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Billet de blog 9 février 2021

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Autisme : "gauchiste" et heure silencieuse dans les magasins (suite)

Retour sur le débat à l'Assemblée Nationale sur la proposition de loi censée établir l'heure silencieuse dans les hypermarchés, proposition qui s'est auto-sabordée parce qu'il n'est pas de bon ton d'adopter la première mesure d'accessibilité concernant les personnes autistes. Et quelques commentaires sur la carte mobilité inclusion.

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Mise en garde : le billet précédent, Autisme : quel "gauchiste" a enterré l'heure silencieuse du mardi matin ?,  il fallait le prendre au second degré. Je ne voulais pas déclencher une chasse aux sorcières. :)
D'ailleurs, le "gauchiste" de service ce jour-là à l'Assemblée Nationale, s'est abstenu. Ils étaient 3 députés de la France Insoumise, les seuls à s'abstenir sur la proposition de loi :Bastien Lachaud, Mathilde Panot, Adrien Quatennens

Je rejoins tout à fait les explications données par Adrien Quatennens :

"La version initiale de votre proposition de loi prévoyait la mise en place, dans les ensembles commerciaux et les commerces de détail d’une surface supérieure à 1 000 mètres carrés, d’un temps dit calme : une heure par semaine pendant laquelle la luminosité serait atténuée et les annonces sonores suspendues.
Pleine de bons sentiments, la proposition de loi traduisait néanmoins, de notre point de vue, une façon assez particulière d’aborder la question du handicap. Car, il faut le rappeler, le handicap n’est pas une caractéristique des personnes concernées, mais le fruit d’une situation entre les individus et leur environnement. Ainsi, l’Organisation des Nations unies précise que le handicap « résulte de l’interaction entre des personnes présentant des incapacités [physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables] et les barrières comportementales et environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ».
L’universalisme républicain accorde des droits égaux à toutes les personnes en tant qu’êtres humains. Or, dans la proposition de loi initiale, il n’était pas question de modifier le fonctionnement de la société tout entière pour permettre aux personnes handicapées de s’y sentir bien à tout moment, mais d’organiser une sorte de « bulle d’intégration », limitée dans le temps et l’espace, dans laquelle on confinerait le handicap. Cela adviendrait sous réserve bien sûr que les négociations collectives aboutissent à la mise en place de cette fameuse heure silencieuse. Les personnes présentant un trouble du spectre autistique auraient donc été invitées à faire leurs courses dans de bonnes conditions certes, mais seulement durant une heure par semaine, à un horaire d’ailleurs librement choisi par les supermarchés.
C’était déjà peu, mais c’était avant la réécriture complète de la proposition de loi en commission puisque, désormais, votre texte ne prévoit plus que d’instaurer une négociation sur le sujet, ouverte aux acteurs économiques concernés, aux associations représentant les personnes en situation de handicap et en concertation avec la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Sans mettre en doute vos intentions, nous pouvons légitimement nous demander quelle intervention ou quel éventuel lobby des grandes surfaces expliquerait que nous soyons passés de l’organisation d’une heure de temps calme – avec toutes les limites que cela implique – à l’instauration d’une négociation sur l’éventualité de sa mise en place.
Le manque d’ambition de la nouvelle rédaction est, de notre point de vue, terrifiant. Nous ne voulons pas y participer et vous n’avez d’ailleurs pas besoin de nous. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.

(...) Une nouvelle fois, on place autour de la table les acteurs économiques au même rang que les personnes dont la santé est atteinte. (...) Et pourquoi ne pas réduire ces agressions pour tous ? Des conséquences positives en découleraient et la société tout entière, pour une fois, s’adapterait aux personnes en situation de handicap, plutôt que d’attendre des personnes souffrant d’un trouble du spectre autistique qu’elles s’adaptent, en fonction des horaires choisis par le supermarché du coin !

Moins de luminosité, moins d’annonces sonores, c’est aussi moins de consommation d’électricité, des factures réduites pour les grandes surfaces et, surtout, des effets bénéfiques sur le plan écologique. Alors, enfin, nous pourrions peut-être faire nos courses en paix."


Le "gauchiste" n'était donc pas là où on l'attendait.
Du côté de Sophie Cluzel, peut-être ?
Drôles d'arguments quand même utilisés par la Secrétaire d’État aux Personnes handicapées (SEPH) ?

  • "Ce dispositif a fonctionné car il a été conçu par des acteurs de terrain, sans nécessiter de cadrage législatif ou réglementaire. D’autres mesures répondent aux mêmes critères : il faudra ainsi agir sur l’attente aux caisses et recourir encore bien davantage aux caisses prioritaires."

C'est çà qui est formidable, qu'il n'y ait pas besoin de cadrage législatif ou réglementaire ! ! ! Trop comique la phrase qui suit immédiatement : l'attente aux caisses, les caisses prioritaires nécessitent justement un cadre législatif et réglementaire, avec la CMI (carte mobilité inclusion) Priorité ou Invalidité, qui fondent le droit à les utiliser.
La COVID 19 aura aussi bon dos : "Même si le contexte actuel pèse sur l’ensemble des acteurs économiques – vous le savez –, nos politiques doivent continuer à avancer." D’une mesure simple à appliquer, la proposition de loi en est arrivé à un rapport et à une concertation, comme s'il fallait une loi pour faire de la concertation.
Mais après tout, il n'est pas étonnant que Sophie Cluzel fusille encore une fois une initiative concernant les personnes autistes : cela est le cas pour le dispositif de relations entre associations et forces de l'ordre en cas de disparition de personnes autistes, cela a été cas pour les dernières mesures du 3ème plan autisme,  cela est le cas pour le Dispositif de l'Emploi Accompagné et les GEM Autisme.
Au point qu'il faille plutôt compter sur Adrien Taquet, Secrétaire d'Etat à l'Enfance et à la Famille, pour soutenir " l’élaboration du premier référentiel national permettant de mieux évaluer la situation d’un enfant en danger", alors que la SEPH a laissé tomber la mesure 38 du 3ème plan autisme : «Prise en compte des spécificités des troubles du spectre de l’autisme dans le processus de décisions en protection de l’enfance», comme l'audit des formations de travail social sur l'autisme, sur lequel avaient travaillé des centaines d'heurres des experts de l'autisme et des parents des associations.

Du côté d'Annaig Le Meur (LREM) - Quimper (29)

Illustration 1

Je ne suis pas étonné de voir Annaig Le Meur intervenir sur le sujet, contrarié quand même de voir qu'elle a approuvé le sabotage de la proposition. Une autre remarque quand même sur ce passage :

  • " Nous sommes aujourd’hui à la veille des 16 ans de la loi d’accessibilité et à la veille des 16 ans d’Erwann. Celui-ci tient à vous remercier car, grâce à vous, il trouvera peut-être un jour un plan actualisé des rayons des grandes surfaces – parce que, quand les rayons changent de place, ce n’est pas sympa. (...) Il pourra couper la file d’attente aux caisses, alors qu’actuellement, sa carte handicap ne le lui permet pas. Il pourra s’asseoir dans un lieu apaisé car, parfois, faire les courses c’est trop long. Erwann est autiste. Lui, ce sont la foule, les sollicitations multiples et les déplacements aléatoires qui le perturbent et le perdent parfois – les formes d’autismes sont variées."

C'est vrai qu'un jeune aspie* aura rarement le droit à la CMI Invalidité, parce qu'il faut un taux de 80% de handicap, accordé avec parcimonie. La CMI Invalidité permet de bénéficier de la priorité aux caisses de magasins et dans les ervices publics
Mais il a le droit à la CMI Priorité, qui donne justement les mêmes droits. Et la CDAPH de Quimper donne régulièrement le droit à cette CMI Priorité (improprement appelée station debout pénible) aux personnes autistes, enfants comme adultes, s'il est précisé dans le projet de vie que l'attente dans les queues est difficilement supportée.

Fondement légal : Article R241-12-1 du code de l'action sociale et des familles

  • " La pénibilité à la station debout est appréciée par l'équipe pluridisciplinaire en fonction des effets de son handicap sur la vie sociale du demandeur, en tenant compte, le cas échéant, des aides techniques auxquelles il a recours."

* aspie : terme familier pour parler d'une personne avec un diagnostic de syndrome d'Asperger.


Autisme : L'accessibilité universelle existe ? Créons une commission !

18 févr. 2021 - Comment la toute première mesure (petite) d’accessibilité pour les personnes autistes a été recalée... Lecture du rapport parlementaire qui a conduit à la bloquer.

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