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Billet de blog 4 mai 2024

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Salim Djaferi tord le cou au mot « koulounisation »

Comment dit-on colonisation en langue arabe ? Acteur et auteur de « Koulounisation », Salim Djaferi y répond avec des mots, de l’eau, des fils, etc, et d’abord avec finesse et brio.

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Illustration 1
Scène de "Koulounisation" © Thomas Jean Henri

Formé à l’école de Liège, Salim Djaferi était de la distribution du splendide Des caravelles et des batailles d’Elena Adoration et Benoît Piret (lire ici), il a aussi collaboré avec Adeline Rosenstein (Décris ravage, lire ici) à laquelle il a demandé d’être le regard dramaturgique de son premier spectacle Koulounisation.

Crée en 2001 aux Halles Schaerbeek à Bruxelles, le spectacle a suscité un formidable bouche à oreille au dernier Festival Off d’Avignon, il fait aujourd’hui salle comble au Théâtre de la Bastille. Nullement seul en scène, l’acteur dialogue constamment avec un décor aussi malin qu’évolutif où trônent des paquets de plaques en polystyrène dont on se demande à quoi elles vont pouvoir servir.

Rejeton d’un famille originaire d’Algérie, Salim Djaferi s’est évidemment penché sur l’histoire du pays où sont nés ses parents et sur la langue qui est la leur : l’ arabe. C’est ainsi qu’il demande un jour à sa mère et à sa tante comment on dit colonisation en arabe et les deux répondent d’un même mot : « koulounisation ». Un mot nullement arabe mais assurément bâtard qui ne le satisfait pas.

Commence alors une enquête autour des mots et pas seulement les avatars du mot colonisation mais aussi les aventures légales du prénom de sa mère et d’autres mots encore.

Le voici à Alger entrant dans une librairie et cherchant en vain le rayon des livres sur « la guerre d’Algérie » jusqu’à ce que la libraire lui indique que les livres sur ce sujet sont au rayon « Révolution ». Souvenons-nous qu’en France, les médias officiels de l’époque ne parlaient pas de « guerre d’Algérie » mais des « événements » qui s’y passaient, un peu comme le fait Poutine aujourd’hui à propos de l’Ukraine.

Poursuivant son enquête linguistique, on propose à Salin Djaferi plusieurs mots arabes traduisant le mot colonisation, l’un indiquant des choses que l’on s’approprie, un autre une chose que l’on vide et que l’on remplit, etc. Les traducteurs arabes de Franz Fanon proposeront un autre mot plus cinglant. Et la linguistique conduira Salim Djaferi  à explorer des mots comme torture

Une bouteille pleine d’un liquide rouge, une éponge entreront dans la danse comme les plaques de polystyrène et un fil sur lequel des pinces suspendront des papiers d’identité. Des éléments qui accompagnent Salim Djaferi dans sa recherche in fine identitaire. Un activisme constant commencé quand les spectateurs s’installent : l’acteur tente de démêler une pelote de fils et en tire quelques uns, le spectacle devenant en quelque sorte une métaphore de ce qu’il met en branle. C’est constamment inventif, aussi sérieux que ludique, plein de vivacité. A bas la colonisation et vive Koulounisation. A la fin des saluts l’acteur salue la lutte du peuple palestinien. Comment dit-on colonisation aujourd’hui à Gaza ?

Théâtre de la Bastille, 19h, les sam et dim 17h, sf les 8 et 9 mai, jusqu’au 13 mai.

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