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Billet de blog 13 février 2021

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7 ans après : "Pourquoi le Bumétanide n’est pas un médicament contre l’autisme" (sic)

Retour sur une tribune de Laurent Mottron invité par Médiapart il y a 7 ans. Le bumétanide peut-il servir aux personnes autistes ?

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Sous ce titre, il y a juste 7 ans, "Les invités de Mediapart" publiaient une critique des travaux de Y. Ben-Ari et E. Lemonnier sur le bumétanide, par Laurent Mottron himself.

Pourquoi le Bumétanide n’est pas un médicament contre l’autisme

Illustration 1
Pilulier Bumétanide et Potassium

Intéressant de relire l'article et le débat qui a suivi. Y. Ben-Ari et Eric Lemonnier y avaient aussi répondu dans l'arrière-cuisine du club de Mediapart.
Eric Lemonnier a été purgé du CRA (centre de ressources autisme) de Bretagne du fait de cette recherche et des nombreuses interventions dans les écoles, et récupéré par le Centre Expert Autisme du Limousin (et son CRA). Les traces de son action sont connues des pharmaciens des régions concernées (qui n'ignorent pas "l'autre" utilisation du Burinex, marque commerciale du bumétanide) et se traduisent également dans les statistiques du nombre d'AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap, ex AVS).
Le scandale récent du manuel de 3ème des éditions Belin, rédigé en 2016, a mis en lumière la question des expérimentations sur les "souris autistes".

Autant il est facile d'expliquer pourquoi des expérimentations sur des souris peuvent par exemple permettre de guérir la mucoviscidose, autant c'est plus difficile à admettre en ce qui concerne l'autisme, et d'ailleurs, c'est ce que pense Laurent Mottron, qui n'est pas au fond du panier.

Y. Ben Ari et E. Lemonnier viennent de publier un article d'explications :
Des souris et des hommes : la recherche sur des modèles animaux permet de développer des traitements de maladies neurologiques et psychiatriques

Vous y trouverez les références de 10 articles relatant des utilisations du bumétanide pour des enfants autistes.
Les articles de recherche fondamentale ne sont pas mentionnés, mais ils confortent les traitements pour des humains.

Il serait intéressant qu'il y ait des études chez les adultes autistes, en particulier sur les raisons pour lesquelles ils prennent du Burinex ou l'abandonnent.
Je pense que c'est l'étude de Nouchine Hadjikhani, à Lausanne, qui a concerné le plus de jeunes adultes autistes (ma fille y a participé). Sa faiblesse est le nombre limité du groupe contrôle (2 personnes autistes sans bumétanide). Mais les agences du médicament (FDA, AEM) ne demandent pas d'expérimentation chez les adultes.
Une étude menée à Brest, malheureusement non publiée, ne montrerait pas d'effet sur les aspects sensoriels ou les intérêts spécifiques, mais sur les fonctions exécutives. Cela correspond aux témoignages des adultes et expliquerait l'amélioration des interactions sociales (comme prendre le téléphone). L'étude tunisienne, cependant, a l'intérêt, malgré son faible nombre, d'avoir évalué les domaines d'amélioration :

  • "Les catégories améliorées de manière significative sont surtout les interactions sociales et l’utilisation des objets (notamment stéréotypies et mouvements répétitifs). Viennent par la suite l’imitation, la communication non verbale, l’adaptation au changement et le niveau intellectuel. L’utilisation du corps, les réponses visuelles et la communication non verbale viennent en troisième position. Des catégories sur lesquelles le Bumétanide n’a montré que peu ou pas d’effets sont les réponses émotionnelles, les peurs et anxiété, les réponses auditives, le niveau d’activité." (p.7)

Il ne s'agit pas d'avoir un médicament "contre" l'autisme. Mais un traitement qui permet aux personnes autistes de vivre plus sereinement, tout en conservant leurs points forts. Mieux : en leur permettant de vivre pleinement leurs intérêts spécifiques. Qui sont sources de plaisir ou moyens financiers de vivre.
Pour en revenir à la tribune du Pr Laurent Mottron, sa réticence sur les modèles murins (souris) d'autisme s'expliquerait par les conceptions qu'il développe aujourd'hui sur l'autisme prototypique, l'autisme primaire ou secondaire. Thèse intéressante, qui mérite débat.
Y. Ben-Ari ne voit pas dans le déterminisme génétique la raison de l'autisme, mais dans les évènements de la grossesse et de la naissance les conditions du développement du cerveau. Voir cet article sur Médecine Sciences et son dernier livre Les 1000 premiers jours: Comment préparer la santé de l’enfant (entretien Sciences Humaines).
Il estime que les thérapies géniques n'interviendraient que trop tard, mais qu'il faut réparer un mécanisme neurologique qui se développe pendant la grossesse et à la naissance. Le bumétanide peut intervenir sur un dysfonctionnement cérébral, dans une large gamme d'autisme, mais aussi pour l'X fragile, la maladie de Parkinson (étude en double aveugle en cours à Nantes), la schizophrénie...
De ce point de vue, les expérimentations sur des enfants autistes ne font pas pour l'instant de différences significatives dans le spectre de l'autisme, que l'origine génétique soit identifiée ou non. Les expérimentations sur des souris" X fragile" ou traitées au valproate de sodium ("Dépakine") ne sont pas donc pas hors de propos.
Ce type de recherche peut contrecarrer les tendances à l'eugénisme (avortement sélectif) qui existent et peuvent se développer. Je reviendrai sur le sujet. En tout cas, elle aide à montrer qu'il n'y a pas un déterminisme génétique d'un handicap grave impossible à compenser.
Articles de Médiapart sur le bumétanide
Etude en Tunisie

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