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Billet de blog 18 février 2022

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Le président Macron et sa retraite du Mali

Le président de la République a annoncé le retrait des troupes françaises du Mali tout en soulignant « les nombreux succès » remportés par les militaires français.

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Guidée par un dirigeant exceptionnel, la diplomatie française vole de succès en succès. Une semaine après avoir écarté le danger d’une troisième guerre mondiale en partant à l'assaut du Kremlin, M. Macron vient de mettre fin à la campagne triomphale de nos armées au Mali. A quand une visite du président français à Pékin afin de recadrer comme il se doit Xi Jinping à propos de Taïwan ? Nul doute que le président chinois en tremble déjà.

Présenter une retraite militaire comme un grand succès, c’est comme changer le plomb en or, ce n’est pas à la portée du premier venu. Mais rien n’est impossible à celui qui est devenu Grand Epidémiologiste en lisant quelques articles en anglais. Car c’est aussi un extraordinaire alchimiste dans ce que l'on dénomme désormais « communication » et que l'on connaissait autrefois sous le nom de « propagande ». 

D'après un article de Mediapart, l’armée française a tué au moins 2 800 présumés djihadistes au Sahel. Enfin, elle ne les a pas tués, elle les a juste « neutralisés » avec la « précision chirurgicale » de rigueur. Certes, il y a eu des victimes civiles – hommes, femmes et enfants – lors de ces opérations, mais d’abord que faisaient-ils là en si mauvaise compagnie et ensuite on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, c’est bien connu.

L’opération Barkhane au Mali est donc un immense succès, tous les courtisans vous le diront. La présence française n’était-elle pas acclamée par la population dans les villages les plus reculés du Mali ? Ou pas ? Les « franchises » locales d’Al-Qaïda et de Daech n’étaient-elles pas en voie d’être anéanties au Sahel ? Ou pas ?

Mais alors, pourquoi partir ? Il y a eu l’an dernier un coup d’état au Mali et la junte militaire ayant pris le pouvoir n'a pas l'intention de le rendre aux civils. La belle affaire : un régime issu d’un coup d’état n'a jamais été de nature à gêner les dirigeants français. Ainsi, le régime du président Ibrahim Boubacar Keïta, qui « demanda » l’intervention militaire de la France en 2013 était lui-même issu d’un coup d’état en 2012. Aux obsèques du président tchadien Idriss Déby (parvenu au pouvoir en 1990 après avoir renversé Hissène Habré avec l’aide de la France), le président français arborait un grand sourire aux côtés du fils à papa Mahamat Idriss Déby qui venait de prendre le pouvoir à la tête d’un Conseil militaire de transition. Quant au général Abdel Fattah al-Sissi, auteur d’un coup d’état en Egypte en 2014, il a reçu la grand-croix de la Légion d'honneur des mains d’Emmanuel Macron en décembre 2020 à l’occasion d’une visite d’État en France.

Oui mais voilà : il y a des bons coups d’état, c'est-à-dire ceux qui sont favorables aux intérêts français, et les mauvais comme le dernier en date au Mali. Très mauvais même puisque le chef de la junte a fait appel à des mercenaires russes et a récemment expulsé l’ambassadeur de France à Bamako. Mais enfin, pour qui se prend-il ? Ne peut-il pas se contenter d’aller « réparer la clim » comme M. Macron l’avait si délicatement dit au président burkinabé en novembre 2017 ? Les chefs d’État du Sahel se croient maintenant tout permis, au point de s'être rendus de mauvaise grâce à Pau en janvier 2020 à une convocation du président français qui  les sommait de clarifier leur position sur l’opération Barkhane. Il y auraient vu une forme d'arrogance et de mépris. Mais où vont-ils chercher cela ?

Des esprits chagrins ne manqueront pas de souligner que la retraite du Mali marque peut-être le début de la fin de la « Françafrique ». Installer des régimes conformes à ses intérêts, soutenir des dirigeants corrompus qui lui doivent tout, c’est ce que fait la France dans ses anciennes colonies en Afrique depuis des décennies. Le moment approche où il va falloir payer la facture. Celle de l’intervention au Mali s’élève à 58 militaires tués, sans doute des centaines de victimes civiles et 8 milliards d’euros.

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© TF1

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