C’est l’été. Le temps des séries. Cette année, revenons sur un conflit qui a fait des dommages collatéraux et culturels : la guerre du Golfe (1990-1991). À la BBC ou à la radio française, des chansons furent alors privées d’antennes. Une censure qui en disait long. Des chansons interdites pour une raison impérative ou pour deux cent mille raisons confuses. Voici quelques chroniques d’une censure, le long de la guerre du Golfe pas très claire (avec ses reflets d’argent). Pour chanter, pas pour faire la guerre.
La chanson des Bangles sort en septembre 1986. C’est le 3ème single de l’album « Different Light ». Leur sophomore album (sur le sens de l'adjectif, voir ici). Le groupe, c’est Susanna Hoffs, Debbi Peterson, Vicki Peterson, Annette Zilinskas.
Un air catchy. (Oh-whey-oh). Cette année-là, même la radio ou la télé éteintes, vous entendiez la chanson. Une bénédiction divine, sans doute œuvre des dieux égyptiens (ou de quelque Prince, celui de Minneapolis avait par exemple travaillé pour le groupe sur « Manic Mondays »).
« Walk Like an Egyptian », une des 7 merveilles du monde la pop.
Les paroles sont de l’auteur américain Liam Sternberg. Le titre de la chanson qui sera son refrain lui est inspiré par une traversée en Ferry. La mer était agitée et il observait les passagers cherchant à garder leur équilibre dans une posture walklikeegyptianesque.
Pour trouver de quoi écrire le reste des paroles, il afficha ensuite, chez lui, le portrait de Nefertiti. À cette reine, sceptique et un peu morte, il disait : « Fais de cette chanson un succès et je viendrai te voir en Egypte. » (il l’a fait en 1988) Et puis il se mit à enrichir son champ lexical couleur locale : « sand », « Nile », « crocodiles », « hookah pipes », …
Le succès fut phénoménal. De quoi s’assurer de passer le reste de sa vie sur les ondes.
Sauf que lors de la Guerre du Golfe, après écoute minutieuse et analyse lexicale rigoureuse, on s’aperçut que la chanson parlait…d’Égyptien. Dans le titre et dans le refrain. Le monde était en ébullition et il y avait eu le sommet de la Ligue arabe au Caire, le 10 août 1990. 35 000 soldats égyptiens allaient être engagés sous le commandement américain (https://www.monde-diplomatique.fr/mav/120/A/46973).
Il s’agissait de marcher d’un seul pas, d’un seul mouvement. En point de mire, l’unité, pas des fadaises pseudo-égyptiennes.
Bref, il n’y avait pas de quoi rire avec les Égyptiens.
Les Bangles ? Et pourquoi pas Les Bang ! Bang ! ?
La chanson pouvait offrir d’autres mauvaises lectures. « All the old paintings on the tombs » Tombs. Ou Bombs ? « They're falling down like a domino » Et la théorie des dominos, doctrine américaine selon laquelle les gouvernements de plusieurs pays peuvent basculer simultanément dans une même idéologie. La chanson ne dit-elle pas « The party boys call the Kremlin » ?
Sans compter que le clip faisait walker like an Egyptian certes Lady Di mais aussi Kadhafi.
Avec les complotistes durs de l’oreille, pour un peu, la chanson des Bangles devenait un hit à la gloire de l’invasion du Koweit.
Cette chanson était trop pacifiste pour la période. Les policiers qui oublient d’être bad cops au milieu des donuts ? (« All the cops in the donut shop say (Whey oh whey oh, ay oh whey oh) Walk like an Egyptian »).
Allez, on censure et ça se sent sûr de son droit.
En 2001, bis pour les Bangles, après les attentats du 11 septembre. La chanson est encore censurée.
#1 Chanson de Jean-Patrick Capdevielle : "Quand t'es dans le désert"
#2 Chanson de Charles Trenet : "Boum"