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Billet de blog 10 octobre 2024

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La victoire des vaincus

"Les peuples n’ont rien à perdre. Ils s’insurgent contre la misère et l’humiliation. Rien ne peut les arrêter."   Jean Ziegler

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Illustration 1
Drapeau Martiniquais

Zot ké fini pa konprann
L'irresponsabilité de la classe politique martiniquaise, la pression inhumaine du système colonial et les promesses non tenues marginalisent chaque jour un peu plus de Martiniquais. Ces exclus prennent la parole à leur manière, dénonçant les conséquences d'un système colonial conçu pour les maintenir en l’état : la surconsommation. Hélas, la vraie cause de leur misère n’est pas dans leur exclusion de cette hyperconsommation.

Personnellement, je ne partage pas cette vision où l’accès à l’hyperconsommation serait une solution, même si je reconnais l'urgence de certaines situations. Je critique les concepts d’"égalité réelle" et de "continuité territoriale", qui ne sont que des clichés de pensée coloniale, ne proposant de solution que dans la soumission et jamais dans le respect de nos réalités martiniquaises. Jamais nous ne serons des Français à part entière, ni entièrement à part. Nous irons jusqu’au bout de notre quête de reconnaissance en tant que peuple, avec tout ce que cela implique.

D'ailleurs, un constat s’impose : dans toutes les communes, les symboles de la France coloniale et les représentants de la *pwofitasyon* ont été aussi pris à partie. Le bilan de la gouvernance coloniale est clair, inutile d’en faire un énième inventaire.

Mi sé sa zot pwop  
Nous vivons les conséquences de cet héritage colonial, d’un système archaïque où les Blancs jugent les Noirs, les répriment, les exploitent. Ce système s’imbrique à une oligarchie de prédation-subvention, visant à endormir les populations et à étouffer toute revendication. Cela ne peut plus durer. La question est de savoir : comment en sortir ?

Nou ka toufé  
La prolifération des grandes surfaces, l'arrogance de la justice, le foisonnement des radars de surveillance, la défaillance des services publics, et la violence décomplexée d’un président de la collectivité majeure décrédibilisent l’autorité. Cette situation rompt toute confiance envers ceux qui sont censés représenter le peuple. Face à cela, la "parole de la rue" et celle des perdants émergent, créant un espoir, un souffle nouveau, un peu d'oxygène. Leur nombre donne force à leurs mots.

Pép la
Ces personnes ne se reconnaissent que dans des figures qui leur ressemblent. Elles sont souvent étiquetées comme des malfrats ou des voyous, méprisées, et ne reçoivent pour réponse que la force, la violence, et le maintien de l’ordre colonial. Le tout est accompagné d’un assistanat social, dont le seul objectif est de contenir la colère. "Manman la Fwans pa rété lajan", et pourtant nos élus répètent sans cesse qu'ils attendent des directives de "papablan". 

La bien-pensante minorité s’indigne et condamne avec émotion. Quand le système fait des victimes, on parle de "dégâts collatéraux". Quand les émeutes font des victimes, on parle de "violence urbaine" et de "voyoucratie". Ce sont les mêmes qui stigmatisent les émeutiers tout en dénonçant la violence des forces de l’ordre, se sentant eux-mêmes menacés. Tant que ces événements seront traités comme des œuvres de malfrats, le colon continuera à offrir une sécurité illusoire en envoyant ses gardiens de l’ordre.

Kontinié kon sa toujou  
Cette situation persistante crée des groupes se retrouvant face à un avenir sans perspectives, et le résultat est que de plus en plus de personnes n'ont plus rien à perdre. Les structures économiques dominantes maintiennent une "violence structurelle" qui fabrique des exclus, des laissés-pour-compte, dont les espoirs d’une vie meilleure s'effondrent. Privés de leurs droits, de leurs ressources et de leur dignité, ils atteignent un point de rupture. À ce stade, prendre des risques, même radicaux, devient moins effrayant que de continuer à subir une existence marquée par la misère.

Nou pé pa ankô 
N'ayant pas d'autres moyens d'expression, ils retournent la violence qui leur est infligée au quotidien et deviennent des acteurs imprévisibles, prêts à tout pour se faire entendre. Manifester, s’opposer frontalement, voire se radicaliser, leur apparaît comme la seule issue. Souvenons-nous de la gestion "COVID" : cette brutalité, cette arrogance, ces mensonges, ce mépris affiché par ceux qui prétendaient vouloir le bien du peuple. Je ne m’étendrai pas sur le sujet, les faits parlent d’eux-mêmes.

L’histoire est riche de tels mouvements.

Sonjé  
"La victoire pour l'émancipation n'est pas la seule œuvre des professionnels de la révolution." 

Jeff Lafontaine, 10/10/2024

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