Dans sa conférence de rentrée du 27 août, la ministre s’est appesantie sur sa volonté de renforcer l’ « exigence », en matière de notation notamment, afin de « garantir la valeur du niveau » des élèves et des examens des brevets et des baccalauréats.
Elle est sûre, de cette façon, de rassembler un consensus assez large, car dans l’imaginaire éducatif français, un examen qu’obtiennent plus de 85% des candidates et candidats au DNB et plus de 91% des candidates et candidats aux baccalauréats, est nécessairement un examen qui a perdu de sa valeur, puisqu’on le « donne » à pratiquement tout le monde. Il est curieux que le même raisonnement ne s’applique pas au permis de conduire, qui a un taux de succès équivalent à celui du DNB sans que pourtant on ne mette en doute sa valeur. Ne faudrait-il pas au contraire se réjouir que le travail des élèves et de leurs enseignants permette à l’immense majorité des candidates et candidats de réussir ?
Pour ne pas « laisser s’installer le doute sur la valeur du diplôme », dit la ministre, « il faut agir sur les conditions mêmes d’attribution du diplôme ». On va donc « resserrer les exigences », en limitant la possibilité pour les jurys d’augmenter la note des candidat(e)s à 0,5 point.
Dans la même logique d’apparente exigence, la modification des critères d’obtention du diplôme national du brevet est révélatrice. Le dossier de presse[1] est parfaitement clair :
Le contrôle continu -dont la part dans l’obtention de l’examen est réduite à 40%- sera en 2026 « calculé à partir de la moyenne annuelle de toutes les matières obligatoires de 3e (et non plus à partir du bilan du socle commun[2]) ». La logique est claire. Plutôt que d’envisager, à travers le contrôle continu, une prise en compte plus large de la culture commune acquise par les élèves au collège, on ne prendra en compte que les notes des matières obligatoires, avec le coefficient 1 pour chacune d’entre elles, sachant que 60% de la note d’examen proviendra d’épreuves coefficientées (2 pour le français, les mathématiques et les sciences, 1,5 pour l’histoire géographie et 0,5 pour l’enseignement moral et civique à l’écrit, 2 pour l’épreuve orale sur un projet).
A travers les mots d’ « exigence » et de « niveau » s’exprime une conception de l’école éloignée des proclamations vertueuses du dossier de presse rentrée 2025 sur « une école exigeante pour la réussite de tous les élèves » (c’est nous qui soulignons), « une école protectrice », « une école émancipatrice pour assurer l’avenir de chaque élève». L’ école de la ministre admet difficilement la réussite du plus grand nombre, et cherche à réduire les taux de réussite au lieu d’ambitionner justement « la réussite de tous les élèves ». Pour que l’école garde son sens, d’après la ministre qui s’inscrit pleinement dans l’imaginaire éducatif dominant, le succès des uns ne peut avoir de valeur que par l’échec des autres. L’avenir de notre école, tel que le dessine Elisabeth Borne, ressemble à son passé[3].
_____________________________________________________
[1] https://www.education.gouv.fr/annee-scolaire-2025-2026-dossier-de-presentation-451047
[2] On observera, au passage, le silence assourdissant de la ministre sur le projer de nouveau socle commun proposé, à la demande de sa prédécesseure au conseil supérieur des programmes qui a remis sa copie en avril dernier… Voir notre billet du 26 avril : https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-veran/blog/260425/nouveau-socle-commun-des-ecarts-mais-dans-le-cadre-etabli
[3] Voir également notre billet de novembre 2024 : https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-veran/blog/071124/niveau-scolaire-une-rhetorique-de-l-imposture