théâtre mais on nous offre un concert, une performance ainsi qu’une réflexion sur le poids du regard de l’autre et l’importance de la persévérance. Il s’agit d’une formidable ôde à l’expérimentation et à l’improvisation artistique. Car dans Zzaj nos deux animateurs à première vue anti-héros deviennent absolument héroïques. La performance est bluffante.

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Autres coups de cœur 2023 avant de se retrouver pour la 78ème édition du 29 juin au 21 juillet 2024.
* Rhapsodes Œdipe d’Eglantine Jouve et Sébastien Portier, mise en scène par Eglantine Jouve et Patrice Cuvelier – collectif TDP. Le plus difficile en art c’est sans doute le dépouillement et la simplicité qui vont tout droit au cœur. Pari réussi pour ce spectacle à la narration et aux sons incroyables où toutes les images surgissent grâce à la magie de la transmission orale et de l’incarnation…
https://lagencedespectacles.com/rhapsodes-oedipe-antigone/
*J’ai un vieux dans mon sac, si tu veux je te le prête. Texte et mise en scène de Marie-Do Fréval, compagnie Bouche à Bouche. Proposition poignante et poétique, sans concession aucune à propos d’un thème qui nous concerne tous. Humour noir qui interpelle. On rit de bon cœur, on rit jaune aussi, puis on s’interroge, on réfléchit.
*Cadavre exquis, une comédie qui fonctionne avec intelligence à travers un texte, six auteurs, et une mise en scène de Marc Andreini.
https://www.youtube.com/watch?v=6ep_rl30iQo
* J’aurais dû m’appeler Aïcha, une conférence gesticulée de Nadège de Vaulx.
https://conferences-gesticulees.net/conferences/jaurais-mappeler-aicha/
*Ultra-girl contre Schopenhauer de Cédric Roulliat, compagnie de Onze à Trois heures. https://blogs.mediapart.fr/helene-courtel/blog/230723/coup-de-coeur-acidule-en-ce-festival-d-avignon-2023-ultra-girl-contre-schopenhauer
* Géographie mon amour, Lectures musicales du texte de Jean-Pierre Brouillaud.
https://blogs.mediapart.fr/helene-courtel/blog/260723/geographie-mon-amour-de-jean-pierre-brouillaud