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Billet de blog 2 juin 2020

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L'auto-organisation : pour fédérer ou exclure ?

Plusieurs dizaines de signataires de la tribune « Se fédérer », dont de très nombreux intellectuel.le.s, appellent à s'auto-organiser pour agir contre le capitalisme. Aucune référence n'est faite aux forces structurées - partis, syndicats, associations- qui, de longue date, s'opposent elles aussi à « ce système qui a fait son temps ».

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Il faut se rendre à l'évidence, le jour d'après sera pire que celui d'avant. Le pouvoir politique, tout dévoué au néolibéralisme, ne lâchera tout au plus que des broutilles. Pour prévenir les contestations qui ne vont pas manquer d'éclater, il fourbit tout un arsenal liberticide dont nous en avons les prémices avec les lois d'urgence sanitaires et autres ( https://blogs.mediapart.fr/hillel-roger/blog/260420/dangereuse-extension-de-letat-dexception-aux-depens-de-l-etat-de-droit). La gravité de la situation n'échappe pas aux contestataires de l'ordre social dominant, celles et ceux qui veulent se débarrasser, non seulement de Macron et de son gouvernement, mais aussi du système qu'ils incarnent. Avec la crise sanitaire, des citoyen.e.s, jusque là peu engagé.e.s, en ont pris récemment conscience. Elles et ils sont venus grossir les rangs des contestataires de longue date, pour la plupart membres d'organisations progressistes, qu'elles soient politiques, syndicales ou associatives. Ce qui est nouveau, c'est que parmi ces organisations, dix huit d'entre elles, et non des moindres, se sont déclarées « convaincues que les réponses aux urgences sociales et écologiques doivent être construites ensemble ». Il n'est pas exagéré de qualifier d'historique, la convergence de ces organisations : Amis de la Terre France, Attac, CGT, Confédération paysanne, FSU, Greenpeace France, Oxfam France, Union syndicale Solidaires, 350.org, Action Non-Violente COP21, Alternatiba, CCFD-Terre Solidaire, Droit au Logement, FIDL, Fondation Copernic, Syndicat de la magistrature, UNEF, UNL. Dans la foulée de leur tribune commune « Plus jamais ça », datée du 18 mars, elles se sont concertées pendant plusieurs semaines et ont abouti à un « Plan de sortie de crise » constitué d'une série de mesures dont, spécifient-elles, « La relative précision (...) poursuit deux objectifs. D’abord, signifier que nous ne nous contenterons plus des grands mots, des déclarations d’intention, des formulations creuses (…) Ensuite, notre but est de faire la démonstration qu’il y a des alternatives au capitalisme néolibéral, productiviste et autoritaire, et que ces alternatives sont crédibles, désirables et réalisables (...) »

Un « front élargi et inédit » mais sans partis politiques

Qu'est ce qui peut expliquer que dans ce « front élargi et inédit », ne figure aucune organisation politique ? La première raison pourrait être l'habituelle défiance à l'égard des partis politiques, soupçonnés de vouloir instrumentaliser, voire noyauter, les syndicats et les associations. Il est vrai, que ces pratiques ont existé lorsque le courant réformiste et celui révolutionnaire étaient forts et que leur concurrence marquait la vie politique française. Mais, nous n'en sommes plus là. L'alternance hégémonique entre socialistes et communistes est loin derrière nous. La charte d'Amiens, qui interdisait aux syndicats d'agir avec des partis politiques, n'a plus de sens. On se rappelle qu'il y a encore quelques années, le FN s'est cassé le nez dans sa tentative d'infiltration de la CGT. De son côté, La FI a très vite compris qu'il ne fallait même pas y songer. En fait, cette explication semble peu plausible, car cette défiance n'est plus que résiduelle. Il faut plutôt avancer une autre explication à l'absence de partis politiques dans ce « front inédit et élargi ».

Qu'en est-il des forces politiques de gauche ?

Je pense que c'est la désunion des partis politiques de gauche qui n'incite pas les organisations à travailler en confiance avec eux. Il faut se rendre à l'évidence, ils ne manifestent pas une volonté commune, à tout le moins, d'agir de concert pour se débarrasser, non seulement de Macron et de son gouvernement, mais aussi du système qu'ils incarnent. Pourtant, ces jours derniers, deux tribunes ont été publiées qui laissaient espérer que quelque chose allait se produire : « Deux textes, initiés par des figures connues d'organisations qui contestent, plus ou moins radicalement, le monde d'avant, appellent à se rassembler pour construire des dynamiques collectives. Toutes les composantes de la gauche politique y figurent, à l'exception notable de France insoumise. » (https://blogs.mediapart.fr/hillel-roger/blog/180520/sy-mettre-ensemble). Depuis, rien ne laisse penser qu'il y aurait des discussions aussi bien interpartis, qu'entre eux et les autres organisations, en vue de préparer des ripostes communes aux mesures antisociales et liberticides que concocte le pouvoir. De toute façon, si tel était le cas, le silence dont elles sont entourées ne serait pas de nature à favoriser les mobilisations futures.

Le paradigme ambiguë de l'auto-organisation

Pendant que les partis pédalent dans la choucroute, des initiatives sont prises en dehors d'eux.Un appel, « Se fédérer », soumis à signature, vient d'être lancé, par plusieurs dizaines de militant.e.s et d'intellectuels, qui précisent être engagé.e.s « dans des associations, collectifs, organisations et syndicats divers ». (http://sefederer.mystrikingly.com/). Les signataires déclarent « assumer une opposition au capitalisme, sans imaginer un seul instant qu’on pourrait passer avec lui des compromis ». Tout est dit de ce système qui « n’a pas d’autre principe que celui du profit. Cette logique dévoratrice est cynique et meurtrière, comme l’est tout productivisme effréné. ». C'est un langage auquel un vieux contestataire de mon acabit ne peut qu'adhérer. Pour autant, ce texte me met mal à l'aise. Je m'explique : les signataires se proposent de « rassembler les forces par l'auto-organisation », affirment vouloir faire de « l’auto-organisation comme de l’autonomie de nos actions un principe actif... », et posent « l’auto-organisation comme manière de prendre nos affaires en mains ». Voilà qui est fort légitime. Mais, à aucun moment, il n'est fait référence à l'existence des forces structurées de longues date, dans lesquelles figurent pourtant bon nombre des signataires. Suggèrent-ils par là qu'ils prennent leur distance avec elles ? Entendent-ils par là ne vouloir rien faire avec elles ? Prétendent-ils par là leur dénier tout rôle spécifique ?

Des éclaircissements s'avèrent nécessaires.

Roger Hillel 2 juin 2020

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