Quand on l’a hissé sur le pont de l’Aquarius, mouillé et fripé, il grelottait. L’un de nous lui a enlevé son blouson en mauvais nylon pour l’enrouler dans une couverture. Sous sa veste, il portait un tee-shirt blanc inscrit : « J’aime pas le lundi ».
Nos nuits, parfois, sont hantées par des cauchemars anciens. Celui-ci m'a conduit sur une montagne russe de la guerre, avec ses explosions, ses cris de douleur, le hullulement des balles, la vie comme une nausée permanente. Soudain, Je sursaute. Je suis réveillé par le calme plat.
L’Aquarius vient du Nord. Ce garde-côte est taillé pour la mer Baltique et l’Atlantique-Nord où il a longtemps joué les chiens de garde pour les flottilles de pêche allemandes. La quarantaine bien trempée, il est fait pour la bise glaciale, les mauvais coups et la tempête, dur à manœuvrer par vent de travers, mais qui sait fendre les plus grosses vagues sans dévier d’un pouce.
À force d’être à l’écoute de l’Aquarius, ce bateau m’a raconté une histoire extraordinaire, celle de deux hommes à la mer. Le premier est né sur le port de Hambourg, entre mer du Nord et mer Baltique, les pieds sur le quai et le nez pointé vers le large.