On a publié sur ce blog des billets concernant les propositions pour l’Ecole d'un prétendant à la candidature présidentielle et d'un expert de l'éducation chez Les Républicains[1]. Si on envisage tous les candidats se réclamant de la droite, le socle commun est vite trouvé : c’est de Restauration qu’il s’agit.
Restauration au sens le plus large qui soit. En effet, bien des mesures proposées pour marquer le retour à l’Ecole d’avant, qui fut, selon la mythologie, la meilleure du monde, sont en contradiction même avec l’Ecole que dessinait Jules Ferry à la fin du dix-neuvième siècle, ou celle que bâtit le général de Gaulle à partir de 1959. C’est dire !
Nous n’en prendrons que quelques exemples ici et là, en dehors de MM Bellamy et Barnier déjà traités. Chez Mme Pécresse, c’est le retour de l’examen d’entrée en sixième[2], examen aboli par le décret du 23 novembre 1956 et qui fut effectif à compter de la rentrée 1959, sous la présidence du général de Gaulle. Pour M. Ciotti, il faut aller plus loin encore et donc alléger les enseignements de matières « périphériques » comme le dessin (sic) et la musique et imposer le port de l’uniforme au moins jusqu’au collège[3].
Si on déborde d’énergie restauratrice et réactionnaire au sens strict du terme de ce côté de l’échiquier politique, de l’autre côté, les réponses apportées varient davantage. Si la hausse du traitement des enseignants est assez unanimement partagée (M. Jadot comme M. Roussel parlent de « revalorisation »[4], pour M. Mélenchon, « enseigner mérite salaire[5] », pour Mme Hidalgo, il s’agit de doubler le montant des traitements des enseignants durant le prochain quinquennat[6]), les propositions varient sur l’école de demain. Pour M. Roussel, il s’agit d’allonger le temps passé par les élèves à l’école, en le portant à 32 heures par semaine[7] : « Avec cette augmentation du temps scolaire, c’est en classe que l’on apprendra les leçons, que l’on s’entraînera. Plus de temps avec son enseignant(e), avec des équipes pédagogiques, c’est aussi pouvoir apprendre sans être pressé de réussir, c’est pouvoir varier les activités à l’école et développer l’éducation physique et sportive, les enseignements artistiques et technologiques. Formons les équipes éducatives pour cela. Parce que l’école du XXIe siècle, ça ne peut pas être juste lire, écrire et compter ».
La tentation restauratrice, au nom de l’égalité cette fois, n’épargne pas M. Mélenchon. Au contraire de Mme Hidalgo qui souhaite une « école ouverte », qui doit s’appuyer sur « la réalité des communes », il veut, pour effacer les réformes Blanquer, « que le même savoir soit enseigné partout dans les mêmes conditions aux enfants de France. Pas de contrôle continu au baccalauréat. Pas de spécialités différentes non plus, sinon ça produit un classement entre les lycées ». Mais cela va de pair avec une proposition novatrice : « comme on ne peut étudier sereinement le ventre vide, L’Avenir en commun promeut aussi la gratuité de la cantine avec des menus issus de l’agriculture biologique et locale, en écho avec l’instauration d’une heure hebdomadaire d’éducation à la nutrition et à l’alimentation ». Pour M. Jadot, même préoccupation égalitaire : « Notre objectif premier sera de rendre notre système scolaire plus égalitaire, en passant d’une école du tri à une école du soin et de l’émancipation, garantissant l’égalité des droits et de l’accès au service public ». L’égalité des droits, qui peut renvoyer à la théorique égalité des chances qui cache en fait l’inégalité réelle, est ici renforcée par l’égalité d’accès. Mais comment garantir cette égalité autrement que dans les mots, dans les faits ?
Ce qui frappe dans ces propositions, c’est qu’elles épargnent l’organisation des enseignements et les choix qui sont faits dans ce qu’on enseigne aux élèves. Par exemple, une heure hebdomadaire d’éducation à la nutrition et à l’alimentation, cela fait une heure « en plus du reste », et sans doute, dans bien des cas, une heure en trop, puisqu’il faut aussi éduquer à la santé, à la citoyenneté, au développement durable, aux arts et à la culture, aux médias et à l’information, sans que ces éducations trouvent une place dans les horaires officiels d’enseignement…
La révolution scolaire n’est donc pas un horizon pour 2022, si l’on se fie aux candidats actuellement déclarés. Pourtant, des réflexions sur les savoirs enseignés, les contenus d’enseignement, l'éducation démocratique, sont engagées ailleurs que dans les écuries présidentielles. Elles se font dans des livres, comme celui co-écrit par Christian Laval et Francis Vergne, qui dessinent « la révolution scolaire à venir »[8]. Elles se feront également le 20 novembre prochain, lors de la rencontre organisée à la BnF par le Comité universitaire d’information pédagogique et le Collectif d’interpellation du curriculum[9] : Ecole de la fracture ou école de la culture ? Les savoirs au centre du débat. C’est par un travail patient de questionnements sur ce qu’on enseigne et ce qu’on n’enseigne pas aux élèves, sur la réalité des parcours scolaires des élèves qui sont tout sauf libres, égaux et fraternels, qu’une véritable réflexion politique sur l’Ecole peut se fonder.
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[4] https://www.2022lecologie.fr/mettre_lecole_au_coeur_de_la_transition
[5] https://linsoumission.fr/2021/10/25/ecole-melenchon-lanti-blanquer/
[8] Education démocratique, la révolution scolaire à venir, la Découverte, 2021, à laquelle nous avons consacré une note de lecture en ligne : https://curriculum.hypotheses.org/1138