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Billet de blog 20 avril 2022

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Prestation de Compensation du Handicap : nouveaux droits au 1/01/2023

Un nouveau décret permet un accès plus juste à la Prestation de Compensation du Handicap, notamment à son volet Aide Humaine, pour bien des personnes handicapées, dont les personnes autistes, à partir du 1er janvier 2023.

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Résumé : résultat de deux ans de travaux, un nouveau décret permettra un accès plus juste à la Prestation de Compensation du Handicap, notamment à son volet Aide Humaine, pour bien des personnes handicapées, dont les personnes autistes, à partir du 1er janvier 2023. Il introduit une 20ème activité "entreprendre des tâches multiples"pour ouvrir droit à la PCH, en modifiant la définition de deux autres "maîtriser son comportement" et"se déplacer". Ses 3 activités sont aussi prises en compte dans l'accès au volet Aide Humaine de la PCH. Celle-ci prendra en compte le temps de "soutien à l'autonomie", dans la limite de 3 h par jour.


Il y a deux ans, lors de la Conférence Nationale du Handicap, E. Macron (le PR comme disent les fonctionnaires) décidait que la Prestation de Compensation du Handicap (PCH) serait modifiée pour bénéficier aux personnes avec handicaps mental, psychique, cognitif ou neurodéveloppementaux (dont l'autisme).

Deux ans de travail ont suivi. Le Dr Leguay a été chargé d'une mission, à laquelle ont participé les responsables d'Autisme France, de l'UNAFAM, de l'UNAPEI et d'Hyper Super TDAH France. Ces 4 associations ont publié un rapport complet sans attendre le rendu officiel du Dr Leguay (communiqué). Les travaux très techniques se sont basés sur la CIF (classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé). Trois MDPH ont été chargées d'expérimenter les travaux de cette mission - retardant encore la mise en œuvre de cette mesure. Le Dr Leguay a publié son rapport. La Secrétaire d’État, Sophie Cluzel, a voulu que le décret soit publié avant le 2ème tour de l'élection présidentielle, en y associant étroitement les 4  associations représentatives. Au point que le CNCPH (conseil national consultatif des personnes handicapées) a donné le 1er avril 20222 un avis favorable.

Le décret signé le 19 avril est publié au Journal Officiel du 20 avril, mais ne sera applicable qu'au 1er janvier 2023 (article 4). Dommage, mais il faut se rendre compte qu'il implique notamment une modification du certificat médical destiné à la MDPH. Ce "3ème volet" a été préparé avec les associations depuis longtemps, mais la CNSA (caisse nationale de solidarité pour l'autonomie) l'avait mise au congélateur (à défaut de l'avoir envoyé au crématorium). Il faudra aussi que les équipes MDPH soient formées, que les logiciels soient modifiés, que des guides explicatifs soient élaborés. La formation des aides à domicile doit aussi se faire.

Il ne faut pas sous-estimer l'impact de ce décret sur le nombre des bénéficiaires de la PCH. Est-ce que ce nombre doublera ? On le verra. A noter que contrairement à la création du droit à la PCH parentalité, ce décret ne semble pas avoir fait l'objet de négociations préalables avec l'ADF (Assemblée des Départements de France). Or le besoin de financement devrait dépasser les 200 millions € prévus pour la PCH parentalité (qui était accompagnée de mesures sur l'aide humaine pour la préparation des repas et de la suppression de la barrière d'âge à 75 ans). Un chantier de négociations sans doute pour le futur gouvernement.

Quels handicaps ? Enfants ou adultes ?

Le but de ce décret est de permettre aux personnes concernées par un trouble cognitif, psychique ou neurodéveloppemental, d'accéder à la PCH, notamment à son volet d'aide humaine. Parce que jusqu'à présent, les critères de la PCH décidés en 2005 ne prenaient pas en compte les "altérations de fonction"  résultant de ces handicaps, ce qui limitait - et même empêchait - l'accès à ce droit.
Mais les nouveaux critères pourront aussi concerner d'autres handicaps. Ce ne sont pas les diagnostics qui fondent l'accès à la PCH, comme pour les autres droits décidés par les CDAPH (commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées), mais les besoins de compensation en fonction des déficiences, limitations d’activité, restrictions de participation, obstacles ou  facilitateurs environnementaux observés.

La PCH est accessible aux adultes depuis 2006, pour les enfants depuis 2008. L'impact de ce nouveau décret devrait être plus important pour les adultes. Par exemple parce que le handicap psychique se développe à cet âge.

Mais surtout parce que, si l'adulte ne bénéficie pas de la PCH, il n'a aucune aide en dehors de l'AAH (pour un revenu inférieur au seuil de pauvreté). Il n'aura pas d'aide pour une assistance humaine, pour des soins ou appareils non remboursés ... Par contre, le parent d'un enfant de moins de 20 ans peut percevoir l'AEEH (allocation d'éducation de l'enfant handicapé) et son complément, à défaut d'avoir le droit à la PCH - et il bénéficie d'un droit d'option pour choisir la prestation la plus intéressante.

  • A noter cependant qu'il existe toujours une règle aberrante pour l'accès à la PCH pour un enfant. Il faut avoir droit à un complément d'AEEH. Or le complément d'AEEH est souvent refusé quand les deux parents travaillent à temps complet, ou, dans la cas d’une famille monoparentale, le parent isolé travaille lui aussi à temps complet.
  • Note suite à une remarque (19/01/2023) : un complément peut aussi être attribué s'il y a embauche pour ou moins 8 h par semaine, ou s'il y a des frais d'un montant suffisant.

L'éligibilité à la PCH - conditions générales

Jusqu'à présent, il fallait 2 difficultés graves dans 19 activités référencées - ou une difficulté absolue - pour remplir les conditions générales d'accès à la PCH. Pour bénéficier de l'aide humaine, il faut des conditions supplémentaires (voir plus bas).

Illustration 1
Conditions d'éligibilité générales à la PCH © CNSA modifié

Il y a donc une vingtième activité qui sera prise en compte pour ouvrir droit à la PCH : "entreprendre des tâches multiples", mais aussi la modification de la définition de deux activités : "maîtriser son comportement" et "se déplacer".

L'activité supplémentaire "entreprendre des tâches multiples"

  • « Définition : Réaliser des actions simples ou complexes et coordonnées, qui sont les composantes de tâches multiples, intégrées ou complexes, réalisées l'une après l'autre ou simultanément.
  • « Inclusion : réaliser des tâches multiples ; les mener à terme ; les entreprendre de manière indépendante ou en groupe, les réaliser dans des délais contraints ou dans l'urgence, réaliser des tâches liées à la prise, l'organisation et l'effectivité des rendez-vous médicaux. Cela inclut anticiper, planifier, exécuter et vérifier des tâches, acquérir un savoir-faire, gérer son temps, résoudre des problèmes. »

La modification de l'activité "maîtriser son comportement"

  • « Définition : Gérer son stress, y compris pour faire face à des situations impliquant de la nouveauté ou de l'imprévu. Gérer les habiletés sociales. Maîtriser ses émotions et ses pulsions, son agressivité verbale ou physique dans ses relations avec autrui, selon les circonstances et dans le respect des convenances. Entretenir et maîtriser les relations avec autrui selon les circonstances et dans le respect des convenances, comme maîtriser ses émotions et ses pulsions, maîtriser son agressivité verbale et physique, agir de manière indépendante dans les relations sociales, et agir selon les règles et conventions sociales.
  • « Inclusion : Comportement provoqué ou induit par une altération de fonction, un traitement ou une pathologie, une situation inhabituelle, y compris un comportement de repli sur soi ou d'inhibition."

Souligné, ce qui a été ajouté. La maîtrise du comportement n'inclut pas seulement les relations avec autrui, mais la gestion de son propre stress.

La modification de l'activité "se déplacer (dans le logement, à l'extérieur)"

  • "Définition : Se déplacer d'un endroit à un autre, utiliser un moyen de transport."

Remplace "sans utiliser un moyen de transport".

La création de cette nouvelle activité et les modifications de 2 des 19 activités actuelles permettront l'accès à la PCH. Cela peut se traduire par exemple à l'accès à la PCH charges spécifiques (soins non remboursés - plafond de 100 € par mois).
Cela peut se traduire à ce qui sera essentiel : la possibilité d'aide humaine. Mais il faudra remplir d'autres conditions.

L'accès au volet Aide Humaine de la PCH

Une aide humaine peut être assurée par un aidant familial, un salarié ou un service prestataire d'aide à domicile.

Jusqu'à présent, l'accès à la PCH Aide Humaine était lié à 5 activités et au besoin de surveillance - après avoir rempli les conditions générales d'accès à la PCH.
Au 1er janvier 2023, l'accès dépendra de 7 activités et du besoin de surveillance ou de soutien à l'autonomie.

Illustration 2
Conditions d'accès à la PCH aide humaine © CNSA modifié

Les deux nouvelles activités prises en compte sont la réalisation de tâches multiples (activité ajoutée) et maîtriser son comportement (activité modifiée). D'autre part, le fait de ne pouvoir utiliser un moyen de transport permettra de "valider" un des 7 critères.
Aïe, je vais peut-être être accusé de validisme

Il ne s'agit pourtant que de définir si une personne a un besoin de compensation par une aide humaine. Le besoin peut ne pas être définitif : il pourrait par exemple avoir besoin d'un accompagnant pour utiliser des moyens de transport, mais une partie de l'aide visera un soutien à l'autonomie.

Il était déjà précisé : "Pour les personnes présentant un handicap psychique, mental ou cognitif, sont pris en compte le besoin d'accompagnement (stimuler, inciter verbalement ou accompagner dans l'apprentissage des gestes) pour réaliser l'activité." (annexe 2-5 CASF  chapitre 2 Section 1). Dans le certificat médical actuel, le code C correspond à une difficulté grave, et le code D difficulté absolue.

Illustration 3
p.5 certificat médical MDPH

Pour l'accès à l'aide humaine, il faut d'abord (aujourd'hui), rappelons-le, avoir 2 C ou 1 D dans les 19 activités référencées. Puis avoir 2 C ou 1 D dans les 5 activités spécifiques à l'aide humaine, ou que le temps nécessaire pour les 5 activités et le besoin de surveillance atteigne 45 mn par jour.

Au 1er janvier 2023, il faudra d'abord, avoir 2 C ou 1 D dans les 20 activités référencées. Puis avoir 2 C ou 1 D dans les 7 activités spécifiques à l'aide humaine, ou que le temps nécessaire pour les 7 activités, le besoin de surveillance et le soutien à l'autonomie atteigne 45 mn par jour.

Qu'est ce qu'est le soutien à l'autonomie ?

Les aides humaines concernent aujourd'hui :

  • 1° Les actes essentiels de l'existence (les 5 activités référencées) ;
  • 2° La surveillance régulière ;
  • 3° Les frais supplémentaires liés à l'exercice d'une activité professionnelle ou d'une fonction élective.
  • 4° L'exercice de la parentalité.

Il y aura désormais le soutien à l'autonomie.
Comment est-il défini ?

  • « La notion de soutien à l'autonomie s'entend comme l'accompagnement d'une personne dans l'exercice de l'autonomie dans le respect de ses aspirations personnelles.
    « Pour être pris en compte au titre de l'élément aide humaine, ce besoin de soutien à l'autonomie doit être durable ou survenir fréquemment et concerne les personnes présentant notamment une ou plusieurs altérations des fonctions mentales, cognitives ou psychiques.
    « Le besoin de soutien à l'autonomie s'apprécie au regard de l'hypersensibilité à l'anxiété, au stress et au contexte ainsi que des conséquences que des altérations des fonctions peuvent avoir dans différentes situations :
  • « - pour planifier, organiser, entamer, exécuter, et gérer le temps des activités (habituelles ou inhabituelles) en s'adaptant au contexte dans les actes nécessaires pour vivre dans un logement, pour se déplacer en dehors de ce logement, y compris pour prendre les transports, et participer à la vie en société ;
    « - pour interagir avec autrui, comprendre ses intentions et ses émotions ainsi que s'adapter aux codes sociaux et à la communication afin de pouvoir avoir des relations avec autrui, y compris en dehors de sa famille proche ou de ses aidants ;
    « - évaluer ses capacités, la qualité de ses réalisations et connaitre ses limites, afin notamment d'être capable d'identifier ses besoins d'aide, de prendre des décisions adaptées et de prendre soin de sa santé ;
    « - pour traiter les informations sensorielles (notamment hypo ou hyper sensorialité, recherche ou évitement des sensations, hallucinations, difficulté à identifier une douleur, difficulté à évoluer dans certains environnements) afin notamment de mettre en œuvre les habiletés de la vie quotidienne, la communication, les compétences sociales."

Quel temps d'aide humaine ?

Pour les nouveaux bénéficiaires de la PCH, l'équipe pluridisciplinaire de la PCH fera une évaluation individuelle* du temps d'aide humaine nécessaire. Les bénéficiaires actuels pourront demander une révision du temps actuellement accordé.

  • « Le temps d'aide humaine pour le soutien à l'autonomie peut atteindre trois heures par jour. Il est attribué sous forme de crédit temps et peut être capitalisé sur une durée de douze mois.
    « Ce temps consiste à accompagner la personne dans la réalisation de ses activités, sans les réaliser à sa place, notamment s'agissant des activités ménagères."

La capitalisation sur 12 mois est intéressante. C'est le même principe que pour la participation à la vie sociale. Si vous ne l'utilisez pas un mois, vous pouvez augmenter le nombre d'heures sur d'autres mois.

Pour les activités ménagères : la préparation des repas et la vaisselle sont comprises depuis le 1er janvier 2021 dans le temps d'alimentation (sans augmenter le plafond quotidien) de la PCH. Pour le ménage du logement et l'entretien du linge, il faut s'adresser au CCAS (mairie).

  • « [Le temps d'aide humaine] exclut les besoins d'aide humaine qui peuvent être pris en charge à un autre titre, notamment ceux liés à l'activité professionnelle, à des fonctions électives et à la participation à la vie sociale.
  • « Lorsque le handicap d'une personne requiert du soutien à l'autonomie, il est possible de cumuler le temps d'aide qui lui est attribué à ce titre avec celui attribuable au titre des actes essentiels mentionnés aux a, b et e du 1 de la section 1 du présent chapitre et de la surveillance régulière. »

Par exemple, pour la participation à la vie sociale ["pour se déplacer à l'extérieur et pour communiquer afin d'accéder notamment aux loisirs, à la culture, à la vie associative, etc."], il peut être accordé 30 heures par mois. Il sera possible d'avoir ces 30 heures, et désormais en plus 90 h maximum pour soutien à l'autonomie.
Pour le cumul du temps d'aide, "celui attribuable au titre des actes essentiels mentionnés aux a, b et e du 1 de la section 1 du présent chapitre" concerne les 5 actes essentiels et la participation à la vie sociale. Ne sont pas cumulables le temps pour "maîtriser son comportement" et "entreprendre des tâches multiples".
Les 3 heures quotidiennes (maximum) pour la surveillance seront cumulables avec les 3 heures quotidiennes (maximum**) pour le soutien à l'autonomie.

Le besoin de surveillance prendra désormais en compte le besoin de "maîtriser son comportement".

Pour déterminer le temps nécessaire, il sera tenu compte dans les "Facteurs en rapport avec le handicap de la personne [...] difficulté à établir un lien de confiance, la fatigabilité, les troubles anxieux, phobiques, mnésiques ou de l'estime de soi, la désinhibition, difficultés de concentration et à fixer son attention, difficulté à se motiver, l'auto stigmatisation, la vulnérabilité émotionnelle ou l'extrême sensibilité émotionnelle, les troubles psycho-traumatiques" et dans "Facteurs en rapport avec l'environnement  [...] l'absence de lien social".

  • Attention : si lors d'un contrôle, le conseil départemental s'aperçoit que le salarié effectue des tâches ménagères sur le temps financé par le conseil, le coût de ces heures sera récupéré par le conseil.  

Il faudra revenir plus précisément sur l'application de ces différentes règles, en fonction des questions qui se poseront.

* Par exception, il y a des forfaits PCH aide humaine pour la surdité, la cécité et la parentalité. Le nouveau décret (article 1) prévoit des forfaits différenciés en cas de cumul de cécité et de surdité.

** La CDAPH ou le président du conseil départemental (statuant en urgence) peuvent dépasser les temps plafond, dans des circonstances exceptionnelles


Annexe 2-5 du code de l'action sociale et des familles

Référentiel pour l'accès à la prestation de compensation

version applicable au 1er janvier 2021

version applicable au 1er janvier 2023


Futur droit à la prestation de compensation du handicap et troubles (dont TSA)

1er avril 2022 - Une future modification de la Prestation de Compensation du Handicap (surtout pour l'Aide Humaine) qui aura beaucoup d'effets sur l'autonomie des personnes autistes

PCH : comment permettre à une personne autiste de consolider son autonomie ?

28 mai 2019 - Pour une personne autiste adulte, c'est souvent difficile d'obtenir la PCH alors qu'elle est pourtant adaptée à ses besoins. Quelques explications pour pouvoir l'obtenir, avant une réforme nécessaire. Préparez-bien, pour commencer, la visite chez le médecin [article suivant règles antérieures au 1er janvier 2023]

PCH handicap mental et psychique : le décret est paru !

Handicap.fr - 20 avril 2022 - article d'Emmanuelle Dal'Secco

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