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Billet de blog 19 août 2025

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Vocabulaire : le terme « génocide » est encore interdit dans de nombreux media mais savez-vous ce que veut dire "to gaza a story" dans certains media anglophones ? C'est révélateur !

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Le terme « génocide » est toujours banni d'un grand nombre de media quand il s'agit de parler de Gaza. Pourtant, la cour internationale de justice avait émis un arrêt indiquant le risque de génocide et exigeant d'Israël qu'il cesse ses atteintes au droit humanitaire et au droit de la guerre (et cf. communiqué Amesty, Rafah, carep, Le Monde Diplo, Le Monde, Rafah). C'était il y a plus d'un an. Depuis Israël n'a fait qu'amplifier ces crimes en affamant la population civile, tuant certains de celleux venues dans l'espoir d'une très rare aide alimentaire, se comportant de façon de plus en plus immonde. Toutes les grandes organisations humanitaire l'écrivent : c'est un génocide ( MSF, Le haut commissariat de l'ONU pour les droits humains, Amnesty, ). On ne compte plus les rapports (FA1, rapport commité spécial ONU...) de l'ONU l'affirmant, l'historien et universitaire Israélien Lee Mordechai a écrit une suite de rapports détaillés qui le prouvent. Voici le dernier (Juillet 2025) (aussi cité par Edwy Plenel , ici) ) .

Mais certains refusent de même considérer la possibilité d'employer le terme de génocide (ou que leurs interlocuteurices l'utilisent) dans le contexte de Gaza.

Mais le conflit a aussi crée au moins un nouveau verbe en anglais : to "gaza" a story

Je l'ai lu dans le Guardian, peu soupçonnable d'anti-israélisme ou de sympathie propalestinienne. Sous la plume de Phoebe Greenwood, ancienne correspondante à Jérusalem ( elle y était bien avant 2020 ). L'article est intitulé « Mes années à couvrir gaza m'ont détruite. Pourquoi le monde a-t-il mis tant de temps à s'indigner »1 .
Elle y écrit :
« Nos collègues palestiniens sont assassinés en grand nombre et les journalistes occidentaux disent que ce n'est pas à eux de nommer le génocide. [...]  la BBC a décidé de ne pas diffuser son propre documentaire sur des médecins à Gaza [...] un.e ami.e, travaillant pour dans les informations télévisées, m'a dit qu'un nouveau verbe avait émergé : "to Gaza a story" [Gazafier(?)  une information (« histoire » mais signifiant information racontée)], qui signifie minimiser son importance éditoriale [au sens de ne pas la diffuser en fonction de son importance, mais comme si c'était une information mineure] »2

J'ai été très surprise de découvrir, grâce à Sanyet et à son commentaire, que, par une pure coïncidence, le terme en français existe déjà ! Il s'agit du verbe gazer, pas dans une acception courante mais dans un emploi probablement un peu désuet : Au fig., vieilli, littér. Adoucir, tempérer (des propos trop libres, des faits, des sentiments trop brutaux). Synon. censurer, édulcorer (acception C/).  Je ne résiste pas à citer un des exemples d'emploi donné par l'indispensable CNRTL :
« Dans le livre de l'abbé Omer Englebert sur saint François d'Assise, il y a d'intéressantes remarques sur la virginité du poverello, virginité qui est très délicatement mise en doute par son dernier biographe (...). Après sa mort, on a eu tôt fait de gazer tout cela et de nous donner à croire qu'il ne s'agissait que de chansons et de farandoles dans les rues d'Assise. Green, Journal,1949, p. 198. »
Merci donc à Sanyet pour cette petite pépite et au CNRTL pour nous permettre de redécouvrir la langue française.

Le reste de l'article est intéressant à lire. Cette censure partielle ( ou parfois totale si l'événement est tellement minimisé qu'il disparaît dans la forêt de l'information3 ), est patente dans la plupart des media. Comme l'écrit Phoebe Greenwood, comment se fait-il que la vérité (au moins une partie de ce qui se passe) ait mis tant de temps à percer ? Que même dans les rédactions les plus raisonnables, et je compte Mediapart parmi celles-ci, il ait fallu attendre 18 mois pour que l'importance du sujet soit réévaluée à la hausse ? Que la plupart des rédactions occidentales continuent de sous-estimer l'importance du génocide ? La situation semble une des pires en France, à l'exception peut-être de l'Allemagne et des États-Unis. N'est-ce pas là, la manifestation d'une palestinophobie répandue en occident ?

Contrairement à ce que le journal affirme, Mediapart n'a pas échappé à cette tendance au moins pendant de long mois. J'ai l'impression qu'un retournement a été amorcé par les partis pris d'Edwy Plenel : « Gaza : Monsieur le président, votre honte » puis « Palestine, une cause universelle » et confirmé par « En massacrant les journalistes de Gaza, Israël avoue l’ampleur de ses crimes » mais je ne connais rien de ce qui se passe en interne dans la rédaction du journal et cette impression est plutôt une intuition sans fondement. Il faut aussi noter que des articles de grande qualité comme ceux de Clothilde Mraffko et Gwenaelle Lenoir, par exemple, paraissent depuis longtemps dans le journal sur le sujet.

Cela n'empêche pas les couacs !

Comme quand la rédaction de Mediapart interdit la critique de certains media et censure un billet sur le traitement médiatique du génocide à Gaza. Et puis, on aurait aimé un communiqué de la rédaction dénonçant l'assassinat de six journalistes revendiqué par Israël en début de mois.

Alors je l'affirme à nouveau,
Je suis Anas !أنا أنس

1 : "My years reporting on Gaza broke me down. Why did it take so long for the world to become outraged?"
2 : "Our Palestinian colleagues are being murdered in staggering numbers and western journalists say it is not on them to name the genocide. Yet fiction writers do. In the interest of balance, the BBC has decided not to air its documentary about doctors in Gaza. Until this week, when even Donald Trump was forced to acknowledge “real starvation”, a friend working in television news told me a new verb had emerged: to Gaza a story, meaning to downgrade its editorial importance."

3 : в лес убежит, petite référence humoristique, malgré le contexte, un à proverbe russe que j'aime bien Работа не волк, в лес не убежит (Rabota nie volk, v les nie ubejit) le travail n'est pas un loup, il ne va pas s’enfuir dans la forêt.

edit 21 août 00:14 : correction de gazafier remplacé par gazer selon la suggestion de Sanyet dans son commentaire.

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