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Paru il y a deux ans chez Verdier et aussitôt remarqué, le roman Partout le feu, signé Hélène Laurain, vient de paraître en Verdier-poche. Lors de sa parution, Hubert Colas, toujours à l’affût des textes qui brûlent, a eu tôt fait de le remarquer et, comme il est metteur en scène, de le porter sur un plateau. Le texte est ; lui, porté par une seule voix, celle de Laeti (Laetitia) qui a une sœur jumelle Margaux, nées une demie-heure avant explosion de Tchernobyl.
Le roman s’ouvre des années plus tard, quand Laeti, Taupe, Fauteur et les autres de la Furie verte cisaillent les barbelés et les grillages d’une centrale nucléaire et déroulent une bannière en sorte qu’elle soit filmée par leur drone : « Furie verte, Tchernobyl, Fukishima...Fickange. » Après quoi la police les arrête. Fickange est un nom imaginaire mais il sonne lorrain comme ceux de « la vallée anges » tels Florange, Hayange et les autres. Hélène Laurain est une lorraine comme son pseudonyme l’indique. Elle est née à Metz en 1988, elle vit en Lorraine, elle sait de quoi elle parle. Il serait réducteur de résumer son texte à un plaidoyer ou brûlot militant écolo ou cri d’alerte avant la fin du monde, c’est d’abord un long poème, une voix porteuse et ensorceleuse et c’est cela que montrent Hubert Colas, le travail vidéo de Pierre Nouvel et a formidable interprète qu'est Stéphanie Aflalo. Cette dernière signe aussi des spectacles personnels comme ces « conversations philosophiques » dont elle a le secret (lire ici) ou bien ce concert que fut Live (lire ici).
Laeti qui a fait des études aurait pu se ranger et se marier comme va le faire sa sœur jumelle avant la fin du roman. Elle a préféré larguer les amarres, vivre « dans la Cave à écouter Nick Cave » ou regarder une fois encore Wild Plants de Nicolas Humbert, ce film qu’elle regardait « sans cesse » avec « Mémou ». sa mère depuis peu morte d’un cancer. Laeti se souvient de ce qu’avait dit alors sa mère : « faut quand même essayer de voir le beau/ dans toute cette merde ». C’est ce que fait Hélène Laurain dans ce roman en vers libres, celui d’un voix, celle de Laeti dont Stéphanie Aflalo fait son miel sous le regard d’Hubert Colas.
Outre les centrales et la fin de la biodiversité, ce qui obsède Laeti c’est « Boudin ». Ce lieu en Lorraine désigné pour être la poubelle des déchets nucléaires ; « Fickange n’est qu’une étape/ avant le bouquet final/ à Boudin » pense-t-elle en roulant à côté de « Pépou » (son père) qui aimerait bien que sa fille change de vie et sorte de sa Cave. Elle en sortira pour aller chez Balec, son ex., pas chez sa sœur avec laquelle les rapports sont exécrables. Comme chez d’autres militants « anti dépôts sauvages » son eczéma progresse. Le jour du mariage de sa sœur elle a un rendez-vous pour une action. Elle emprunte à sa jumelle ses parfums et les clefs de sa bagnole, revêt une robe de mariée en polyester qu’elle a achetée en ligne, elle n’a plus d’eczéma depuis deux jours, va au rendez-vous ainsi vêtue, « je serai la Sœur/ils croiront ».
Sur la vidéo, raconte-elle, et dit Stefanie Aflalo, on voit « une jeune femme en robe de mariée », elle est « à l’orée du bois Ledoux/ A quelques kilomètres à peine de Boudin » et : « ce que je m’apprête à faire/ Je le fais pour nous/ un grand nous ». Elle met le feu. Stefanie Aflalo salue, bientôt rejointe par Hubert Colas.
Le spectacle Partout le feu , créé au Centquatre dans le cadre de la neuvième édition du festival « les singulier·es » est repris au Théâtre Joliette à Marseille du 2 au 4 avril 2025, puis en juin au festival Latitudes contemporaines à Lille.
Partout le feu par Hélène Laurain est disponible en Verdier poche.