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Billet de blog 3 juin 2025

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Avantages et AAH : les Cours d'Appel ne sont pas d'accord sur le calcul

Les Cours d'appel ne sont pas d'accord sur la façon de calculer l'AAH lorsqu'il y a des pensions : en fonction de ces pensions, des ressources de l'année civile de référence (N-2), des pensions après abattements et déductions. Une clarification est nécessaire.

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Illustration 1
Versailles © Luna TMG

Lorsqu'un bénéficiaire de l'AAH a une pension (invalidité ou retraite), les CAF ou MSA calculent le droit à partir des ressources de l'année civile N-2, soumises à différents abattements, puis à partir des pensions : c'est le montant le plus faible qui est versé. Cela est basé sur une circulaire de 1976.

L'arrêt de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence a remis en cause ce schéma, en appliquant aux pensions les abattements prévus pour les ressources de l'année civile de référence.
Il y a plusieurs abattements : l'abattement fiscal de 10%, un abattement spécifique à l'AAH (pour neutraliser la réforme fiscale de Villepin) et l'abattement invalidité (carte de mobilité inclusion invalidité si le taux d'incapacité est au moins égal à 80%).
Dans la pratique, dans le dispositif de l'arrêt, il n'y a que l'abattement invalidité qui est retenu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour revoir le droit.
La CAF a fait un recours en cassation contre cet arrêt. Les CAF et MSA considèrent que cela concerne un cas spécifique et refusent de le généraliser.
Il y a trois autres arrêts de cours d'appel qui ont traité du sujet, clairement ou incidemment.
Selon un arrêt de la Cour d’appel de Rennes (n°16/08036), les abattements (10 et 20%) et déductions (abattement invalide) ne s’appliquent qu’à la vérification de la condition de ressources, et non au calcul de l’AAH différentielle en complément d'un avantage d’invalidité ou de retraite. Position exactement contraire à celle de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence.

L'arrêt du 22 mars 2024 de la Cour d’appel de Rouen (n° 22/00863) n'est pas très clair. La situation était particulière : la personne avait reçu une retraite complémentaire en une seule fois (comme un capital) et cela rentrait en compte dans son revenu imposable de l'année de référence N-2, ce qui diminuait son droit à l'AAH, et par conséquence à la MVA (majoration de vie autonome). C'était donc la référence au revenu imposable qui était contestée, et non le calcul de l'avantage en appliquant les abattements spécifiques aux ressources. Mais il était admis que c'était le moins favorable qui devait être appliqué.
La Cour d'Appel de Riom, dans une décision du 9 avril 2024 (n°22/00896), argumente :

"Il y a lieu de relever que la règle du calcul le moins avantageux invoquée par la caisse ne ressort pas des textes légaux et réglementaires applicables, mais uniquement d'une ancienne circulaire dénuée de force obligatoire, qui n'est donc pas opposable à M.[L] et ne saurait s'imposer aux juridictions saisies à l'occasion d'un litige (...)

Au surplus, la circulaire dont se prévaut la CAF ne prévoit pas que le montant de l'AAH différentielle à retenir soit celui qui est le plus avantageux au bénéficiaire, la règle inverse étant au contraire posée. La demande de M.[L] doit donc être rejetée et le jugement du 7 juillet 2023 confirmé."

J'avoue avoir du mal à suivre le raisonnement... En tout cas, il n'est pas question d'appliquer les abattements fiscaux aux avantages de vieillesse ou d'invalidité.

Je note par ailleurs que certains avantages sont non imposables : rentes accidents du travail, Allocation Supplémentaire Invalidité (ASI), Allocation supplémentaire personnes âgées (ASPA). Sur quelle base leur appliquer d'abord l’abattement fiscal de 10%, puis l'abattement spécial de 20% spécifique à l'AAH, qui concerne les pensions imposables ?

La circulaire dont il est question est la circulaire Sécurité Sociale (Ministère) - n°37 du 06 octobre 1976 aux termes de laquelle "il ne suffit pas de voir si le bénéficiaire de l'avantage remplit les conditions de ressources pour bénéficier de l'AAH, mais il doit être recherché si pendant cette période le montant de l'avantage vieillesse ne dépassait pas le montant de l'allocation".
Je pense que l'arrêt de la Cour d'Appel de Rennes est le plus solide. Mais il serait préférable de fixer réglementairement deux points :

  1. est-ce que la règle la moins favorable (ressources ou pensions) doit être appliquée ?
  2. le calcul des pensions doit-il se faire en tenant compte des abattements et déductions appliqués au calcul des ressources annuelles ou trimestrielles, pour les comparer au montant maximum de l'AAH ?

A suivre, donc.

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