En lien avec un de mes précédents billets : la chanson « Maman, j'aime un liouber » est une création originale du groupe DDT, mais son refrain s'inspire de cette vieille rengaine russe, « Maman, j'aime un voyou [1] », chantée, entre autres, par Aliocha Dimitrievitch.
Je ne sais pas si en France, nombreux sont ceux à se souvenir de ce « tzigane de restaurant », mais je sais qu'en Russie, on lui voue un petit culte. Et tant pis si, comme vous le diront ses détracteurs, il parle tellement mal russe qu'il ne comprend pas toujours ce qu'il chante, et tant pis si ça saute par moments aux oreilles. Lui, il était là-bas, derrière le cordon. Même dans ma famille, pourtant pas très mélomane, parmi nos rares vinyles, il y avait, entre l'Aïda et M. Kozakov déclamant Brodski, un « import » d'Aliocha Dimitrievitch. Garik Soukatchiov, que je vous ai déjà brièvement présenté dans deux autres billets revendique ouvertement son influence, et le grand tube d'Aliocha, « Ya milogo ouznayou po pohodke » (« Je reconnaîtrai mon chéri à sa démarche »), est également un des plus gros succès de Garik (et de son projet commun avec Aleksandr F. Skliar du groupe Va-Bank : « Botsman i Brodiaga », le Bosco [2] et le Vagabond).
Dans la traduction qui suit, j'ai coupé les nombreuses répétition du refrain, onomatopées et autres variation tellement tziganes sans réel rapport avec le texte que balance Aliocha, à part une, en rapport avec ses origines : le morceau semble être issu du folklore truand de la ville d'Odessa. Paraît-il.
***
(Je suis très ravi, très content de chanter pour vous maintenant : « Maman, j'aime un truand », Aliocha Dimitrievitch.)
Le truand va voler,
Et moi, je vais refourguer,
Maman, j'aime un truand ! (Odessa-maman !) [3]
Un cave me suit partout,
Mais moi j'aime un voyou,
Maman, j'aime un truand !
Pour se baigner dans l'argent,
Il faut aimer un truand,
Maman, j'aime un truand !
Le flics cherchent, le truand dort,
Et mon cœur en meurt encore,
Maman, j'aime un truand !
Partout je suis les voleurs,
Tous les voleurs, c'est ma douleur, [4]
Maman, j'aime un truand !
Mon truand est dans un cachot,
Moi, chez mon cave, bien au chaud,
Maman, j'aime un truand !
Mon cave criera de désespoir,
Et moi, je vais tout boire,
Maman, j'aime un truand !
Le truand va voler,
Et moi, je vais refourguer,
Maman, j'aime un truand !
***
Il existe encore une autre chanson basée sur ce refrain, jouée sur un air similaire mais généralement plus gai et rapide : « Maman, j'aime un aviateur ». Ce morceau, surtout populaire, n'a fait la renommée d'aucun artiste, mais reste un classique des soirées karaoké.
Maman, j'aime un aviateur,
Maman j'épouserai un aviateur !
Il vole au-dessus des toits,
Il touche mille roubles par mois,
Maman, j'aime un aviateur !
Maman, j'aime un cuisinier,
Maman, j'épouserai un cuisinier !
Il prépare des kotlety
Et aussi des vinegrety,
Maman, j'aime un cuisinier !
(etc. avec un chauffeur, un docteur, un guitariste, un voleur, suivant les versions et les interprètes)
***
[1] Le terme original, « joulik », désigne plutôt un « escroc » dans le russe moderne. Mais comme à Odessa, tout le monde est un peu un escroc, on peut supposer que ce terme désigne dans le morceau un « voleur » ou un « bandit » en général.
[2] Cette traduction ne reflète hélas pas toutes les couleurs associées au « Botsman » russe. Même si ce grade de la marine militaire a disparu à l'aube du communisme, il reste l'archétype du matelot-chef à l'humour très vulgaire et aux grossièretés inépuisables.
[3] « Papa : Rostov, Maman : Odessa » est une expression qui serait née à la fin du XIXe s., quand ces deux villes étaient des centres de la vie criminelle de l'Empire Russe. Dans le folklore, c'est une réponse traditionnelle des voyous ou des orphelins à une question sur leurs origines.
[4] Dans la majorité transcriptions russes du texte qu'on trouve sur internet, on trouve à la fin de cette phrase « vse blatnye, vdol' moïa », ce que semble chanter Dimitrievitch, mais qui n'a pas de sens (littéralement, ça donne quelque chose comme « tous les voleurs, c'est ma le long »). Certains suggèrent que le texte devrait être « vse blatnye, bol' moïa » (ce qui correspond au texte traduit)
Billet de blog 3 août 2013
Aliocha Dimitrievitch et Gainsbourg en catimini
En lien avec un de mes précédents billets : la chanson « Maman, j'aime un liouber » est une création originale du groupe DDT, mais son refrain s'inspire de cette vieille rengaine russe, « Maman, j'aime un voyou [1] », chantée, entre autres, par Aliocha Dimitrievitch.
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