La liberté d’expression prend de sacrés coups dans les badigoinces. Caricatures, conférences en amphithéâtre ou publicités dans les gares interdites, séances de signatures perturbées, intimidations en tout genre, menaces de mort, morts. Il ne fait pas bon réfuter, argumenter, protester, dénoncer, blasphémer, de nos jours.
Par ailleurs, en France, la liberté d’expression est en plein boum continu ! Allez comprendre !
En fait, il n’y a pas de paradoxe. Tout dépend de ce que l’on a à dire. Liberté d’expression, à condition de penser comme il faut.
Sur le Club de Mediapart, cette liberté d’expression-là règne. N’importe quel abruti peut tenir tribune, j’en sais quelque chose.
Mais il faut s’en méfier de la liberté d’expression, même quand on pense comme il faut : voici une anecdote qui j’espère vous en convaincra.
Marcel-André Laburne tient un blog très dynamique, « Boulevard Épée-Cuchet. » Plusieurs billets par jour, brefs, souvent foutraques ou ineptes. Marcel-André est très pédant à l’occasion (avalanches d’auteurs mentionnés quand il s’avère incapable d’argumenter), souvent avec des insultes, dans le billet, mais aussi dans les commentaires quand il répond à quelqu’un qui a le malheur de ne pas être d’accord. Pour être pote avec Marcel-André, il faut être d’accord avec lui, si possible lui passer la brosse à reluire. Tiens par exemple, il s’entend bien avec V.E.U.L.
Mais parfois il met des trucs sympa. Exemple avec un live de Brassens, La supplique. 7 mn de bonheur, de souvenir, de grand texte, de nostalgie, de simplicité (guitare - contrebasse - chaise pour poser le pied), de perfection.
J’écoute religieusement, je recommande, et j’y vais de mon tiot grain de sel.

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(La capture d’écran, c’est parce que je connais le gugusse. Je sais qu’il est susceptible de supprimer un commentaire, pour couper le sifflet à qui lui répond « mal ». Et j’ai pris l’habitude de sauvegarder les fils menacés des ciseaux d’Anastasie.)
Je suppose que si Marcel-André mélange ici la politique avec la décadence intellectuelle de la chanson, c’est qu’il doit savoir que j’ai voté dernièrement pour le RN, RN qu’il conchie avec application, croyant certainement bien faire ! Briller en chaire, dans une église, en dénonçant le diable. Je ne lui jette pas la pierre, il fut une époque où moi-même…
https://blogs.mediapart.fr/jean-max-sabatier/blog/120824/confessions-j-avoue-j-ai-ete-con
C’est dommage, j’ai pas eu le réflexe de prendre sa dernière réponse. Il rétorquait « que nous ne serons jamais d’accord », et il me faisait « relire Plotin, Platon, Empédocle », et d’autres encore.
Un conseil quand vous parlez avec un con : répondez pas tout de suite. Prenez le temps de vous refaire un cortex en vaquant à autre chose. En l’occurrence, je suis allé faire mon pain, toute façon c’était l’heure. Rien de tel que de pétrir pour réfléchir.
Je suis allé ensuite informer Marcel-André de mon ignorance. Je comptais lui avouer que je ne connaissais pas les idées de Plotin, Platon, Empédocle et consorts sur la décadence intellectuelle de la chanson française au 21 ième siècle.
Mais y avait plus rien ! Le billet sur la Supplique pour être enterré sur la plage de Sète venait d’être enterré, désintégré, cancelisé. Avec son fil de commentaires, bien sûr. Explosion en vol.
Pour une fois qu’il avait pondu un billet sans aucune sottise, cuistrerie, insulte, diatribe ou anathème ! Sympa pour les gens qui avaient apprécié et contribué !
Y m’avait déjà fait ce coup-là, une fois. Et je pigeais toujours pas. J’ai de nouveau pris un temps. Cette fois-ci, je suis allé reposer la selle de ma vieille Honda, dont j’avais réparé la housse la veille. Et je crois avoir compris. Marcel-André a regretté d’avoir posté un texte d’authentique poésie française, donnant ainsi la possibilité à un facho comme moi de regretter la qualité perdue et d’accuser l’école gauchiste au lieu de vilipender le capitalisme.
Il a regretté d’avoir pris des libertés avec la liberté d’expression.
Il a alors exercé sa liberté d’auto-explosion.

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Cuistrerie et parano assez représentatives du Nouveau Fascisme Populaire de la Éléphie.
Bien que l’annulation de Brassens soit triste, l’épisode est encourageant : on voit que le fascisme (le vrai, celui qui coupe, insulte, vitupère, brandit, égorge) est tout à fait disposé à se prendre les pieds dans le tapis. Ayez confiance : le fascisme, le fascisme au Front Patibulaire de taureau, est sot, donc faible.
Et puis, voici réparée la cancelisation :
(C’est une autre vidéo. Sur celle que Marcel-André a postée, y avait des sous-titre importuns.)