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La CNAF (caisse nationale des allocations familiales) a donné l'ordre aux CAF de refuser l'application de certaines décisions des CDAPH (commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées).
Elle s'appuie sur le décret de décembre 2018 qui a fixé la durée minimum des décisions CDAPH concernant l'AEEH et ses compléments à 2 ou 3 ans suivant le taux de handicap.
Cette réforme, partie d'une bonne idée visant à contrecarrer les pratiques abusives de certaines MDPH qui n'accordaient le droit que pour un an, visait à diminuer la nécessité pour les parents de présenter sans cesse des demandes, complexes à préparer.
Elle a eu deux effets négatifs imprévus :
- la remise en cause de la circulaire de 2004 sur les troubles dys, qui prévoyait un taux "provisoire"de 50% pour une durée d'un an.
- une augmentation importante des effets de seuil pour ouvrir le droit à un complément d'AEEH.
Le taux dit "provisoire"
Ministère et CNSA ont réglé le premier problème en septembre 2019, en se basant sur une évolution du guide barème. Le taux de 50% - ouvrant le droit à l'AEEH - doit être accordé quand des soins sont nécessaires pour prévenir le surhandicap.
Voir
- L'AEEH peut continuer à être attribuée avec un taux de handicap temporaire
- AEEH "taux temporaire" : motivations CNSA illégales !
Bien entendu, certaines MDPH continuent de refuser d'appliquer cette règle prévue par le guide-barème légal. Comme les mêmes ou d'autres refusaient d'appliquer la circulaire de 2004.
Les effets de seuil
J'ai traité cette question dans Droit aux compléments de l'AEEH : effets de seuil
- Le décret de décembre 2018 sur les durées d'attribution de l'AEEH et de ses compléments est utilisé pour remettre en cause les pratiques antérieures visant à éviter les effets de seuil. Le point sur ce sujet.
Toutes les MDPH ne pratiquaient pas pareil. Certaines avaient une interprétation rigide du décret sur les compléments d'AEEH, et d'autres appliquaient une préconisation de la CNSA et du Ministère visant à assurer un juste financement des besoins de soins pour les enfants.
Les unes n'accordaient un complément d'AEEH que si les frais moyens étaient réunis sur toute la période d'au moins un an, et les autres calculaient le nombre de mois nécessaires au financement des soins, ce qui était évidemment plus favorable.
Le décret de décembre 2018 a provoqué des discussions entre les MDPH et la CNSA, à cause de ces effets de seuil.
Le résultat de ces groupes de travail a été la recommandation de la CNSA aux MDPH : "Démerdez-vous !"
Les pratiques sont donc différentes selon les MDPH. Cela passe au-dessus des CDAPH, qui se basent sur le calcul des droits à un complément d'AEEH établi par l'équipe pluridisciplinaire d'évaluation.
Exemple de pratique : le droit à l'AEEH est accordé pour 2 ans, et le droit au complément en fonction des frais pour une durée d'un an (y compris les frais ponctuels). L'effet de seuil existe, mais il est un peu atténué.
L'intervention de la CNAF fout le bordel
Et ne voila-t-il pas que la CNAF donne consigne aux CAF de ne pas appliquer les décisions des CDAPH sur le complément si la durée est inférieure à 2 ans (taux compris entre 50 et moins de 80%) ou 3 ans (taux égal au moins à 80%).
Mais de quoi je me mêle ?
Jusqu'en 2002, les CAF (et MSA) se permettaient un contrôle tatillon sur les décisions CDES (remplacées par la CDAPH) concernant l'AES (remplacée par l'AEEH). Elles demandaient des preuves de l'activité des parents, des preuves des frais engagés. Une circulaire de 2002 a établi que les CAF n'avaient pas à contrôler les décisions des CDAPH à l'ouverture du droit.
Elles contrôlent des conditions administratives, comme la régularité du séjour en France, la compétence de l'organisme en fonction de l'activité des parents, le choix de l'allocataire, la résidence, la condition d'enfant à charge, l'hospitalisation ou l'internat ... Cela est le cas aussi pour une prestation comme l'AAH (allocation adulte handicapé).
Mais aucune de ses prérogatives ne lui permet de contrôler la décision même de la CDAPH.
Commençons par le complément attribué pour frais. La CAF est hors concours ! Elle n'a aucune idée du montant des frais, de la nature des frais pris en considération pour attribuer le complément. Aucun contrôle n'est possible, et la réglementation ne le prévoit pas.
C'est différent pour le recours à une "tierce personne". Ce vocable incongru vise essentiellement l'activité professionnelle des parents, et parfois une activité rémunérée d'un intervenant différent des parents. Les CAF et MSA sont chargées de vérifier régulièrement cette condition : elles demandent aux parents (parfois tous les ans, parfois jamais) des justificatifs, parce qu'elles savent quel est le temps d'activité qui a fondé la décision de la CDAPH. Cela figure dans la décision de la CDAPH, et fait l'objet d'une codification spécifique dans les fichiers.
Quelle est la conséquence de cette vérification ? Le droit au complément est provisoirement revu, mais, de toute façon, la CDAPH est saisie et doit statuer rapidement pour revoir - ou non - le droit
De quel droit ?.
Vous voyez bien que la réglementation n'a pas prévu que la CAF intervienne sur autre chose.
La CAF est représentée à la CDAPH. Elle peut donc faire valoir son argumentation.
Si elle n'est pas d'accord, croyez-vous qu'elle puisse faire un recours (RAPO - recours administratif préalable obligatoire) alors qu'elle n'est pas "partie" à la décision ? Non.
Elle peut sans doute faire observer à la CDAPH que ses décisions ne respectent pas la réglementation. Tout membre de la CDAPH peut le faire, les représentants de l’État, des organismes sociaux ou des usagers. Mais c'est la CDAPH qui décide.
Mais pourquoi des exceptions ?
C'est vrai çà ! Si la CNAF est si vigilante sur une règle, pourquoi admettra-t-elle des exceptions, comme les CDAPH ?
Par exemple, si l'enfant a 19 ans, la décision de la CDAPH ne sera que pour un an (l'enfant ne peut être à charge au sens des prestations familiales que jusqu'à 20 ans).
Autre exemple : le formulaire MDPH demande au salarié s'il travaille à temps partiel. Des MDPH se permettent de demander l'attestation de l'employeur. Si le contrat à temps partiel est fait pour un an (ce qui est fréquent, même si c'est renouvelable), croyez-vous que le complément sera attribué pour une durée supérieure à un an ?
J'ai vu régulièrement en CDAPH des droits au complément attribués pour une durée inférieure à 2 ou 3 ans, pour de bonnes raisons habituellement.
Mais qu'est ce qui permet à la CAF d'intervenir dans ces décisions ? Aurait-elle par exemple le droit de refuser d'appliquer une AAH sans limitation de durée parce qu'il n'y aurait pas le taux de 80% ou que l'AAH a été attribuée pour plus de 5 ans (si taux inférieur à 80%) ?
Qui a donné à la CAF le rôle de contrôle de légalité des décisions CDAPH ?
Rien n'empêche la CAF de transmettre des observations à la MDPH, et à la CDAPH de revoir ses décisions dans les délais et suivant les règles légales.
Et sur les indus ...
Le complément d'AEEH pour frais a été attribué sur présentation de devis et sur recommandation du médecin.
Il arrive que les parents ne peuvent pas mettre en œuvre ces frais, pour des raisons variées (impossibilité de trouver des professionnels, problèmes financiers etc.). Cela sera évidemment pris en compte lors de l'étude d'un renouvellement de droit. Mais je ne connais pas de cas de décision rétroactive supprimant un droit accordé régulièrement.
Et je ne vois pas comment cela pourrait entraîner un indu. Il n'y a pas eu de fraude ou de fausse déclaration : la déclaration au moment de la demande était exacte. Il n'appartient pas à la CAF de faire ce contrôle, mais seulement pour le temps de travail, d'avertir la CDAPH qui décidera de la date d'effet de la révision du droit.