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Billet de blog 8 mars 2022

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À propos des programmes de la gauche

Les quatre candidats de gauche à l'élection présidentielle de 2022 proposent des programmes de grande qualité, que nous présentons ici. Ceux-ci tiennent compte de l'urgence du tournant écologique. Il existe deux grandes fractures : le nucléaire et l'Europe. Ces programmes sont-ils compatibles avec les contraintes écologiques, le capitalisme et l'Europe ?

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L’élection présidentielles de 2022, puis les élections législatives qui vont suivre, devraient être l’occasion de grands débats sur l’orientation de notre société. De toute évidence, la question essentielle est celle de l’urgence du tournant écologique, qui pose aussi la question énergétique et celle du mode de vie. En même temps, se posent la question du pouvoir d’achat de la masse des français, celle des inégalités de revenus, celle des services publics. La France doit repenser son système productif, résorber son déficit extérieur, créer des emplois, ce qui pose la question de la réindustrialisation. Faut-il faire confiance aux capitalistes et aux dirigeants d’entreprises pour gérer le tournant écologique ou faut-il poser la question du pouvoir dans les entreprises ? Faut-il s’appuyer sur l’Europe ou l’Europe est-elle un obstacle à toute stratégie de transformation ?

Les candidats de l’extrême-droite (Marine Le Pen, Éric Zemmour) proposent une solution simple : lutter contre l’immigration qui serait responsable de l’insécurité, du chômage et du déficit public. C’est aussi un des thèmes de Valérie Pécresse. S’y ajoute la thèse qu’il serait possible d’augmenter le pouvoir d’achat des salaires en réduisant les cotisations sociales.

Les candidats de gauche ont le mérite de proposer des stratégies tenant compte des questions clés que nous avons dégagées.  Nous analyserons ici les programmes[1] des quatre candidats : Anne Hidalgo (AH), Yannick Jadot (YJ), Jean-Luc Mélenchon (JLM), Fabien Roussel (FR).

Nous verrons qu’il existe deux grandes fractures apparentes : le nucléaire, l’Europe, et des fractures plus cachées, les minimas sociaux, les pouvoirs dans les entreprises, le mode de vie, la laïcité et des zones d’ombres comme la prime d’activité ou la taxe carbone.

La question écologique, le changement climatique

YJ met la question écologique au début de son programme. Il veut inscrire dans la Constitution l’action pour le climat, le respect du vivant et des limites planétaires. Il veut la reconnaissance du crime d’écocide (des sanctions pénales pour des atteintes graves à l’environnement) ; un « accord de Paris + » avec des engagements contraignants juridiquement. Il veut instaurer une règle d’or climatique (« pas d’argent public pour les énergies fossiles et les atteintes à l’environnement »). Préserver les espaces naturels. Zéro nouvelle artificialisation des sols. Végétaliser le bâti. Limiter la chasse. Reconnaître les droits des animaux.  Protéger les espaces naturels, les forêts, les aires naturels. Une politique zéro-déchets. Une éco-contribution sur les vêtements et les appareils électroniques. Lutter contre l’obsolescence programmée.  Sortir de la société du plastique. Interdire la publicité pour les produits polluants. Créer une Organisation mondiale de l’environnement sur le modèle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

JLM présente, lui-aussi, un programme détaillé. Il se prononce pour une bifurcation écologique, pour une société de l’harmonie, grâce à la planification écologique. Inscrire dans la Constitution la règle verte : « on ne prélève pas davantage à la nature que ce qu’elle est en état de reconstituer ». Créer un Conseil de la planification écologique, avec une Agence pour les relocalisations. Se donner l’objectif d’une baisse de 65 % des émissions en 2030 (au lieu de l’objectif de 40 % actuellement, c’est difficilement réalisable en 8 ans). Obliger les entreprises à tenir une comptabilité carbone, puis à réduire leurs émissions. Mettre en place des défenseurs de la nature au niveau des communes. Abolir l’obsolescence programmée : allonger les durées de vie légales des produits. Lutter contre la surabondance des déchets. Créer un service public du réemploi et de la réparation. Interdire la publicité des produits les plus émetteurs de GES. Revenir sur l’affaiblissement des normes environnementales. Instituer des biens fondamentaux, comme l’eau, en biens communs. Désempoisonner le monde. Sauver l’écosystème et la biodiversité.    Défendre la forêt, poumon de la planète. Reconnaître un crime d’écocide. Réduire l’impact écologique du numérique.

AH considère que l’écologie est le combat du siècle. Elle veut consacrer les droits de la nature ; les inscrire dans la Constitution ; créer un défenseur de l’environnement ; reconnaitre le crime d’écocide ; porter le projet de création d’un Tribunal pénal international de l’environnement. Elle veut organiser la planification écologique avec un budget climat et diversité, voté chaque année, avec un ministre du Climat, de la Biodiversité et de l’Économie, qui sera le numéro deux du gouvernement (avec le risque que les préoccupations économiques l’emportent sur les préoccupations écologiques). Elle veut œuvrer pour la sobriété numérique. S’adapter au dérèglement climatique ; protéger la biodiversité et les forêts.

FR propose un « nouveau modèle de développement pour nous libérer des dégâts sociaux, écologiques et climatiques du capitalisme ». Il envisage, pour se conformer aux recommandations du GIEC, de créer un fonds écologique et social de 6 % du PIB par an pour financer les dépenses pour la transition écologique. Développer un service public de l’eau. Combattre résolument pour la diversité. Lutter contre la déforestation induite par nos importations. Protéger notre domaine maritime et les océans. Préserver les forêts. Lutter contre la pollution plastique.

Ce point occupe une place importante dans les programmes des quatre candidats et fait l’unanimité. On peut craindre cependant que l’ampleur des modifications nécessaires des modes de vie de larges couches de la population soit sous-estimée (en particulier par FR).

La question énergétique. AH, YJ et JLM veulent sortir progressivement du nucléaire et développer les EnR. FR veut au contraire lancer des EPR. Ces deux stratégies permettront-elles de passer les années difficiles d’ici 2035 ? La sortie progressive du nucléaire est problématique puisqu’il faut maintenir un savoir-faire, former des jeunes pour le maintien et le démantèlement du nucléaire, une activité sans avenir. La relance du nucléaire est, elle aussi, un pari technologique délicat. On peut estimer que sortir du nucléaire est la base même de tout programme écologique ; on peut penser, au contraire, que le nucléaire permet le développement de l’électricité et crédibilise le passage au 100% décarboné. Aucun candidat ne propose une hausse importante de la taxe carbone, qui est sans doute nécessaire.

JLM propose 100 % d’énergies renouvelables en 2050 avec un double mot d’ordre : sobriété et efficacité énergétique. Sortir des énergies carbonées ; sortir du nucléaire en planifiant le démantèlement des sites nucléaires ; arrêter l’utilisation massive de la sous-traitance dans ce secteur. Instaurer une tarification progressive de l’énergie. Annuler la libéralisation des marchés du gaz et de l’électivité.  Renationaliser EDF et Engie. Annuler les hausses du prix du gaz depuis 2017 (peu réaliste et contestable compte tenu du niveau des prix mondiaux). Favoriser le recours aux diverses sources d’énergie les plus adaptées aux conditions météorologiques et géographiques du territoire ; lutter contre la méthanisation à outrance (alors que les scénarios sans nucléaire parient beaucoup sur la biomasse).  Refaire l’isolation d’au moins 700 000 logements par an. Lutter contre les passoires thermiques. Développer l’écoconstruction.

AH veut parvenir à 100 % d’énergie renouvelable aussi vite que possible. Pas de construction de nouveaux réacteurs nucléaires. « Le nucléaire sera utilisé comme énergie de transition, sans sortie précipitée pour ne pas faire flamber le prix de l’énergie. La durée de vie des centrales nucléaires actuelles sera définie sous le contrôle de l’Autorité de sureté nucléaire. Elles pourront bénéficier dans ce cadre d’investissements destinés à prolonger leur durée d’exploitation ». Rénover 750 000 logements par an, les dépenses seront prises en charge par l’État, le remboursement se fera selon les revenus ou au moment de la revente. Baisse de la TVA sur l’électricité et le gaz et, en cas de flambée des prix du pétrole, sur les carburants.

YJ propose de développer les EnR et de sortir progressivement du nucléaire en fermant les réacteurs les plus vieux, dont une quinzaine d’ici 2035, « tout en garantissant la continuité des approvisionnements en électricité ». Nationalisation d’EDF et retour à des tarifs réglementés de l’électricité. 3 000 éoliennes terrestres supplémentaires dans le respect des paysages, de la biodiversité et des habitants ; 340 km2 de panneaux solaires d’ici 2027, de préférence sur les bâtiments et les parkings. Développement du biogaz grâce à des méthanisateurs de petite taille.                  Mettre fin aux passoires thermiques. Consacrer 10 milliards par an à la rénovation des logements. Porter le chèque énergie à 400 euros ; mettre en place une tarification sociale de l’énergie.

FR propose de constituer un mix énergétique 100 % public et 100 % décarboné, avec EnR et nucléaire (la construction au minimum de 6 EPR). Créer un pôle public de l’énergie et de l’efficacité énergétique en nationalisant EDF et Engie en y intégrant TotalÉnergie. Donner une forte impulsion à la recherche. Baisser les taxes sur les tarifs de l’électricité et du gaz. Le chèque énergie sera porté à 700 euros. Rénover 700 000 logements par an, mettre fin aux passoires thermiques, sans reste à charge pour les plus pauvres, en y consacrant 10 milliards par an.

Logement. Les quatre candidats développent des thèmes voisins.

FR veut garantir le droit au logement. Créer des logements d’urgence pour les SDF. Construire 200 000 logements sociaux par an. Aller vers 30 % de logements sociaux en zones urbaines. Limiter la quittance à 20 % des revenus du foyer (après allocation logement, je suppose). Casser le monopole des majors des BTP.

JLM veut garantir le droit au logement ; construire 200 000 logements publics par an ; faire passer à 30 % le taux de la loi SRU ; mettre en place une garantie universelle des loyers ; encadrer les loyers ; réquisitionner les logements vides ; créer un permis de louer contre les habitats indignes ; lutter contre les locations de courte durée ; atteindre l’objectif zéro sans-abris.

AH veut construire 150 000 logements sociaux par an. Généralisation de l’encadrement des loyers. Encadrer les loyers en fonction de la performance énergétique du logement. Créer un bouclier logement, sous condition de ressources : pas plus du tiers du revenu pour se loger.

YJ veut construire 700 000 logements sociaux en 5 ans. Relever à 30 % le taux de la loi SRU. Généraliser l’encadrement de loyers dans les zones en tension.   

Les transports. Les quatre candidats développent des thèmes voisins.

YJ veut développer les transports collectifs qui bénéficieraient d’une baisse de la TVA. Investir 4 milliards chaque année dans le rail. Favoriser le fret ferroviaire. Interdire l’avion quand le trajet en train dure moins de 4 heures. Taxer les vols en avion pour aider les pays pauvres (idée de Jacques Chirac). Favoriser le covoiturage. Augmenter le fonds vélo. Fournir un vélo à chaque jeune. Interdire la vente de véhicules à énergie fossile dès 2030. Convertir à l’électrique 1 million de véhicules.

JLM veut développer le ferroviaire ; supprimer les lignes aériennes quand il existe un transport ferroviaire de moins de 4 heures. Renationaliser la SNCF, les autoroutes et les aéroports. Refuser la concurrence en matière ferroviaire. Développer le vélo et le covoiturage. Reconstruire le maillage de transports en commun.

AH veut développer un système de leasing de véhicules électriques ; investir dans le ferroviaire ; appliquer une TVA à taux réduit sur le train ; surtaxer l’avion quand un transport ferroviaire existe. Développer le fret maritime, fluvial, ferroviaire.

FR veut favoriser les transports écologiques et collectifs. Nationaliser les autoroutes et la SNCF. Aider à l’acquisition de véhicules légers. Développer les trains du quotidien. Rendre gratuits les transports collectifs urbains. Développer le fret ferroviaire et fluvial.

Agriculture : Les quatre candidats développent des thèmes voisins.

YJ veut sortir de l’élevage industriel en 10 ans. Développer la consommation de protéines végétales et de viande locale et bio. Mettre fin à la viande cellulaire. Passer à une pêche durable ; limiter l’aquaculture. Interdire les engrais toxiques. Manger bio, local et moins carné dans les cantines. Garantir le revenu des paysans.  Mutualiser le risque des calamités agricoles. Réformer la PAC : aide à l’emploi plutôt qu’à l’hectare. 

AH veut soutenir les revenus agricoles par un partage équitable de la valeur tout au long de la filière. Permettre la souveraineté alimentaire. Soutenir l’agroécologie et l’agriculture biologique. Développer la pêche durable. Sortir des engrais de synthèse et des pesticides. Lancer des « Assisses du bien-être animal ».  Expérimenter le chèque « alimentation durable ». Lutter contre le gaspillage alimentaire. Mettre en place des contrats de filière pour une agriculture saine. Travailler à une PAC plus juste et réellement verte.

JLM veut instaurer une agriculture relocalisée, diversifiée et écologique et créer 300 000 emplois agricoles. Garantir des prix planchers. Instaurer un protectionnisme écologique. Créer un ministère de la Production alimentaire pour lutter contre la « malbouffe ». Expérimenter une garantie universelle d’accès à des aliments choisis comme premier jalon d’une « sécurité sociale de l’alimentation ». Rompre avec la maltraitance animale.

FR veut favoriser l’agroécologie. Garantir des prix rémunérateurs aux paysans ; aider à l’installation des jeunes ; contrôler les prix d’achat et de vente des distributeurs ; garantir une alimentation de qualité Soutenir les 60 premiers hectares : rendre les aides dégressives. Empêcher le développement de l’élevage industriel. Créer un dispositif public d’assurance contre les aléas climatiques. Dénoncer les accords de libre-échange. Sortir l’agriculture de l’OMC. 

La réindustrialisation C’est une des questions clés posées à l’économie française, qui souffre d’un déficit extérieur important et de pertes d’emplois industriels. Les programmes développent à des degrés divers des projets de politique industrielle et de planification écologique.

FR propose la nationalisation des grands groupes stratégiques, avec des droits nouveaux aux travailleurs et aux usagers, avec de nouveaux critères d’efficacité, « des critères sociaux, écologiques, d’économie en capital, en matières et en temps de travail opposés à la rentabilité financière » (ces nouveaux critères permettront-ils de développer une production compétitive ?) Relocaliser les sites de production essentiels. Réappropriation publique de La Poste, d’EDF, d’Engie, d’Orange, de la SNCF. Lutter contre les délocalisations en s’appuyant sur les pouvoirs nouveaux donnés aux salariés. Requalifier les salariés dans les secteurs stratégiques dans l’objectif de la décarbonation. Favoriser une nouvelle industrialisation en définissant de grandes filières stratégiques, soutenus par l’argent public et le secteur bancaire public.  Dénoncer les traités de libre-échange.

JLM propose de réindustrialiser le pays par la planification écologique, par des plans de filières au service de la bifurcation écologique ; de relocaliser les productions essentielles à la vie du pays ; d’engager un plan de reconstruction industrielle pour mettre fin à la dépendance de la France dans les domaines stratégiques et pour soutenir la bifurcation écologique ; de conditionner toute aide publique aux grandes entreprises à des objectifs sociaux, écologiques et fiscaux contraignants. Il veut lancer un plan massif de 200 milliards d’euros d’investissements socialement et écologiquement utiles, créateurs d’emplois. Rétablir des pôles publics dans l’énergie, les transports et la santé. Revenir sur les privatisations. Faire le bilan des privatisations et des abandons de fleurons, en punir les responsables. Il veut instaurer un protectionnisme écologique et solidaire ; instaurer des droits de douane sur des critères écologiques ; instaurer une taxe kilométrique aux frontières (peut-on refuser d’importer les produits des pays à bas salaires ? pourquoi une taxe kilométrique plutôt qu’un mécanisme d’ajustement de la taxe carbone ? peut-on pénaliser le Portugal ou la Grèce par rapport à l’Allemagne ?). Porter au sein du FMI, de la Banque mondiale et de l’OMC des propositions de rupture avec le néo-libéralisme international.

AH veut se donner les moyens de la reconquête économique par l’écologie. Définir un plan de relocalisation des activités économiques autour de quatre axes : santé, énergie, mobilité, numérique (c’est quand même limitatif).  Réduire de 50 % les émissions de CO2 de l’industrie d’ici 2035. Conditionner les aides publiques aux entreprises à un strict respect de critères sociaux et environnementaux ; faire passer la part de la R&D à 3 % du PIB. Créer un fonds de 3 milliards d’euros pour la réindustrialisation. Créer un livret de développement industriel par l’écologie.

YJ propose de construire une industrie au service de la transition climatique, de mettre en place des plans par filières, soutenus par un plan d’investissement public de 25 milliards d’euros par an. Le CIR sera réorienté vers les projets visant à décarboner l’industrie, à relocaliser ou à préserver la biodiversité. Les aides publiques dépendront de critères sociaux, écologiques et d’emplois. Tous les décideurs devront suivre une formation aux enjeux de la transition écologique.

Emploi, chômage

Les quatre candidats proposent d’abroger la réforme des prestations chômage.

JLM veut créer une garantie d’emploi : proposer à tout chômeur de longue durée un emploi utile à la transition écologique ou à l’action sociale, payé au SMIC. Rétablir la durée légale à 35 heures (avec 25 % de majoration et 50 % au-delà de la quatrième heure), passer aux 32 heures dans les emplois pénibles, favoriser la négociation vers les 32 heures. Instaurer un « emploi spécifique jeune » de 5 ans dans le secteur non marchand (cela est peu pertinent ; les empois publics ne sont pas des emplois d’attente ; les jeunes n’ont pas vocation à débuter dans le secteur public). Réduire la durée de travail sur la vie active avec la retraite à 60 ans et 40 années de cotisations. Établir un quota maximum de contrats précaires (5 % pour les grandes entreprises). Requalifier les faux entrepreneurs indépendants en salariés. Lutter contre le temps partiel contraint. Mettre fin aux stages qui ne sont que des CDD sous-payés. Indemniser les chômeurs en fonction de leurs derniers salaires. Mettre fin à l’obligation d’accepter une « offre raisonnable d’emploi ». Créer une sécurité sociale professionnelle ; garantir la continuité des droits personnels en cas de changement de contrat et hors contrat. Interdire les licenciements boursiers.

FR veut faire passer la semaine de travail à 32 heures sans diminution de salaires (peu compatible avec le SMIC à 1500 euros nets par mois qu’il propose par ailleurs). Il veut mettre en emploi les six millions de personnes actuellement au chômage ou en sous-emploi et augmenter le PIB de 20% (10% en fait, compte tenu de la réduction du temps de travail). Créer 500 000 emplois dans la fonction publique. Les grandes et moyennes entreprises devront réserver 10 % de leurs embauches aux jeunes de moins de 25 ans. Suspendre les plans sociaux et les licenciements en cours. Donner des droits sociaux aux travailleurs des plateformes. Créer une sécurité sociale professionnelle, en emploi, en transition ou en formation, avec maintien du revenu. Mettre fin à la précarisation des contrats de travail. Créer un service public unifié de l’emploi et de la formation professionnelle.

AH veut inciter les entreprises à avancer vers la réduction du temps de travail. Confier aux partenaires sociaux le soin de négocier une assurance-chômage universelle. Donner aux travailleurs des plateformes les droits des salariés. Sécuriser les transitions professionnelles.

YJ veut réduire le temps de travail tout au long de la vie selon des modalités définies par une convention citoyenne. Introduire une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes. Refaire du CDI la norme. Créer un contrat de sécurisation des transitions professionnelle. Recruter 200 000 personnes dans les services publics.

Les salaires Les programmes des quatre candidats sont voisins. Aucun ne précise ce que deviendra la prime d’activité si le SMIC est massivement revalorisé.

Les quatre candidats s’engagent à assurer rapidement l’égalité salariale femmes/hommes.

FR veut faire passer rapidement le SMIC à 1500 euros net par mois (1923 euros brut). Revaloriser automatiquement les seuils de salaires des accords de branches. Augmenter de 30 % les salaires de la fonction publique. Reconnaître les qualifications réelles et augmenter les salaires des métiers essentiels, donc les emplois du médico-social.

JLM veut faire passer le SMIC à 1400 euros net. Limiter de 1 à 20 le ratio entre le plus bas et le plus haut salaire de l’entreprise (cela ne toucherait que de très hauts dirigeants). Revaloriser le traitement des fonctionnaires. Revaloriser les métiers du soin. Interdire les stock-options et les parachutes dorés. Plafonner les versements de dividendes aux actionnaires.

AH veut augmenter le SMIC de 15 % (soit à 1460 euros). Organiser une conférence sur les salaires et inciter à des négociations par branches. Revaloriser les salariés essentiels. Au-delà de 20 fois le salaire le plus bas de l’entreprise, les salaires ne seront plus déductibles de l’IS.

YR veut augmenter le SMIC de 10 % immédiatement puis le porter à 1500 euros nets dans 5 ans. Revoir les échelles de salaire dans les conventions collectives. Revaloriser le point d’indice dans la fonction publique. Revaloriser les métiers du soin, du lien, de l’éducation. Rendre non déductible de l’IS les salaires au-delà de 20 SMIC.  

Les pouvoirs dans l’entreprise

La question des pouvoirs dans l’entreprise est cruciale pour la transition écologique et sociale. Un programme écologique est-il compatible avec le maintien de firmes orientées vers la maximisation de la rentabilité du capital ? Comment gérer une entreprise avec d’autres finalités ? Selon moi, les programmes ne donnent pas à cette question l’importance qu’elle mérite. Ils ne disent pas clairement qu’il faut, en quel sorte, sortir du capitalisme.

Restaurer les CHSCT (JLM, FR, YJ). Rétablir la hiérarchie des normes (JLM, FR)

JLM veut augmenter la représentation des salariés dans les conseils d’administration à au moins un tiers et inclure d’autres parties prenantes (associations d’environnement ou de consommateurs). Accorder au comité d’entreprise un droit de veto sur les licenciements et un droit de contrôle sur les finances de l’entreprise.   Doubler les effectifs de l’inspection du travail.

Pour AH, les entreprises de plus de 1000 salariés devront compter 50 % d’administrateurs salariés dans les conseils d’administrations et leurs comités (AH)

YJ veut 50 % de représentants des salariés dans les CA. Introduction d’un chèque syndical.

FR veut abroger la loi El Khomri et les ordonnances Macron. Donner de nouveaux droits décisionnels aux salariés dans l’organisation du travail, la gestion et les orientations stratégiques, un droit de véto sur les décisions de licenciements et de restructuration. Une présence accrue des administrateurs salariés dans les CA pour un changement majeur du pouvoir économique. Organiser des conférences permanentes pour l’emploi, la formation, la transformation écologique des productions. Engager une réappropriation publique et sociale de la SNCF, d’EDF, d’Engie, de la Poste et de France Télécom.

Monnaie, finance

JLM veut séparer les banques de détails et les banques d’affaire. Créer un pôle bancaire public. Socialiser les banques généralistes. Restaurer un circuit du Trésor. Instaurer une vraie taxation des transactions financières. Interdire les produits financiers toxiques. Mettre fin à la cotation en continu des entreprises. Interdire de verser des dividendes supérieurs aux profits (ces propositions sont bien sur totalement incompatible avec l’Europe monétaire et le marché unique des capitaux, mais JLM l’assume).

Il veut réaliser un audit citoyen de la dette publique pour en déterminer la part illégitime et préparer un réaménagement négocié de la dette publique (Aucune partie de la dette publique française n’est illégitime, au sens où elle aurait été émise par un gouvernement non élu démocratiquement. Vu le bas niveau des taux d’intérêt, on voit mal ce qu’il y aurait à négocier).

JLM veut exiger de l’Union Européenne que la BCE transforme la part de dette des États qu’elle possède en dettes perpétuelles à taux nul (en fait, une dette perpétuelle à taux nul a une valeur nulle, ce serait donc une annulation) ; faire racheter par la BCE la dette publique qui circule sur les marchés financiers (JLM) (c’est une proposition illusoire[2]. La dette publique française détenue par le SEBC l’est en fait par la Banque de France, filiale financière de l’État, qui s’est endettée auprès des banques commerciales pour acheter des titres publics français. Les annuler ne réduirait pas la dette publique, mais la ferait porter par la Banque de France. Nul ne serait dupe de cette dissimulation de la dette publique).

AH veut imposer aux banques et aux assurances une pénalité sur leurs investissements dans les énergies fossiles et les secteurs les plus polluants. Rendre obligatoire le respect de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance dans leurs investissements.

YJ veut mobiliser l’épargne au service du climat et de la justice sociale. Il veut rendre plus transparent l’impact des placements financiers. Le LDDS financera uniquement des projets de développement durable et solidaire (l’annulation des titres publiques détenus par la BCE qui figurait dans le programme EELV ne figure heureusement plus dans le programme Jadot).

FR propose la nationalisation et socialisation des grandes banques et assurances privées, qui ouvriront des pouvoirs nouveaux aux travailleurs, qui mettront en œuvre de nouveaux critères d’efficacité. Constitution d’un pôle financier public. Des prêts superbonifiés pour les PME. Des taux de refinancements de la BCE différenciés selon l’usage des crédits. Un Fonds de développement géré par la CDC, refinancé par la BCE, pour financer le développement des services publics. La France agira pour la convocation d’une conférence sur la dette (Même question : que négocier compte tenu du bas niveau des taux d’intérêt ?). Elle refusera de faire payer aux peuples la dette Covid. La BCE ne sera plus indépendante, mais placer sous le contrôle démocratique des États et des peuples (cela demande une renégociation des Traités). Un fonds européen alimenté par la création monétaire de la BCE financera le développement humain et environnemental (est-ce le rôle de la BCE de financer directement des investissements publics ? pourquoi ne pas compter sur les crédits du secteur bancaire public ?).

Fiscalité

Les programmes ne comportent pas la taxe carbone ou la taxe générale sur les activités polluantes, mais souvent envisagent d’introduire des critères écologiques dans les autres impôts (ISF, IS), ce qui est, selon moi, compliqué et peu réaliste.

Lutter contre l’évasion fiscale, la fraude fiscale, les paradis fiscaux (YJ, AH, JLM, FR)

JLM propose d’annuler les cadeaux fiscaux accordés aux grandes entreprises ces dix dernières années. Abolir les privilèges fiscaux du mécénat culturel. Rendre l’IS progressif selon le montant des bénéfices et en pénalisant le versement de dividendes.  Rétablir et renforcer l’ISF en intégrant un volet climatique. Rétablir l’exit tax. Imposer les revenus du capital comme ceux du travail Rendre l’IR plus progressif avec 14 tranches (l’idée que l’IR est d’autant plus progressif qu’il a de tranches est erronée ; à la limite, l’impôt le plus progressif comporterait avec une seule tranche, 100%, avec redistribution forfaitaire) ; rendre la CSG progressive avec 14 tranches (ce qui revient en fait à la fusionner avec l’IR). Réduire la TVA sur les produits de première nécessité ; l’augmenter sur les biens de luxe. Évaluer toutes les dépenses fiscales. Transformer toutes les réductions d’impôt en crédit d’impôt. Instaurer un impôt mondial sur les particuliers et les entreprises. Taxer les entreprises ayant bénéficié de la crise sanitaire.

JLM veut refonder la taxe foncière pour la rendre progressive et que chacun paie à hauteur de son patrimoine total réel. La taxe foncière est un impôt local ; la faire porter sur l’ensemble du patrimoine total réel (?) suppose qu’elle devienne un impôt national, qui ferait double emploi avec l’ISF que l’AEC veut justement rétablir.

JLM veut mettre fin au quotient conjugal, «système patriarcal favorisant les inégalités salariales entre les femmes et les hommes ». « Remplacer l’injuste quotient familial fiscal actuel par un crédit d’impôt que pourraient toucher toutes les familles ».  Faut-il surtaxer les couples à revenu inégaux ? Ne plus tenir compte des enfants dans le calcul de l’IR ? Faut-il oublier que les parents partagent leurs revenus avec leurs enfants[3] ?

AH veut créer un ISF Climat et biodiversité (pour 5 milliards d’euros) pour financer la transition énergétique. Elle veut surtaxer les placements dans les énergies fossiles. Les recettes liées à la fiscalité écologique seront partagées, moitié pour des investissements écologiques, moitié pour les ménages les plus pauvres frappés par les hausses de prix. Abaisser la fiscalité des successions pour 95 % des Français (difficile quand elle ne frappe déjà que 15 % des Français) en augmentant la fiscalité sur les très hautes successions (au-delà de 2 millions d’euros, ce qui rapporterait 8 milliards). La réforme de la fiscalité des multinationales rapporterait 6 milliards. La lutte contre la fraude fiscale rapporterait 6 milliards. L’impulsion donnée à la croissance rapportera 10 milliards (ce qui correspond seulement à une croissance supplémentaire de 0,8 %). Baisser la TVA sur la facture de gaz naturel et d’électricité et la baisser sur l’essence en cas de flambée des prix. Créer une TVA à taux réduit sur les produits verts (recyclage, produits bios) (sympathique, mais compliqué, comment définir fiscalement un produit bio ?) Créer un bonus/malus des cotisations patronales selon la part des salaires (trop compliqué, il vaudrait mieux étendre les cotisations maladie et famille à l’EBE).

FR propose un IS progressif selon le chiffre d’affaires, modulé selon la stratégie des entreprises (difficile, sinon impossible, à gérer). Supprimer les exonération fiscales et sociales qui n’ont d’autre effet que de gonfler les profits (peut-on supprimer les exonérations de cotisations au niveau du Smic, en même temps qu’il est augmenté de 18% et que la durée du travail est réduite de 8,6% ? Cela fait quand même une hausse de 80% du coût du Smic pour l’entreprise).  Instaurer un impôt local progressif sur le capital des entreprises, avec une contribution nationale sur les actifs financiers. Les cotisations sociales des entreprises seraient modulées selon l’évolution de leur masse salariale (difficile à gérer et dangereux du point de vue de la Sécurité sociale qui taxerait moins les secteurs en croissance et plus les secteurs en difficulté), avec une cotisation sur les revenus financiers des entreprises. Le financement de la Sécurité sociale par les cotisations sera remis en vigueur. La CSG disparaîtra progressivement (quid des prélèvements sociaux sur les revenus du capital ? comment compenser la perte de 140 milliards d’euros ?).  Les impôts indirects (TVA, TICPE) seront réduits.  L’IR sera rendu plus progressif avec 15 tranches. La demi-part supplémentaires des veuves sera restaurée (il serait préférable de donner 1,25 part à toutes les personnes vivant seules). L’ISF sera rétabli sans niches fiscales. La fiscalité des donations et successions sera plus progressive (avec une franchise à 170 000 euros) en tenant compte de la richesse des héritiers ; les niches seront supprimées.  La TTF sera renforcée. Les aides aux entreprises non contrôlées seront supprimées (CICE, niches fiscales) ; le CIR sera remplacé par un crédit bonifié pour la recherche et la formation des salariés. La France proposera la création d’une institution internationale chargée de lutter contre la fraude fiscale. Elle proposera l’instauration de serpents fiscaux européens (un taux plancher et un taux plafond). En fait, la France a besoin pour financer ses importantes dépenses publiques et sociales de ressources importantes, automatiques, faciles à gérer comme la CSG, la TVA, les cotisations sociales. Il est dangereux de les mettre en cause.

YJ veut un bonus-malus écologique pour tous les impôts (là aussi, trop compliqué) ; un ISF sur les patrimoines supérieurs à 2 millions dont le taux dépendra de l’engagement des patrimoines dans la transition écologique (il rapporterait 15 milliards) ; un IS dépendant du comportement vertueux ou non des entreprises (compliqué). L’IR sera rendu plus progressif. Les revenus du capital seront taxés comme ceux du travail. La TVA sera supprimée pour les produits bio (avec les problèmes de définition, en particulier pour les produits importés). Moduler la TVA en la baissant sur le bio, le réparable, l’obsolescence programmée, le trop salé, trop sucré, les km inutiles (ingérable et les ressources fournies par la TVA sont indispensables). Alourdir la taxation des successions de plus de 2 millions (pour 8 milliards) ; instaurer un seuil de taxation de 200 000 euros. Taxer selon les donations et successions reçues tout au long de sa vie.  Rétablir les impôts de production supprimés en 2021. Établir à l’échelle de l’UE un taux minimal de l’IS de 25 % sur les multinationales. La contribution carbone n’augmentera qu’en cas de forte baisse du prix de l’énergie. Supprimer les permis d’émission gratuits. Introduire le mécanisme d’ajustement aux frontières. Supprimer le quotient conjugal « pour une plus grande justice entre les femmes et les hommes ». (Cela revient à surtaxer les couples à revenus inégaux en accusant le conjoint à plus haut salaire de ne pas partager ses revenus avec les membres de sa famille ; la suppression du quotient familial, qui figurait dans le programme EELV, ne figure plus explicitement dans le programme Jadot ;  la suppression du quotient conjugal devrait entraîner en toute logique celle des pensions de réversion, chiche ! ).

Politique sociale

Individualiser et augmenter l’AAH (AH, JLM, FR, YJ). Supprimer les sorties sèches de l’ASE (FR, JLM, YD). Élire les gestionnaires de la Sécurité sociale (FR, JLM) ;

Assurer la gratuité des protections périodiques (JLM). La gratuité des protections hygiéniques, parce qu’il s’agit de produits de première nécessité, sera assurée (FR). Le coût des protections périodiques est de l’ordre de 5 euros par mois. Faut-il mettre sur pied un système de gratuité, forcement compliqué, alors que la mise en place d’un revenu minimum, pour les adultes et les jeunes, doit garantir qu’aucune femme ne puisse avoir des difficultés à dépenser 5 euros par mois ?

JLM propose de bloquer (puis d’encadrer) les prix des produits de première nécessité. Restaurer le droit à la retraite à 60 ans à taux plein pour 40 années de cotisation. Tenir compte des années au RSA pour valider des trimestres.  Porter au SMIC les retraites pour une carrière complète. Porter le minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté (c’est déjà le cas, compte tenu des allocations logement). Indexer les retraites sur les salaires. Augmenter le taux de cotisation retraite de 0,25 point par an. Soumettre à cotisation les rémunérations extra-salariales et les revenus financiers des entreprises (peut-on prélever des cotisations retraite sur des revenus financiers, qui n’ouvriraient pas de droits. C’est mettre en cause le caractère contributif des pensions de retraite). Créer un service public de la dépendance. Créer une garantie d’autonomie de 60 % du revenu médian (1063 euros) pour chaque personne, y compris les jeunes détachés du foyer fiscal parental (les enfants semblent oubliés).

AH veut maintenir l’âge légal de la retraite à 62 ans. Porter le minimum vieillesse à 1000 euros et le minimum contributif à 1200 euros.  Rétablir les 10 conditions de pénibilité. Créer un « minimum jeunesse » sous condition de ressources, avec un accompagnement vers l’emploi et l’autonomie. Donner 5 000 euros à chaque jeune à 18 ans. Attribuer l’ARS dès la maternelle.

FR veut rétablir la retraite à 60 ans avec une pension de 75 % du salaire net, sur la base des 10 meilleures années. Départ anticipé pour les métiers pénibles. Faire passer le minimum contributif à 1200 euros. Ouvrir le RSA au moins de 25 ans, « en attendant la mise en place du service public de l’emploi et de la formation qui garantira à tout jeune un emploi ».

YJ veut créer un revenu citoyen pour assurer à chacun 918 euros par mois à partir de 18 ans en faisant passer le RSA à 740 euros et en tenant compte des allocations logement. Restaurer le compte personnel de pénibilité dans le calcul des droits à retraite. Ne pas reporter l’âge de départ à la retraite. Faire échapper toutes les personnes âgées à la pauvreté (c’est déjà le cas si on considère qu’être dans la pauvreté c’est avoir un revenu au seuil de pauvreté à 60% du revenu médian). Augmenter les allocations familiales à 70 euros par enfant, dès le premier enfant (les familles nombreuses touchent plus actuellement). Instaurer un congé de parentalité de même durée pour les femmes et les hommes.

Les enfants et les prestations familiales sont totalement oubliées par JLM, FR, AH ; YJ oublie les familles nombreuses. FR ne préconise pas la hausse et l’extension des minimas sociaux ; il compte sur la hausse des salaires, le plein-emploi, la sécurité sociale professionnelle.

Les services publics : santé.

Améliorer la prise en charge de la dépendance (hausse de l’APA, revalorisation des métiers de soin, augmenter le nombre de soignants dans les EHPAD, transformer les EPHAD) (AH, JLM, FR, YJ). Garantir l’accès à des services publics de proximité. (YJ, FR).

FR veut aller vers une véritable prise en charge à 100 %. Supprimer les franchises médicales. Interdire les dépassements d’honoraires. Lutter contre les déserts médicaux en interdisant les installations dans les zones denses. Développer les centres de santé et les hôpitaux de proximité. Ouvrir 12 000 places d’étudiants en médecine (au lieu de 8 000). Développer l’hôpital public, mettre fin à la T2A, remplacer les ARS par des services à gestion tripartite (usagers, élus, professionnels de santé). Créer un pôle public du médicament. Faire des vaccins et des médicaments, des biens communs. Créer un grand service public des aides à domicile. Financement par une taxe de 2 % sur les dividendes.

AH veut consolider le rôle de l’hôpital public. En finir avec l’ONDAM et la tarification à l’acte. Imposer aux médecins libéraux d’assurer des permanences. Augmenter le nombre d’étudiants en médecine et infirmiers. Obliger les étudiants à faire une année de professionnalisation dans les déserts médicaux (contestable. Les habitants des déserts médicaux ont droit à des médecins complètement formés). Donner la priorité à la prévention.

JLM veut reconstruire le service public hospitalier ; rouvrir des services d’urgences et des maternités. Supprimer la T2A. Revaloriser les salaires du personnel soignant. Augmenter leurs effectifs. Combattre les déserts médicaux. Créer des réseaux de centres de santé. Instaurer le 100 % Sécu. Créer un pôle public du médicament.

YJ veut faire de la santé environnementale une priorité. Lancer un plan d’urgence pour les hôpitaux ; reprendre leur dette. Revaloriser de 10 % le salaire des soignants. Piloter le système de santé par des collectivités de santé territoriales.  Augmenter le nombre d’étudiants en médecine. Réserver la T2A aux actes techniques. Augmenter le nombre de lits. Interdire les installations de médecins dans les zones déjà pourvues. Obliger les jeunes médecins à faire 3 ans dans les zones sous-dotées. Encadrer l’industrie du médicament.  

Les services publics : école, enseignement supérieur

Créer un service public de la petite enfance. Supprimer Parcoursup (AH, JLM, FR, YJ).

JLM veut reconstruire l’école pour l’égalité et l’émancipation. Assurer la gratuité réelle de l’éducation publique. Réduire les effectifs par classe. Instaurer une nouvelle carte scolaire.  Étendre la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans. Rattraper le gel du point d’indice. Rétablir le diplôme national du baccalauréat. Abolir les privilèges de l’enseignement privé. Augmenter le nombre de lycées professionnels publics. Interdire les diplômes privés professionnels. Instaurer la gratuité de l’enseignement supérieur. Garantir à tous les bacheliers l’accès à la formation de leur choix (c’est sans doute illusoire). Augmenter le budget des universités et centres de recherche. Abroger la loi LRU et la loi Fioraso. Construire 15 000 logements universitaires par an ;

AH veut rémunérer les enseignants à la hauteur de l’importance de leur mission. Rattraper le niveau de rémunération des enseignants des autres pays européens. Déployer des pédagogies plus ouvertes et plus inclusives. Donner un statut aux AESH. Mettre fin aux ghettos scolaires. Mettre en place un plan de rattrapage des conditions d’étude dans chaque université. Ouvrir des places dans les formations les plus demandées. Remplacer Parcoursup par des règles transparentes, justes et humaines. Développer les formations en alternance qui doivent devenir la règle

YJ veut recruter 65 000 enseignants et augmenter leurs rémunérations. Faire une conférence de consensus sur l’école pour rompre avec l’enseignement intensif et les évaluations anxiogènes et mettre en place des pédagogies d’apprentissage par l’expérience. Enseigner au collège les savoirs pratiques (réparation, cuisine, jardinage) pendant 2 heures par semaine.  Garantir une pause méridienne de 2 heures. Mettre en œuvre une politique de mixité sociale et scolaire. Ouvrir l’école à des partenariats avec des associations et le tissu économique. Valoriser la voie professionnelle.   Remplacer Parcoursup par un système transparent. Créer des places dans les formations courtes (BTS, DUT) préparant aux métiers de la transition, de la santé et du social. Créer 10 000 postes d’enseignants-chercheurs. Rétablir la quasi-gratuité de l’enseignement supérieur.

FR veut augmenter le temps scolaire. Supprimer les devoirs à la maison pour le primaire. Augmenter de 45 % le budget de l’éducation nationale. Embauche de 90 000 enseignants. Faire de la réussite scolaire une priorité. Rétablir le baccalauréat. Supprimer la sélection à l’entrée de l’université. Faire passer le budget de l’enseignement supérieur de 14 à 20 milliards. Donner un nouvel élan à la recherche publique (+ 15 000 enseignants chercheurs). Faire passer le parc du Crous de 175 000 à 525 000 logements. Gratuité du permis de conduite et des transports urbains pour les jeunes de moins de 25 ans. Généraliser le repas à 1 euro dans les cantines scolaires pour un repas de produits bio et locaux. Assurer aux étudiants un revenu de 850 euros par mois, financé par une nouvelle cotisation sociale (coût 30 milliards, soit 2 points de CSG).

Questions de société

Lutter contre la concentration des médias, pour leur indépendance et leur démocratisation (AH, JLM, FR, YJ). Renforcer l’audiovisuel public (AH). Droit de vote à 16 ans (AH, JLM). Mettre fin au recours aux cabinets de conseil privés (JLM, FR). Séparer l’argent de l’État, combattre les lobbys, (JLM). Séparer les lobbys de l’État (YJ). Éradiquer l’illettrisme (JLM). Abolir la prostitution (JLM, FR). Consacrer 1 milliard à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. (AH, JLM, FR, YJ). Abroger le passe sanitaire (JLM). Généralisation des droits palliatifs. Droit de mourir dans la dignité (AH, YJ, JLM)

Convoquer une conférence de consensus sur la libéralisation du cannabis (AH). Légaliser et encadrer par un monopole d’État la production et la vente de cannabis (JLM) Lutter contre le trafic de drogues. Ouvrir un débat démocratique sur la dépénalisation du cannabis (FR). Légaliser le cannabis (YJ)

Mettre en place un service citoyen obligatoire de 9 mois, rémunéré au SMIC, avec une formation militaire initiale, permettant la formation gratuite au permis de conduire (JLM). Qu’en penseront les jeunes concernés ?

Refuser la GPA (JLM). Ouvrir la PMA aux hommes transgenres (YJ, JLM). Reconnaître automatiquement la filiation des enfants nés à l’étranger de GPA (YJ). Faciliter les GPA à l’étranger est une position insoutenable, puisque les partisans de la GPA auront beau jeu de dire que seuls les plus riches peuvent payer une GPA à l’étranger, et qu’il faut ouvrir cette possibilité à tous.

Abroger le Concordat (JLM, FR). « Les atteintes à la laïcité seront sanctionnées ; les professeurs seront protégés de toute pression extérieure sur la pédagogie ou les programmes » (AH).  « Les intégristes entendent faire prévaloir leurs préceptes religieux sur la loi commune. D’aucuns cherchent également à dévoyer le principe de laïcité afin d’en faire un outil de discrimination et d’exclusion. L’heure est venue de réhabiliter l’idéal de la laïcité » (FR) « Nous restaurerons une laïcité apaisée. Nous ferons scrupuleusement respecter la loi de 1905 sur la laïcité. Nous refuserons et combattrons toute instrumentalisation de la loi de 1905 » (YJ). « Nous devons respecter la laïcité et nous en tenir aux principes très clairs énoncés par la loi de de 1905. Elle ne doit pas servir à montrer du doigt les croyants d’une religion, comme cela a été fait, dans la période récente, contre les musulmans » (JLM). Des positions identiques, qui ménagent la chèvre et le chou. J’aurais préféré des positions plus affirmées contre l’islamisme politique. FR est plus net dans sa campagne.

Migration. Les quatre programmes ont des positions voisines.

JLM se prononce pour une politique migratoire humaniste et réaliste. Éviter aux migrants de devoir fuir leur pays en aidant celui-ci. Assumer notre devoir d’humanité envers les réfugiés. Prendre en charge les migrants par un guichet unique. Régulariser les travailleurs et les parents d’enfants scolarisés.

Pour AH, l’UE doit parvenir à se doter d’une politique migratoire plus humaine, solidaire et efficace. Refonte complète du système de Dublin. Un accueil digne des demandeurs d’asile. Lutte contre les voies de l’immigration clandestine. Relance de la politique d’intégration.

FR veut renforcer la politique d’accueil des réfugiés. Dénoncer les accords de Dublin et du Touquet. Ouvrir des voies légales pour les migrants. Interdire les tests osseux sur les mineurs. Régulariser les travailleurs sans papiers. Garantir le droit d’asile.

YJ veut respecter les droits fondamentaux des migrants. Interdire les tests osseux sur les mineurs. Régulariser les personnes installées en France. Faciliter les démarches à partir du pays d’origine.

Europe

JLM se méfie de l’Europe ; FR croit possible de la changer. Au contraire, AH lui fait confiance et compte s’appuyer sur elle. Jadot se prononce pour l’Europe fédérale.  Aucun programme réclame que la BCE garantisse totalement les dettes publiques des pays membres.

JLM propose une stratégie en deux temps. Plan A : rupture concertée avec d’autres pays membres d’avec les traités actuels et négociation de nouveaux traités. Plan B : confrontation avec les instances européennes, utiliser le droit de veto de la France ; conditionner la contribution française au budget européen ; ne plus appliquer les règles incompatibles avec notre programme. « En tout état de cause, nous appliquerons notre programme ».

FR veut refonder la construction européenne. Mettre fin au Pacte de Stabilité. Inciter chaque pays à dépenser 6 % de son PIB pour la transition écologique. Organiser une conférence sur la dette. Mettre fin à l’indépendance de la BCE. Lui faire financer un fonds européen pour le développement humain et environnemental. Dénoncer les traités de libre-échange. (Cela suppose une refonde complète des Traités, que le nombreux autres pays membres n’accepteront pas). Mettre en place une Europe en géométrie choisie. La France agira pour étendre l’usage des DTS, pour une réforme du FMI, de la Banque mondiale, de l’OMC (remplacée par Organisation mondiale de maîtrise des échanges, des investissements et de partage des biens communs, notamment des brevets).

AH estime que l’Europe est « l’instrument de notre souveraineté ». « Elle a su trouver les moyens de permettre aux États de dégager les ressources nécessaires pour protéger les citoyens européens ». L’UE doit être dotée de nouvelles ressources propres : TTF, taxe sur les GAFAM, contribution carbone aux frontières, fraction de la TVA et de l’IS. Les règles budgétaires doivent être adaptées à la situation de chaque État et favoriser l’investissement. Il faut un nouvel agenda social européen. Mise en œuvre rapide du mécanisme d’ajustement aux frontières. Création d’une TVA à taux réduit sur les produits verts. Augmenter le Fonds pour une transition juste. La taxation minimale des multinationales doit se faire en Europe à un taux supérieur à 15 %. Conditionner la signature de tout accord commercial aux respects de critères sociaux et environnementaux.

YJ se prononce pour l’Europe fédérale. Faire passer certaines décisions à la majorité qualifiée. Développer les coopérations renforcées. Renforcer le rôle du Parlement européen. « Mettre fin au Pacte de stabilité et construire la convergence des États sur les critères renouvelés et conformes aux exigences de la transition écologique ». Réformer la politique commerciale pour y intégrer des clauses sociales et environnementales réellement contraignantes. Lutter contre la concurrence entre les salariés par la hausse des salaires. « Nous briserons le cercle vicieux des relations avec la Turquie et devrons trouver un modus vivendi avec notre grand voisin turc. Tout en s’opposant fermement à toutes les initiatives conflictuelles et en défendant les droits humains, nous proposerons d’établir un partenariat d’association étroit avec la Turquie, en approfondissant en particulier l’Union douanière » (Sans commentaire).

Remarque hors sujet :  tous les candidats présentent des programmes extrêmement détaillés, avec des propositions précises sur tous les sujets envisageables. Est-ce le rôle d’un Président de la république de pré-décider sur tous les sujets ? Que reste-t-il au Parlement, au débat démocratique ? Le vote pour un candidat donné n’implique pas l’approbation de tous les points de son programme. Un électeur peut voter Jadot, pour la transition écologique, sans soutenir son indulgence pour la GPA, ou l’association étroite avec la Turquie d’Erdogan.

Pour conclure.

Nous sommes en présence de quatre programmes de grande qualité, qui présentent de grandes similarités, même si celui de Anne Hidalgo est, dans l’ensemble, plus modéré. Deux lignes de fractures sont nettes : la première porte sur le programme nucléaire que Fabien Roussel veut développer tandis qu’Anne Hidalgo, Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot veulent mettre en extinction progressive. La deuxième porte sur l’Europe, Anne Hidalgo et Yannick Jadot la voit comme un moyen de faire avancer leur projet de transition écologique tandis que Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon estiment que son fonctionnement actuel, inscrit dans les Traités empêcherait toute politique autonome : il leur faut donc trouver des alliés pour changer les Traités ou leur désobéir. Il existe d’autres points de désaccord : ainsi, Fabien Roussel privilégie l’emploi plutôt que les minimas sociaux. Par ailleurs, il soutient que la BCE pourrait financer le développement économique et social par la création monétaire, ce qui peut probable du point de vue politique et contestable du point de vue économique. Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon sont pour un retour à la retraite à 60 ans, alors que Anne Hidalgo et Yannick Jadot s’engagent seulement à ne pas la reporter au-delà de 62 ans.

Cela dit, ces programmes me posent trois problèmes. Ils se prononcent tous pour le respect des engagements de la France en matière d’émission de gaz à effet de serre, pour la sortie des énergies fossiles, pour le respect de la biodiversité, mais ils ne semblent pas en tirer clairement les conséquences en termes de mode de vie (et Fabien Roussel sans doute moins que les autres). Aucun, par exemple, ne propose la hausse progressive de la taxe carbone, qui est indispensable pour introduire un mécanisme d’ajustement aux frontières ; la forte baisse de la consommation de viande ; le rationnement des voyages lointains, etc. Ils proposent de fortes hausses des salaires et des retraites en oubliant que la hausse de la consommation matérielle doit être globalement limitée de sorte qu’aujourd’hui la baisse des inégalités de consommation doit se faire essentiellement par la diminution du niveau de vie des classes supérieures, par la fin des consommations ostentatoires, par la lutte contre la création incessante de besoins nouveaux, tandis qu’il faut au contraire satisfaire les besoins de base de tous (logement décent, nourriture saine) et développer des consommations collectives et des consommations non marchandes, ayant peu d’impact matériel (santé, éducation, culture). Les programmes font, sans doute, trop confiance à l’investissement public pour satisfaire les contraintes écologiques sans renoncer à la croissance.

Les programmes de gauche se prononcent pour que les représentants des salariés occupent la moitié des postes aux CA des entreprises, que les objectifs des entreprises ne soient plus le profit, mais la sobriété et l’emploi (pour d’autres critères de gestion, comme dit le PCF), qu’ils s’inscrivent dans la planification écologique. Cela suppose, en fait, une sortie du capitalisme, dont la portée n’est pas clairement assumée. Fabien Roussel a le mérite de bien voire que satisfaire les revendications populaires demanderait une forte hausse de la production. Les représentants des salariés sont-ils prêts à prendre les commandes ?

Enfin, les programmes des partis de gauche reprennent les diverses revendications des syndicats et mouvements progressistes, ce qui est légitime, mais cela sans réel arbitrage, que ce soit la hausse du SMIC, des salaires des fonctionnaires, la hausse et l’extension du RSA, l’égalité des salaires femmes/hommes, la hausse des emplois publics, la baisse de l’âge de départ à la retraite. Les mesures nécessaires de restructuration de l’économie (comme la réindustrialisation, le tournant écologique, l’intervention des travailleurs dans la gestion des entreprises) ne peuvent avoir elles des effets favorables qu’à plus long terme. De sorte qu’un gouvernement de gauche aura le choix entre ne tenir que progressivement  ses engagements, ce qui pourrait être considérer comme une trahison ; se retrouver en face de déséquilibres importants, en termes de situation financière des entreprises et de solde extérieur ; assumer frontalement la lutte de classe en réduisant fortement le niveau de vie des classes supérieures, en prenant le contrôle des entreprises, en se heurtant aux règles de la zone euro et de l’UE.

[1] Certains thèmes, éloignés de mes compétences, ont été omis pour ne pas trop allonger le document (outre-mer, ESS, handicap, police, justice, démocratisation...). Mes commentaires sont en italiques.

[2] Voir, par exemple, « En finir avec le mythe de l’annulation de la dette publique ? »

[3] Voir ma note : « Un regard amusé sur les programmes présidentiels ».

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