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Billet de blog 29 octobre 2025

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"L'autisme" - Adrien Primerano - La Découverte /Sociologie

Une synthèse sociologique sur la question de l'autisme. Indispensable.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un excellent petit bouquin vient d'être publié dans la collection Repères/Sociologie des éditions La Découverte sur "L'Autisme" (128 pages, 11 €).

Illustration 1


Si vous cherchez sur Google l'auteur, vous tombez sur un philosophe de l'Association de la Cause Freudienne. Pas appétissant comme programme. Mais l'auteur du livre n'a  pas le même prénom, et il s'agit d'un sociologue!

Je l'ai croisé quand il était à Brest, où il s'intéressait aux GEHS (groupes d'entraînement aux habiletés sociales) qu'Asperansa organisait. Deux ans après, c'est très intéressant de lire cette synthèse sociologique sur l'autisme, la façon dont le diagnostic s'est formé, les associations qui se sont créées.
C'est intéressant de lire l'histoire de l'autisme sur le plan sociologique, et non sur l'angle médical. Il y a bien sûr des interactions entre les médecins, les parents, les personnes autistes. Évidemment, les médecins ont mis en cause les parents (Léo Kanner à un moment, mais surtout Bruno Bettelheim). Les parents ont réussi à redresser les fadaises des médecins. Les adultes autistes ont donné une vision plus positive de l'autisme. Les associations ont réussi à obtenir des plans autisme.

I/ Fonder l'autisme comme catégorie neuropsychiatrique

Ce chapitre situe l'apparition du diagnostic d'autisme dans une nouvelle attitude envers les enfants, à partir de la fin du XVIIème siècle. La généralisation de l'éducation conduit à s'intéresser aux enfants à problème, tant à ceux des "classes inférieures" ou "moyennes". D'autre part, un autre chemin vers l'autisme passe par l'émergence de la schizophrénie, avec Eugen Bleuler qui invente le terme "autisme", puis Grunya Sukhareva en URSS et Idia Frye aux Pays-Bas. 

Léo Kanner aux USA et Hans Asperger en Autriche vont fonder l'autisme en tant que catégorie spécifique. 

L'évolution du DSM (classification américaine des troubles mentaux) interviendra quand diminuera l'enfermement des "retardés mentaux" dans des institutions psychiatriques, impulsé par les parents et les chercheurs, avec des thérapies éducatives.

II/ Définir, concevoir l'autisme

Les modèles de compréhension de l'autisme commencent par la psychanalyse, puis notamment par la déficience de la théorie de l'esprit. Au point de vue génétique, l'autisme s'avère hétérogène. La conception de la neurodiversité apparaît. Des personnes autistes s'identifient comme telles.

Par ailleurs, l'environnement apparaît comme une cause de l'autisme, pour de mauvaises raisons (vaccin ROR ou mercure) ou des bonnes (grossesse). 

III/ Accompagner l'autisme

Ce chapitre est surtout basé sur les évolutions aux USA, où les parents ont dû se battre contre la culpabilisation des mères, créer des associations qui stimuleront les recherches et s'impliqueront dans l'élaboration de solutions. Comme TEACCH d'Eric Schopler ou l'ABA d'Ivar Lovaas. 
Cependant, d'autres parents se mobiliseront pour des traitements alternatifs, visant à guérir l'autisme. A l'opposé des personnes autistes, comme Jim Sinclair ("Ne nous pleurez pas").

IV/ Faire émerger des politiques publiques de l'autisme

Ici, il s'agit des politiques menées en France. L'auteur décrit d'abord les associations de parents.

Je suis réservé sur la bipolarisation indiquée entre Sesame Autisme et Autisme France (page 77). Si elle a bien sûr existé historiquement, ce n'est plus le cas aujourd'hui, où ces associations se retrouvent dans le Collectif Autisme, en défendant les recommandations de la HAS de 2005 (diagnostic) et 2012 (interventions chez les enfants).
Les associations ont dû se battre contre la psychiatrie et elles ont obtenu en 1995/1996 la circulaire Veil et la loi Chossy (pp. 80-81). Cette dernière est devenue l'article L.246-1 du code de l'action sociale et des familles. L'article a évolué : il n'y a plus la réserve "eu égard aux moyens disponibles" et il a été étendu au polyhandicap.
Cet article a fondé la décision du Conseil d'Etat du16 mai 2011. En est issu le rapport Piveteau "Zéro sans solution", la RAPT (réponse accompagnée pour tous).
Le livre fait justement référence à la thèse d'Alexandra Struck Kachani (2017) .: La construction des politiques de l'autisme : concurrence des acteurs et arbitrage de l'Etat

Adrien Primerano se pose la question de savoir si la politique de l'Etat est émancipatrice. Mais il ne tient pas suffisamment compte de l'hétérogénéité de l'autisme pour la représentation des personnes.

V/ Genrer l'autisme

L'autisme est très majoritairement masculin. Cela a conduit Simon Baron-Cohen a considéré que les personnes autistes avaient un "cerveau hyper-masculin". Aujourd'hui, le sous-diagnostic des femmes est questionné. 

D'autre part, les caractéristiques atypiques de la sexualité des personnes autistes, ainsi que la surreprésentation des personnes transgenres, sont interrogées.


Une très bonne synthèse, qui sort l'autisme de l'histoire des classifications médicales. Un livre inégalé en français.


Présentation du livre

Adrien Primerano est docteur de l'EHESS et chercheur postdoctorant en sociologie. Depuis une dizaine d'années, il étudie les dispositifs d'accompagnement à destination des personnes autistes en France. Il s'est notamment intéressé aux instituts médico-éducatifs, des institutions accueillant des adolescents autistes ; aux job coachs, des professionnels accompagnant des adultes autistes en entreprise ; ou encore au dépistage précoce des enfants autistes.

Extrait

Articles d'Adrien Primerano

https://shs.cairn.info/publications-de-adrien-primerano--727057?lang=fr

https://iris.ehess.fr/index.php?3051

https://hal.science/search/index?q=adrien+primerano

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